Marchés truqués du CD 13 : Un rapport très « Léger »
Sa présentation n’avait pas laissé beaucoup d’espoir, sa lecture les a douchés. Tombé dans les bras du Ravi et de Marsactu, le rapport de la « Commission d’analyse et de contrôle des procédures de passation des marchés à bons de commande du département des Bouches-du-Rhône » – dite commission Léger, du nom de son président Jacques Léger – se révèle bien maigre. Elle a été mise en place à la suite de l’ouverture d’une enquête préliminaire – révélée par le Ravi et Marsactu – puis d’une information judiciaire sur de possibles marchés publics truqués au sein de la collectivité.
Le document de onze pages – dont trois retranscrivent le questionnaire qui a servi aux entretiens avec une quinzaine de fonctionnaires – se concentre sur quelques préconisations pour sécuriser les marchés à bons de commandes du CD13, comme annoncé lors de la séance plénière de fin octobre. L’intégralité du rapport avait alors été tenu secret. Le conseiller départemental (LR) chargé des marchés publics Yves Moraine comme le cabinet de la présidente expliquaient que l’ayant reçu la veille, ils attendaient de le lire avant de le transmettre. Au regard de ses huit pages de conclusions, c’est peut-être la longueur toute relative du document et non son caractère « complexe » et « technique » qui les a effrayés… Martine Vassal préservée…
Lors de la même assemblée départementale, l’ancien président de la cour administrative d’appel Jacques Léger avait assis la conviction du département, au détriment de toute présomption d’innocence et des investigations en cours, en réduisant l’affaire à « une dérive individuelle ». La constitution de la commission faisait suite à la mise en examen pour – entre autres chefs – « corruption active et passive » d’un seul agent de la collectivité, le directeur de la gestion, de l’administration et de la comptabilité Renaud Chervet. Le rapport fait deux allusions à ce cadre. Il serait « le seul agent détenteur du secret », soit de la règle d’évaluation des offres transmises par les entreprises, ce qui lui aurait permis « d’en monnayer la révélation ».
De là à conclure à une « dérive individuelle », il y a un grand pas que le rapport en tant que tel ne franchit pas. De fait, la commission n’avait pas pour mission de chercher outre mesure d’éventuelles responsabilités et complicités. Qui plus est, aucune étude de cas n’a été menée pour retracer le parcours d’un dossier sensible. En revanche, Martine Vassal, présidente LR du CD13, et son institution sont, elles, totalement dédouanées. Jamais Jacques Léger et ses collègues ne reviennent sur les alertes qui avaient été lancées en 2011, précisément sur ces marchés. Deux audits, un interne et un externe, en avaient fait état et pointaient déjà des « soupçons de favoritisme ».
Mieux, l’actuelle directrice générale des services du CD13 était déjà en poste à l’époque et avait suivi de près ce dossier des marchés à bons de commande. Les audits avaient donné lieu à une saisine du procureur de la République (lequel avait étonnamment classé l’affaire), comme l’avaient révélé le Ravi et Mediapart. Interrogé par nos soins en juin, Yves Moraine avait expliqué ne pas avoir lu le rapport d’audit de 2011 à sa prise de fonction. C’est désormais chose faite. « Cette procédure secrète que la commission Léger propose d’abolir avait été mise en place après la procédure d’audit de 2011 », notait-il avec un brin de malice, fin octobre. Mais les manquements du département pointés
On peut tout de même donner un bon point au rapport Léger : il pointe, malheureusement trop rapidement, tous les manquements du CD 13 dans son organisation pour sécuriser ces marchés. Il note ainsi « le risque financier [lié] au recours prédominant à ce type de marchés » auquel « s’ ajoute l’opacité d’exécution lorsque les prestations sont réalisées par des entreprises sous-traitantes ». Il revient aussi sur la faiblesse des outils de prévention des risques et des contrôles. Ainsi, il souligne « l’absence d’une méthodologie appropriée de détection et d’analyse des offres anormalement basses ». Quant aux contrôles d’exécution des prestations payées aux entreprises, ils sont « mis en œuvre sans être toujours tracés ». Au passage, le rapport dénonce « les pressions psychologiques, voire les menaces physiques qui peuvent parfois être proférées par des entreprises, agissements qui en tout état de cause doivent être sanctionnés administrativement et/ou pénalement ».
A l’arrivée, le climat qu’il dénote est celui d’une « appétence relative des services sur les enjeux juridiques et les risques associés ». Mais il ne s’attarde pas vraiment sur ce point comme sur les autres. Vraiment très léger…