Vassal battue, Rubirola est presque là !
Fin de week-end sur la Plaine, le cœur du centre-ville de Marseille. A l’occasion du deuxième tour des municipales est organisée une « pinata anti-électorale ». Prophétique ? La première à se faire exploser, c’est celle à l’effigie de la candidate LR, Martine Vassal. Le frontiste Stéphane Ravier suit. Et la candidate de tête de liste écologiste du Printemps marseillais (gauche, écolos et citoyens), Michèle Rubirola, n’est pas épargnée. D’une certaine manière, un bon résumé de la folle journée électorale qui a agité Marseille.
Car, comme au premier tour, la journée est marquée par ces incidents qui achèvent de consolider la réputation de Marseille comme ville vraiment pas pareille. Au mieux, des « viennoiseries » offertes par une candidate (des partisans de Martine Vassal devant un bureau de vote du 14ème arrondissement), au pire des insultes et autres coups de pression, sans parler des rabatteurs. Ni oublier les fameuses « procurations » suspectes qui ont défrayé la chronique d’une élection où, anecdote dont on ne sait s’il faut en rire ou en pleurer, une collègue a réussi, de bonne foi, à voter à deux reprises. Ce n’est qu’une fois qu’elle a glissé son bulletin dans l’urne que les assesseurs du premier bureau de vote où elle s’était rendue se sont rendus compte qu’elle dépendait de celui d’à côté !
Il faut dire que, comme au premier tour, l’abstention est massive. Seul un électeur sur trois s’est déplacé (35,25 %). Chaque voix compte. Voilà pourquoi la soirée s’est étirée jusqu’à tard dans la nuit. Tout le monde n’a pas la chance de la macronie qui, assez rapidement, en se maintenant uniquement dans le 6/8 (ainsi que dans le 2/3) n’a pas fait des étincelles. Et même pas 10 % avec 7,67 % pour Yvon Berland (LREM) dans le 4ème secteur et 1,53 % sur l’ensemble de la ville.
L’amertume est de mise chez le dissident de droite, Bruno Gilles (ex-LR, 6,25 % sur l’ensemble de la ville), qui a cru un temps se poser en potentiel arbitre. Le voilà dans son fief du 4/5 obligé de reconnaître sa défaite (29 %) au profit de Michèle Rubirola (Printemps marseillais, 57 %), le remplissage des grilles bureau par bureau finissant par être abandonné. Sauf les deux bureaux des Chutes Lavie, le quartier d’enfance du sénateur où il réside et arrive en tête. « Le village gaulois », sourit-il.
La chute de la maison Ravier
Au RN aussi, les militants font grise mine. Pourtant, on retrouve quelques figures historiques, comme cet ancien de l’Action rançaise puis du Bastion social, Jérémy Palmieri qui, en 2014, portait en triomphe Stéphane Ravier, élu maire du 13/14 et battu hier soir (20 % pour le RN sur l’ensemble de Marseille). Retour sur terre : alors que son attaché parlementaire annonçait le « champagne » pour 22 heures, celui qui vise désormais surtout le renouvellement de son siège au Sénat a même perdu dans son fief (49 %), offrant, à la faveur d’un retrait que le communiste Jérémy Bacchi voudrait « républicain », à David Galtier (51 %), le général de Martine Vassal un secteur stratégique. « Si impossible n’est pas français, à l’impossible, malgré tout, nul n’est tenu. Et, à situation exceptionnelle, campagne exceptionnelle et résultats qui ne le sont pas moins », élude le patron local du Front qui, polo bleu, pantacourt et bronzage de circonstance, a déjà des allures de vacancier.
Pointant, après le Covid, la météo, l’abstention. Mais aussi la « boboïsation », la « verdisation » qui voit, comme Lyon ou Bordeaux, Marseille « basculer à gauche, à l’extrême gauche, même, entre les mains d’une équipe dogmatique, idéologique ». Et le sénateur d’extrême-droite de souhaiter « bonne chance » à Michèle Rubirola qui va devoir « passer de la gestion d’une quarantaine de militants à une ville de 870 000 habitants. Il ne suffira pas de faire du vélo ou de planter 4 géraniums ». Mais celle pour lequel il décoche ses flèches les plus acerbes, c’est Martine Vassal, « l’héritière de vingt-cinq ans de gaudinisme » dont il dénonce autant « l’incompétence » que les « méthodes », parlant dans son secteur du « clientélisme le plus écœurant »…
La patronne du Conseil départemental et de la métropole est bien celle qui a, comme le dit Ravier, « le plus perdu ». Mais pas question de le reconnaître. Martine Vassal préfère dire que, désormais, « la dimension métropolitaine est plus que jamais essentielle pour Marseille ». Car, pour la présidente LR du CD 13 et de la métropole qui a perdu elle aussi dans son propre fief (celui des 6/8 avec 39 %) face à Olivia Fortin (42 %) du Printemps marseillais, co-fondatrice du collectif Mad Mars, novice en politique, à ce jour, selon elle, « il n’y a pas de majorité à Marseille, il n’y a pas de maire ».
