Marseille, capitale française du dépistage
Devant l’IHU Méditerranée-Infection de Didier Raoult, les files d’attente pourraient commencer petit à petit à raccourcir. Parce que l’épidémie de coronavirus semble marquer le pas à Marseille, mais surtout parce que les sites de dépistage s’y sont multipliés en l’espace d’un mois. Premier centre de dépistage en France à accueillir n’importe quel patient, avec ou sans symptômes, l’IHU a réalisé depuis fin février plus de 91 000 tests sur 37 000 personnes, dont 12 % se sont révélées contaminées. Avec cette forte avance dans le dépistage, Marseille reste la ville la plus testée de France. Et ses élus, particulièrement au sein de LR qui compte beaucoup de supporters de Didier Raoult, ont pris le relais.
Premiers à se lancer, les maires de secteurs LR Yves Moraine (6e et 8e arrondissement) – contaminé lui-même et soigné à l’IHU – et Sabine Bernasconi (1er et 7e arrondissement) ont ouvert des bureaux de tests. Des sites implantés au cœur des quartiers de Bagatelle et de Saint-Victor, dont les revenus médians sont 20 % à 40 % plus élevés que celui de l’ensemble de Marseille, et qui sont particulièrement peu desservis par les transports en commun. Une politique électoraliste dans la réponse sanitaire au coronavirus ? Pour l’Agence régionale de santé (ARS), la question était surtout de ne pas mobiliser des kits de dépistage et de réactifs qui auraient pu faire défaut dans les hôpitaux. Mais avec l’arrivée fin avril des commandes massives enfin décidées par l’État, la pression a baissé.
« Nous faisons un point quotidien sur la disponibilité des tests, et à ce jour nous n’avons pas de pénurie », assure l’ARS. L’afflux de tests a permis d’ouvrir d’autres sites de dépistage, plus proches du centre-ville, mais aussi dans les quartiers Est et Nord, en s’appuyant sur les mairies de secteur et les centres de santé de la région et du département. Pour autant, tout n’y fonctionne pas encore parfaitement : « Les laboratoires ne nous communiquent souvent que le nombre de cas positifs, alors que le nombre total de tests serait intéressant pour le suivi de l’épidémie », pointe l’ARS. Et théoriquement, ces centres ne sont accessibles qu’aux patients présentant des symptômes de coronavirus, et disposant d’une prescription de leur médecin traitant. Mais en pratique, plusieurs témoignages font état d’ordonnances réalisées sur place par les médecins présents sur les sites de test.
« Nous n’avons pas de pénurie de test »
Difficile de refuser quand, à l’autre bout de la ville, l’IHU reçoit et teste sans préalable. Proches de personnes contaminées, employés tenus d’aller travailler : les besoins sont tels que l’institut du professeur Raoult a ouvert une antenne dans les quartiers Nord, près de la toute nouvelle station de métro Capitaine-Gèze. Entre les sites publics et le renfort des laboratoires d’analyse privés, Marseille comptait fin avril près d’une trentaine de centres de dépistage pour accueillir le grand public. Un maillage crucial alors que se profile un possible déconfinement en mai. La validation d’un traitement ou d’un vaccin contre le covid-19 n’étant pas envisageable avant au mois un an, la gestion de ce déconfinement puis d’une éventuelle « deuxième vague » du virus reposera d’ici là sur la disponibilité des tests.
Mais avec la réouverture progressive des lieux publics, un autre chantier de dépistage va s’ouvrir : mesurer l’éventuelle contamination dans l’air et sur les surfaces pour les transports en communs, les écoles, les bureaux… Les études réalisées en laboratoire indiquent que le virus resterait actif de quelques heures à plusieurs jours selon les surfaces. À Marseille, le bataillon des marins-pompiers, qui, de par son statut militaire, dispose d’une unité NRBC (nucléaire radiologique bactériologique chimique), mène depuis début avril une série de tests sur une technologie de détection du covid-19 dans l’air, avec un délai de réponse de 48h, qui devrait prochainement pourvoir encore être raccourci.
« Pour le moment, nous avons testé nos casernes, celles des sapeurs-pompiers et plusieurs sites névralgiques de la mairie », explique le bataillon. Plus de 1 300 tests avaient été pratiqués à la fin avril, « avec aucun positif pour les mesures dans l’air et 4 à 5 % de positifs pour les surfaces ». Le procédé est d’ores et déjà jugé fiable et pourrait bientôt doubler sa capacité de tests, pour atteindre un rythme de 180 prélèvements par jour. Pour la décontamination, les marins-pompiers disposent de plusieurs outils qu’ils ont déjà déployé sur le porte-avions Charles-de-Gaulle et même, selon le Canard Enchaîné, dans les bureaux du ministère de l’Intérieur à Paris après que plusieurs membres du cabinet de Christophe Castaner aient été contaminés. Dans le marathon du déconfinement, Marseille part bien équipée, mais la course ne fait que commencer.