FN, l’éternel retour ?
L’élection de Jean-Marie Le Chevallier le 18 juin (!) 1995 avec plus de 37 % des suffrages exprimés s’explique d’abord par le rejet de la municipalité sortante dirigée par François Trucy (UDF-PR), déstabilisé par des rumeurs savamment entretenues. Deux ans plus tard, Le Chevallier était le seul député FN à faire son entrée au Palais Bourbon. Face à la socialiste Odette Casanova, dans la première circonscription, l’une des plus droitières de l’hexagone, il totalisait plus de 53 % !
Le Front National paraissait alors solidement installé sur la Rade, mais une succession d’évènements devaient en décider autrement : Le Chevallier invalidé en 1998, son épouse qui avait déjà mis le champagne au frais, était battue de 33 voix ! Sans que Jean-Marie Le Pen en ait été particulièrement affecté, dit-on. Plombée par ses dissensions internes aggravées par les multiples rebondissements de l’enquête sur la mort mystérieuse de Jean-Claude Poulet-Dachary [[Cf « Contrats sur la démocratie. PACA : ces élus qu’on assassine » de Jean-Pierre Bonicco aux éditions Bartillat.]], torpillée de l’intérieur par la conseillère générale Eliane de la Brosse alias Mme de Saint-Cloud, la municipalité Le Chevallier ne s’est jamais remise de cet échec. Elle a implosé.
Démissionnaire du Front National en 1999, Jean-Marie Le Chevallier, surprenant candidat-kamikaze à sa réélection, ne recueillait même pas 8 % des suffrages en mars 2001 ! Et si Hubert Falco obtenait le plus beau score jamais réalisé par la droite modérée dans la ville chef-lieu, 68.73 %, le Front National, 5.53 %, frôlait la catastrophe. Nonobstant, ces scores masquaient mal le fait qu’à Toulon l’extrême droite et la droite dure de l’ex-préfet Jean-Charles Marchiani ou du souverainiste Dominique Michel, pesaient encore près de 30 %.
Pour tenter de récupérer cet électorat flottant, le FN a choisi de se démarquer systématiquement de l’ancien maire : « Ce qui est bien, c’est nous ; ce qui est mal, c’est Leuch’ (le surnom de Le Chevallier) », martèle-t-il aux oreilles des électeurs. Une communication biaisée mais qui lui a permis de se refaire une petite santé. A Toulon, aux législatives de 2002, les lepénistes ont obtenu plus de 20 % des suffrages ; aux régionales de 2004, ils ont dépassé les 22 % et au deuxième tour de la présidentielle, Le Pen s’est offert une pointe à 27 %. De quoi mettre un peu de baume sur le blues de la défaite.
Traditionnellement handicapé dans les scrutins locaux, aux municipales de 2008 le Front sait qu’il ne fera pas aussi bien. Sa seule ambition est de refaire, si possible, son entrée au conseil municipal, mais ce come-back reste largement conditionné par le choix de la tête de liste. La question préoccupe Le Pen mais Philippe de Beauregard, conseiller régional et leader départemental, refuse mordicus d’abandonner sa ville de Hyères. Le Bâtonnier d’extrême droite Gestat de Garambé, ex deuxième adjoint au maire de Le Chevallier, ex-MNR, reste sur son quant à soi. En fait, en l’absence d’un patron officiel sur Toulon, Georges Condet, l’homme qui monte (il est secrétaire départemental adjoint et responsable de la première circonscription) et le Docteur Lunardelli, secrétaire de la deuxième et militant historique du Front, marquent jalousement leur territoire. Tandis que l’ancien conseiller général Dominique Michel avance ses pions : très actif au sein de la mouvance souverainiste, il tisse sa toile, laissant parfois entendre qu’il a des contacts avec Marine Le Pen. De quoi donner le frisson à la vieille garde frontiste qui se prend à rêver d’un parachutage de Marie-France Stirbois sur Toulon. Mais celle-ci a des vues sur la 5ème circonscription (Fréjus Saint Raphaël). En attendant d’avoir trouvé l’oiseau rare, le Front national à Toulon est condamné, au mieux, à tourner en rond.
J.P.B