Le Printemps en été !
Et c’est un peu le sentiment qui règne au QG du Printemps marseillais. Emblématique : la déclaration de Michèle Rubirola ne tombe que le lundi matin à 0h40 ! Il faut dire que c’est serré. Le Printemps marseillais l’emporte largement dans le 1/7 (Sophie Camard, écologiste, suppléante de Jean-Luc Mélenchon, 58 %) et dans le 4/5 (Michèle Rubirola, 57 %), confortablement dans le 2/3 (Benoit Payan, PS, 46 %) et à la volée avec une quadrangulaire dans le 6/8 (Olivia Fortin, collectif Mad Mars, 42 %). A droite, le score est resté incertain jusqu’au dernier moment dans le 11/12 où la droite ne l’emporte que de 350 voix (Julien Javier, 35 %). Une victoire dans un mouchoir de poche dans le secteur où se concentrent les soupçons de fraude aux procurations chez les amis de Vassal. Même dans le 9/10, les 43,5 % de Lionel Royer-Perreaut (LR) ne sont pas un triomphe face aux 35 % d’Aïcha Sif (écologiste, Printemps marseillais). Au nord, dans le 15/16, la sénatrice divers gauche Samia Ghali conserve de justesse son secteur (38 %), au nez et à la barbe du communiste Jean-Marc Coppola (35 %), tête de liste du Printemps marseillais. Cette dernière sera donc, sur fond de recours, l’arbitre du « troisième tour ».
« Marseille, rebelle et fraternelle, s’est engagée sur la voie du changement »
Résultat des courses ? Quatre maires de secteur pour le Printemps marseillais, trois pour LR et Martine Vassal, une pour Samia Ghali (divers gauche). Et, en nombre de sièges : 42 pour le Printemps marseillais de Rubirola, 39 pour LR de Vassal, 9 pour le RN de Ravier, 8 pour Ghali, 3 pour Bruno Gilles (lui-même, Marine Pustorino et Lisette Narducci). Et Michèle Rubirola de clamer que « la ville de Marseille, rebelle et fraternelle s’est engagée sur la voie du changement», « le scrutin ne nous livre pas un verdict clair», n’offrant qu’une « majorité relative ». Ajoutant : « C’est une victoire relative pour nous, mais une défaite pour la droite. La droite n’est plus en mesure de gouverner cette ville ! » Et de saluer celui qui est à ses côtés, le socialiste Benoît Payan. Avant de conclure avec un mystérieux : « C’est le printemps en été. »
Soupir d’un artisan du Printemps : « Retenons la victoire sur Vassal. Mais il va falloir se préparer à un troisième tour compliqué. Si on en est là, c’est aussi parce qu’il y a ce retrait du PC dans le 13/14. Et si Benoît Payan a su mettre en scène son retrait au profit de Michèle Rubirola, il a réussi à asseoir sa domination sur le mouvement. »
Alors, quand résonnent sous les voûtes de l’hôtel de ville « on a gagné », certains grincent des dents. D’autres ressurgissent, comme les inclassables (divers écolos, gauche ou centre selon les jours) Jean-Luc Bennahmias ou le député François-Michel Lambert. L’écolo Sébastien Barles (EELV), élu avec Sophie Camard sur la liste du Printemps marseillais, lui voit déjà les adeptes de la « vélorution » changer de braquet à propos du « plan vélo ». Et d’autres, l’alcool aidant, de se souvenir que si la droite promettait les chars soviétiques sur la Canebière, Samia Ghali, elle, aurait bien vu les blindés investir les cités pour lutter contre la drogue. Rubirola est là et déjà, pour certains, la gueule de bois…