Les politiques de l’air brassent du vent
Les pics de pollution c’est comme les tubes de l’été, dès que la température grimpe, on ne peut pas y échapper. Télé, radio, internet… ils sont partout. Et puis une fois la saison passée, ils s’estompent et finissent par quitter les ondes. Pourtant, la pollution de l’air et les risques sanitaires qui l’accompagnent sont permanents. Une étude rendue publique en juin dernier par l’Agence Santé publique France estime que 10 % de la mortalité en Paca est associée à l’air que l’on respire au quotidien.
« On ne peut pas se prémunir seul de la pollution atmosphérique, souligne Ludivine Ferrer, directrice de l’Association santé environnement France (Asef). Des politiques publiques sont nécessaires pour réduire les expositions. » Or l’action des pouvoirs publics n’est pas à la mesure du problème. C’est ce qu’a mis en évidence, en mai dernier, un rapport du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale. Et ses critiques prennent tout leur sens en Paca.
L’air mis sur la touche
La région est l’une des plus émettrices de polluants atmosphériques. Marseille, sa capitale, est la ville la plus polluée de France. « Pourtant l’intervention publique en Paca tarde à prendre en compte la qualité de l’air, affirme Dominique Robin, directeur général d’Air Paca, l’association chargée de la surveillance de la qualité de l’air. D’autres territoires comme l’Ile-de-France, l’Alsace et Rhône-Alpes sont plus proactifs. En Paca comme ailleurs, le sujet n’est pas suffisamment intégré dans les outils de planification. » Des propos en phase avec les conclusions du rapport parlementaire.
Ce dernier déplore que la qualité de l’air soit parfois considérée comme un objectif de « second rang face aux enjeux énergétiques et climatiques ». « Nous avons peut-être moins mis l’accent sur la qualité de l’air », admet Annick Delhaye, ancienne vice-présidente EELV déléguée au développement soutenable au Conseil régional. Une orientation qui n’a pas échappé au nouvel exécutif. « Air Paca a été mis de côté par l’ancienne majorité. Ses demandes de subventions avaient tendance à tomber aux oubliettes », affirme ainsi Romain Cardelli, chargé de mission auprès de Maud Fontenoy (1), vice-présidente LR déléguée au développement durable au Conseil régional (il pointait encore il y a peu au FN. Cf page 7). « C’est un mauvais procès, rétorque Annick Delhaye. Nous avons toujours payé notre cotisation à Air Paca. La région a par ailleurs voté en juin 2015 une enveloppe de 200 000 euros par an destinée à subventionner ses projets. »
Du côté de la métropole Aix-Marseille-Provence, à qui revient en théorie la compétence « Air », ce sont toujours les anciennes inter-communalités qui gèrent le dossier. « Il y a une réelle prise de conscience des enjeux de la qualité de l’air, en réponse à une forte demande des citoyens », commente-t-on au territoire du Pays d’Aix (ex « CPA »). « L’efficacité de l’intervention (des collectivités) est toutefois limitée par deux facteurs : une planification encombrée et insuffisamment cohérente », relève le comité parlementaire.
Et c’est rien de le dire ! Plans et schémas locaux en lien avec la qualité de l’air sont légions. Difficile dès lors de mettre en musique à chaque échelon du territoire les PRSE, SRCAE, PPA, PCAET, et autres PDU (2)… D’autant plus qu’entre l’Etat, la région et les intercommunalités, « on se marche un peu sur les pieds », observe-t-on dans les services du Pays d’Aix. Les amateurs de mille-feuilles sont servis.
Des plans en pagaille
« La loi prévoit la mise en cohérence de tous ces plans. En pratique ce n’est pas le cas. […] Pour y remédier, il faudrait faire coïncider les calendriers et coordonner les mesures », analyse Annick Delhaye. Une coordination que peut assumer la région grâce à la réforme territoriale. Celle-ci donne aux Conseils régionaux le rôle de chef de file, notamment pour la compétence « qualité de l’air ». Romain Cardelli l’assure : « nous avons la volonté de prendre à bras le corps le chef de filât. » Un volontarisme qui n’est pas suivi d’effets pour l’instant. Les mesures en faveur de la qualité de l’air dans la région souffrent toujours de discontinuité.
L’action locale de l’Etat quant à elle, est principalement portée par les plans de protection de l’atmosphère (PPA). Pour le rapport parlementaire, il s’agit des outils les plus efficaces. Spécifiquement dédiés à l’air, ils sont les seuls à imposer des mesures à valeur réglementaire. « Les zones problématiques pour la qualité de l’air en Paca sont toutes couvertes par des PPA, indique un technicien de la qualité de l’air œuvrant dans le secteur public. Ils comportent des mesures gérées par l’Etat. La plupart d’entre elles avancent plutôt bien. En revanche il peut y avoir une frilosité des collectivités. Leurs élus ont encore du mal à mettre en regard des investissements coûteux à l’échelle d’un mandat avec des pathologies évitées et des vies prolongées. »
Une comparaison pourtant nécessaire dans une logique de long terme. Surtout quand on sait que près de 80 % des habitants de la région vivent dans des zones de dépassement des seuils sanitaires soit pour les particules, soit pour l’ozone.
Clément Champiat
1. Elle n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.
2. PRSE : Plan régional santé environnement ; SRCAE : Schéma régional climat air énergie ; PPA : Plan de protection de l’atmosphère ; PCAET : Plan climat air énergie territorial ; PDU : Plan de déplacements urbains.
Enquête parue dans le Ravi n°142, daté juillet-août 2016