« L’emprunt, c’est comme le cholestérol »
14h20
Nous revoilà chez Jabba Le Hutt… euh, chez François Bernardini (1). Chatouilleux, on évitera les comparaisons peu amènes (2). Même si, comme le bâtiment où il trône – paquebot de verre avec colonnes de Buren sur le parvis – il a encore pris du poids : avec la métropole, M. le maire d’Istres vient de ravir la tête du conseil de territoire, régnant donc désormais sans partage sur Ouest Provence. La chargée de com’ s’inquiète : « Y a-t-il un point de l’ordre du jour qui motive votre venue ? »
14h31
En marge d’une minute de silence, l’édile, qui a eu il y a peu la visite de la brigade financière, dit son « estime » pour la police. Et de saluer, au passage, le départ d’un policier dont il loue « la discrétion. Une qualité, car, quand on enquête, il faut savoir l’être ».
14h43
Galant, il accueille ainsi la conseillère d’opposition Anne Burles qui remplace Vincent Lemassu : « On attend de vous un rôle constructif et des échanges respectueux, loin des bassesses que l’on entend trop souvent. » On comprend pourquoi les murs sont rouges.
15h15
Tout fier d’être missionné par Gaudin pour « organiser le transfert des charges » entre la métropole et les communes, il conclut son monologue : « Vous allez trouver ça mégalo mais je souhaite apporter notre soutien à la candidature de Paris pour les JO. » Va y avoir du sport !
15h20
Ça commence fort avec l’endettement et les « 4,5 millions d’emprunt ». Lionel Jaréma, du PS, plante les premières banderilles. Le maire, tête baissée : « Vous n’avez jamais contracté d’emprunt ? » Réplique de poids : « L’emprunt, c’est comme le cholestérol. Y a le bon. Et le mauvais. » Le filiforme Robin Pretot, chef de file de la droite, prend le relais : « Le problème, ici, c’est que la dette appelle la dette. » L’édile s’emporte : « Soit vous n’offrez rien à votre population, soit vous investissez. Et pour ça, il faut emprunter. » Le DGS, Nicolas Davini, la raie sur le côté et la tête si penchée qu’on se demande s’il ne mime pas en permanence un pendu, tente de calmer le jeu. Sans succès, Jaréma rappelant qu’en 2007, ce dernier déclarait aux Echos que « la ville n’était pas endettée ».
15h35
Le socialiste revient à la charge sur les dépenses. Bernardini, agacé : « Vous pourriez poser vos questions avant le conseil. » Sourire de l’opposant : « Et comme ça, vous avez une chambre silencieuse ? Ça, c’était l’opposition d’avant. » Et d’attaquer le projet de golf : « Vous engagez 2,8 millions d’euros alors que cela ne devait rien coûter aux Istréens. » Le maire rétorque que le forum des Carmes, autre chantier épineux, « va rapporter 5 millions ». Jaréma ne lâche pas : « C’est un fiasco. Il devait y avoir des commerces, il n’y a plus que du logement. Votre golf, ça va devenir des jardins municipaux ? »
16h03
Rien de croustillant – sinon sur les parkings, un dossier sensible à Istres – jusqu’aux séjours proposés aux agents de la ville. Le PS milite pour le boycott des delphinariums en raison des « actes de cruauté » dont feraient l’objet, ironise le maire, « ces gros poissons ». Amendement repoussé. Jaréma peste. Et s’empaille avec Laurent Brémaud. Bernardini, en regardant la tribune « presse » : « Vous avez un auditoire, M. Jaréma ? Des articles qui vous attendent à la sortie ? »
16h07
A propos de la tarification de l’accueil de loisirs, l’élue implore : « Vous me faites grâce de la méthode de calcul ? » Celle-ci sort droit d’un labo de math. Bernardini dit son admiration pour « les équations à douze degrés. Ça évite les questions ! » Ça ronronne, en effet, jusqu’à une nouvelle altercation, Jaréma traitant Brémaud de « mouton ».
16h40
Pretot tique sur la gratuité de l’aïoli accordée à ceux qui aident à le préparer et les entrées gratuites pour le salon du vin. L’édile gronde : « Y a que la bouffe qui vous intéresse ? »
16h47
Applaudissements moqueurs quand Olivier Mayor, huissier et adjoint zélé, lit l’intégralité, textes de loi compris, de la note modifiant la répartition des « indemnités » des élus, une adjointe, officiellement pour cumul des mandats, renonçant à la sienne. Pudique, Mayor taira son nom. Comme les montants (4 105 euros pour le maire, 1 277 pour un adjoint…). Et quand l’opposition insiste pour savoir si c’est « le choix » de la personne, Bernardini s’agace : « Bien sûr que c’est son choix ! »
16h53
Début d’un tunnel sur l’urbanisme. Quand l’opposition demande ce que « cache » telle opération ou s’inquiète d’un prix « étonnamment bas », le maire monte au créneau. Et quand la droite s’émeut d’un nouveau programme de « logement social », Brémaud assène : « Vous préférez laisser les gens dormir dehors, dans leur voiture ? » Sauf que derrière, les « bienfaiteurs » c’est Kaufman & Broad, Bouygues… Les programmes sont si nombreux que les élus s’y perdent. Même celui à l’urbanisme, s’étonnant qu’au « sous-sol » d’un immeuble, on trouve « 45 logements collectifs… euh, ça doit être les places de parking ! »
17h30
Le chapitre « urbanisme » se termine avec le fameux forum des Carmes, nécessitant une modification du « Plan local d’urbanisme », notamment sur les hauteurs de construction, suscitant une missive de l’association « Agir pour Istres ». Alors le frontiste Paul Mouillard se méfie : « On est d’accord pour la construction du forum, à condition qu’il respecte les règles d’urbanisme. » Rire général : « Les règles, c’est nous qui les fixons ! »
17h42
Le conseil se termine avec les questions. Danièle Quesada, d’Istres Bleu Marine, veut savoir pourquoi la directrice de cabinet bénéficie d’une « protection fonctionnelle », d’aucuns se demandant si ce n’est pas lié à la procédure initiée contre un ancien proche du maire, narrant sur son blog les aventures de « Porcinet » et de « Cruella » (3). La dir’cab’ assure ne pas avoir reçu la question par mail. Et le maire de promettre d’y répondre « dès le lendemain ». Les frontistes attendent encore. Comme Prétot qui voulait connaître les suites de l’annulation par la justice de la vente des terrains sur lesquels la directrice de cabinet a bâti sa villa (4) : « Je n’y réponds pas car cela ne concerne ni la ville, ni un personnage public. »
17h45
Bernardini se fait une dernière fois les crocs sur Lionel Jaréma et ses « marottes. Comme le parking souterrain du centre-ville. Il fonctionne normalement. Il est conforme. Et il peut faire face à un tremblement de terre, une invasion barbare. Mêmes les handicapés y seront en sécurité ». Quant à « l’avancement de l’enquête de la Chambre régionale des comptes », le maire réfute le terme d’enquête : « Il ne s’agit que du simple examen de la gestion de la ville. Une procédure normale, ponctuelle, désormais finie. Et confidentielle. » Place à la Féria !
Sébastien Boistel
1. Cf lire notre précédent « contrôle technique » à Istres in le Ravi n°108 (juin 2013) sur le mode Star Wars…
2. En novembre 2013, Bernardini a attaqué pour diffamation en justice et en vain le Ravi (Cf le Ravi n°113)
3. Contacté sur cette procédure, le service de presse n’a pas répondu.
4. le Ravi n°134 et n°140