Plaine spleen
C’était l’œil de la Plaine ! On ne parle pas des caméras qui ont fleuri sur la plus grande place du centre-ville de Marseille, transformée, par la grâce d’une vision rétrograde et mercantile de l’urbanisme, en un chantier à ciel ouvert retrouvant cahin-caha la vie, malgré tout. L’œil, c’est Tomagnetik, photographe à tête de fouine qui traînait chien, bière et boîtier pour saisir le bouillonnement qu’ont voulu neutraliser les ré-aménageurs en chef. Il ne pouvait donc que documenter la bataille qui s’est jouée dans le quartier où il habitait : l’éviction d’un marché, des arbres coupés, des palissades puis un mur. Et, en face, tout ce que la colère et la vie peuvent rétorquer. Ce petit fascicule que publie Niet, avec cette économie qui sied à l’édition lorsqu’elle se veut pirate, saisit cette lutte en noir et blanc. Car il est des histoires qui doivent se raconter sans nuance. Avec, d’un côté, des salauds, ceux qui laissent s’écrouler des immeubles et dans le même temps veulent gommer toutes les aspérités et, de l’autre, des habitants qui, dans toute leur diversité, veulent défendre l’endroit où ils vivent. Il y a des chiens, des gosses, des arbres, des potes, des flics… Et au milieu, Tomagnetik. Depuis, il s’est exilé à l’autre bout sinon du monde, du moins de la France. Et la bataille de la Plaine est toujours en cours…
La Bataille de la Plaine (Marseille, 2018-2019), par Tomagnetik, Niet Editions, 2020, 36 pages, 6 euros.