La drôle de campagne
Devant les écoles, les panneaux électoraux sont comme Michèle Rubirola, tête de liste (ex-EELV) du Printemps marseillais (Union de gauche et écologistes) arrivée en tête au premier tour : toujours là ! Ça tombe bien : le second tour aura lieu le 28 juin. Dans le sillage d’une tribune signée par le Niçois Christian Estrosi (LR), l’Avignonnaise Cécile Helle (PS), le Vitrollais Loïc Gachon (PS) ainsi que la patronne (LR) du CD13 et de la Métropole, Martine Vassal. Pour celui dont elle voudrait la place, Jean-Claude Gaudin, « le gouvernement a fait preuve de sagesse ».
Son adversaire de droite, Bruno Gilles, plaidait, lui, pour mars 2021. Et promet qu’il veillera « à la sécurité du scrutin » car « beaucoup de personnes [ont] peur de se rendre dans les bureaux de vote ». Pourtant féru d’hologrammes et de meetings virtuels, l’insoumis Jean-Luc Mélenchon fustige lui aussi la décision gouvernementale. Au RN 13, Laurent Jacobelli assure avoir anticipé : « Il y a un mois, on s’est réuni pour envisager toutes les hypothèses. » Tout en reconnaissant : « On ne va guère pouvoir faire campagne. Pas de meeting ni de porte-à-porte. Il y aura moins d’électeurs mais toujours le virus ! Et les gens auront la tête ailleurs… » Le RN investira malgré tout les outils numériques : « On peut déporter une partie de la campagne sur les réseaux sociaux. Tout en faisant attention de n’exclure personne. » Comment ? Mystère ! « C’est comme Coca-Cola, la recette est secrète. »
Candidat à Allauch (13) où le centre droit Lionel de Cala est en tête, Jacobelli s’inspire du maire sortant (divers gauche), feu Roland Povinelli : « S’il avait un tel soutien, c’est parce qu’il incarnait, à Allauch, l’identité et la sécurité. Quoi de mieux pour ça que le RN ? » Alors Jacobelli milite pour l’installation d’un… centre de dépistage ! S’inspirant là du frontiste marseillais Stéphane Ravier devenu docteur ès Covid…
C’est le terrain que vont labourer nombre de candidats. Ce que reconnaît le responsable régional d’EELV Guy Bénarroche : « Bien sûr que cette crise interroge notre modèle de développement. Mais ce que les gens ont avant tout en tête, c’est ce que les élus ont pu faire – ou pas – sur le terrain. » Reste que, « d’ordinaire, entre les deux tours, il n’y qu’une semaine. Et donc, pas de campagne. Là, y a un mois ! ». Il craint de ne pouvoir mobiliser qu’entre « un quart et un tiers » des militants qui avaient tenu les bureaux de vote. Voilà peut-être pourquoi, à Marseille comme à Aix-en-Provence, grandes et petites manœuvres ont commencé.
« Le scrutin sera forcément insincère »
Pas question en effet pour Marc Péna, d’Aix en Partage (DVG, 15,88 %) de s’allier, malgré ses appels à l’union, avec la député macroniste Anne-Laurence Petel (20%) : « On a fait campagne autant contre l’équipe sortante que contre la politique du gouvernement. C’est une ligne rouge que l’on ne franchira pas. Mais on compte bien s’appuyer sur l’électorat écologiste pour proposer une alternative. » Toutefois, reconnaît-il, « ce sera difficile de faire campagne. On doit tout réinventer, sur le fond comme sur la forme. Notamment pour s’adresser à ceux qui hésitent encore à se déplacer, comme dans les quartiers populaires ».
Des difficultés que note aussi le candidat écolo d’Aubagne, Denis Grandjean. Qui, avec moins de 10 %, a annoncé tout de suite son ralliement à la liste de gauche conduite par Magali Giovannangeli : « Ça va être une campagne très étrange. Pas de meeting, pas de porte-à-porte… Il y a les outils numériques. Mais notre électorat est celui qui en est le plus éloigné. Et puis, pour le second tour, ceux qu’il faut convaincre, ce sont ceux qui ne sont pas venus. Pas sûr qu’avec un masque et des tracts sous cellophane, ça marche. »
Autre difficulté ? « S’il y a un mois de campagne, le maire sortant (ndlr, Gérard Gazay, LR), lui, en a déjà fait trois. Dans la période, il a sorti deux bulletins municipaux sans solliciter l’opposition ! Et les masques qu’il a distribués étaient accompagnés d’une lettre pour dire “je m’occupe de vous”… C’est ce qu’il nous faut dénoncer d’entrée avant de pouvoir commencer à faire campagne. »
Une situation classique. Qui, à Velaux, ne fait pas peur à la 1ère adjointe, Laurence Monet (LREM), en tête d’une liste étiquetée divers gauche. Face à Yannick Guerrin (DVG), le poulain du maire sortant (PRG) Jean-Pierre Maggi, et à une opposante de droite, Claire Adoult, elle a annoncé la fusion avec la liste d’un autre ex-premier adjoint, Didier Debarge (DVG) : « On passe de 3ème et 4ème à la seconde place ! Et certes, ce ne sera pas une campagne comme les autres mais on va se concentrer sur le digital, le téléphone et ne pas s’interdire d’être sur le terrain. Pour expliquer que se rendre dans une école pour voter est vraisemblablement moins problématique que d’aller faire ses courses en supermarché. » Et d’ajouter, malicieuse : « Velaux, c’est une petite ville. Et avec le confinement, on a eu le temps d’analyser les résultats. On va donc pouvoir cibler… »
Pas de doute, cette campagne s’annonce à nulle autre pareille. Tandis que Nicolas Mémain, un des trublions du Printemps marseillais, s’en donne à cœur joie contre la suppression par la Métropole de la « coronapiste » (cyclable) du Prado, en relayant notamment sur Facebook une « manifestation virtuelle », le PCF, lui, commémore « à l’ancienne » la Journée nationale de la Résistance. Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi !