Le Christos s’est arrêté à Marseille
Christos Chryssopoulos, auteur grec en résidence à Marseille, a arpenté les rues de l’antique Phocée tout l’été pour recueillir les « histoires vraies » de ses habitants. Et bien plus…
Un pot de colle et quelques affiches à la main, Christos Chryssopoulos nous donne rendez-vous à la gare de la Blancarde. Il affiche dans la rue des photos qu’il a prises de Marseille accompagnées de quelques mots de René Allio, « ce sont les vrais monuments marseillais », tirés de L’Heure exquise. Chryssopoulos a ainsi immortalisé un escalier (celui du parc Longchamp) et l’ombre d’une palissade surplombée d’une fenêtre, des clichés comme un clin d’œil aux propos du réalisateur marseillais qui affirme que « Marseille est elle-même un monument ».
Voici presque deux mois que l’auteur grec (La Destruction du Parthénon, La Tentation du vide, Athènes-Disjonction) est arrivé dans la cité phocéenne (lire dans le Ravi n°141, « Le Christos débarque à Marseille »). Il est en résidence pour recueillir les « histoires vraies » de Marseillais prêts à se confier. Elles seront mises en ligne sur www.histoiresvraies.org, venant compléter celles d’autres méditerranéens, et nourriront son prochain livre-portrait, prévu pour mai 2017, aux éditions Elyzad. De juillet à septembre, il aura séjourné dans différents quartiers de la ville : la Blancarde, l’Estaque, la Viste, le Panier… Différents voisinages, différentes rencontres et points de vue de cette cité dont il a pris le temps de s’imprégner : « Marseille par sa proximité avec la mer, sa mixité, son atmosphère… est très proche d’Athènes… »
Cet été a été riche en rendez-vous. Certains ont été organisés comme à Picon-Busserine avec la communauté comorienne ou l’école coranique. « Marseille a une longue histoire de migrations », note Christos Chryssopoulos qui a également dialogué avec la communauté arménienne et grecque bien entendu. Il y a eu aussi les rencontres laissées au hasard des promenades. Christos s’il comprend le français, ne le parle pas. Il se déplace donc régulièrement avec une amie traductrice. Mais malgré l’obstacle de la langue, l’auteur s’est souvent retrouvé attablé, à l’issue de ses pérégrinations, avec son confident du jour autour d’un verre et d’une histoire racontée.
Souvent il s’agit de noter une anecdote, comme cet homme qui a fait fleurir des roses pour sa femme dans le jardin où il travaille alors que celle-ci ne vient jamais, ou comme cet autre cultivateur qui a planté des graines de melon et a vu pousser des concombres. Parfois les confidences se font plus intimes, comme celle de cet Algérien vivant à la rue. « Ce ne sont pas vraiment les histoires en elles-mêmes qui m’intéressent mais pourquoi telle personne à tel moment précis me raconte cette histoire-là, explique Chryssopoulos. Ça dit quelque chose de la situation. Pourquoi lorsque l’on parle à un étranger on choisit de raconter ça ou ça ? Ces histoires, je les vois plus comme un matériel fictionnel. » Et le plus précieux pour l’auteur-reporter, c’est souvent la voix d’une personne, la discussion qui précède, un rire ou, au contraire, un ton qui se fait soudain extrêmement sérieux…
« Mon livre portera sur les gens avec deux subjectivités qui se rencontrent, la leur et la mienne, poursuit l’écrivain. Quand je parle avec eux, je les interroge aussi sur moi, qu’est-ce que ça leur fait de se confier à un écrivain, est-ce que je ressemble à un Grec ? » Christos Chryssopoulos recouvre les affiches de campagne de Bruno Lemaire (LR) avec ses photos. Sur le banc, deux Marseillais avinés le regardent interloqués. L’un d’entre eux nous interpelle : « Oh mais je reconnais, c’est la fenêtre de mon pote François qui est mort d’un cancer de la langue. Ben tu vois, celle-là, je ne l’arracherai pas. Parce que François c’était un mec bien ! » L’auteur-colleur d’affiches lui offre alors un double de la photo. Les histoires viennent parfois aussi à lui : l’effet Christos !
Samantha Rouchard
A lire aussi, une tribune libre de François Beaune, « le Christos débarque à Marseille«