Et le perdant est…
En athlétisme, on appelle ça un « lièvre ». Dans un haras, un « boute-en-train ». Pour les primaires verte et rose, les premiers de cordée viennent de chez nous : l’eurodéputée Michèle Rivasi et le patron du Front démocrate, Jean-Luc Bennahmias. Des outsiders qui ont ouvert la voie de ce qui, à gauche, est devenu un passage obligé.
Même l’ex-ministre écolo Cécile Duflot se plie à l’exercice. Pourtant, à en croire un mail interne, la favorite trouve l’exercice « fratricide et plombant ». Mais voilà, Nicolas Hulot a jeté l’éponge. Alors, comme Yannick Jadot quelques jours auparavant, la voilà à Marseille. Et, après avoir tâté le terrain à distance avec un « café Duflot », de manifester contre les boues rouges.
Une manière de chasser sur les terres de Rivasi qui, elle, milite « depuis plus d’un an pour des primaires… mais en partant de la société civile. Il y a une telle défiance à l’égard des partis. Je ne crois moi-même plus aux organisations traditionnelles. Mais je n’ai pas eu gain de cause. Il y aura bien une primaire. Sauf que l’ouverture ne se fera qu’après. On n’arrive pas à dépasser les vieux schémas. »
Et de dénoncer à mi-mot le « verrouillage » du parti. Rivasi a d’ailleurs un peu ramé pour récolter les 36 parrainages pour concourir : « C’était un nouveau conseil fédéral. On n’avait pas tous les contacts et on ne savait pas qui avait parrainé qui. » De passage à Marseille, Jadot assurera « avoir donné consigne, notamment auprès de mes soutiens, pour que Michèle puisse se présenter ».
Pas question chez les Verts de s’écharper : « On n’est pas chez les Républicains où tout n’est qu’invectives. On est des personnes responsables. Chez nous, ce ne sera pas le cirque ! », promet « Michèle ». Ce que l’ancienne candidate écolo en Paca, Sophie Camard, appelle de ses vœux : « On peut rêver et faire une primaire qui se passe bien. Je croise les doigts pour que ce ne soit pas la guerre de Troie. »
Pourtant, d’après un « ancien », « tout le monde se déteste. Rivasi ne peut pas voir Jadot. Qui, lui-même, déteste Duflot. » Confirmation d’un élu local : « En interne, c’est un jeu de massacre. Alors qu’on est à peine 5000 adhérents en France ! Le PS a prévenu. Fini les accords avec nous. Parce qu’on ne pèse plus rien. Et qu’on chie dans les bottes quand on nous donne un poste. » De toute manière, avec un parti exsangue et une couverture médiatique réduite, la consultation qui s’achèvera le mois prochain n’est pas celle qui fera le plus de bruit.
Au PS aussi, on se la joue modeste. « En 2012, il y a eu 3 millions de votants. Là, si on atteint le million, ce sera bien », reconnaît Michael Bruel, le patron de l’union régionale. Début septembre, l’un des premiers à se déclarer, Jean-Luc Bennahmias, n’était pas mécontent des premiers sondages : « Je suis crédité de 3 %. Pas si mal quand on voit Copé à 1 et NKM à 5. Mon rôle, c’est de faire exister le pôle démocrate. A 0,5 %, je me serais posé d’autres questions. » Depuis, son score a été divisé par 3…
Il n’empêche. Pour lui, « même si la détestation de François Hollande est assez répandue, je vois mal comment les primaires de la gauche pourraient être aussi injurieuses que celles de la droite. » De fait, au PS, on compte… sur la droite ! « Grâce aux primaires à droite, on va à nouveau voir clairement la différence entre eux et nous, espère Bruel. Cela va peut-être permettre de nous retrouver. » Pas simple. Car, comme le résume l’écolo Jadot, qui avait milité, en vain, pour une primaire de toute la gauche : « A droite, la primaire, c’est une séance collective d’exorcisme face au sarkozysme. Et à gauche, la même chose face au hollandisme. » D’autant qu’il y a, à gauche, Mélenchon, et au centre, Macron…
Alors, bon gré mal gré, le PS se met, d’ici janvier, en ordre de marche : « On aura un chargé de mission pour gérer la primaire au niveau régional, au moins 2 bureaux de vote par canton et un meeting le 15 octobre à Marseille, détaille le secrétaire régional. Après, il va falloir faire avec moins de moyens qu’en 2012. Et puis aujourd’hui, les gens consomment la politique comme ils font leurs courses au supermarché. Mais tant qu’on n’a pas à utiliser, comme la dernière fois, de stylo électronique pour éviter la fraude, ça ira ! » Comme si le fait que le PS se prépare à un 21 avril bis et à se retrouver avec à peine 60 députés était presque secondaire.
Ce jour-là, Manuel Valls est en balade à Marseille. Si les socialistes marseillais boudent le premier ministre, Jean-David Ciot, le patron du PS 13, lui, est de la visite. Sur son bureau au siège du parti, un sondage : « Les sympathisants de gauche et de droite et la perspective des primaires. » Bruel, royal : « Si ça vous intéresse, prenez-le. S’il traîne là, c’est que ça a été lu et digéré. » On y apprend que la majorité des sympathisants de gauche comme de droite sont prêts à voter pour un candidat « qui ne se serait pas présenté à la primaire » ou qui y « aurait été battu ».
Sébastien Boistel
Enquête publiée dans le Ravi n°144, daté d’octobre 2016