La fondation d’Auteuil perd le nord à Marseille
Pendant que certains découvrent le délabrement et l’insalubrité des écoles dans les quartiers Nord, d’autres luttent contre la disparition de leur établissement. C’est le cas de l’équipe pédagogique de l’école de production de Saint-François-de-Sales, dans le 13ème arrondissement de Marseille. Ses salariés ont appris, début 2015, qu’elle fermerait en juillet 2016 à l’issue de l’année scolaire (cette enquête a été publié en mars 2016 dans le Ravi n°138, lire en fin d’article notre mise à jour le 13 juillet 2016). Serge Martinez, formateur, se souvient parfaitement de l’annonce de cette mauvaise nouvelle : « La direction nous a réunis pour nous expliquer que l’école devait arrêter ses activités pour cause de manque de rentabilité. »
Problème : Saint-François-de-Sales est une école de la Fondation des apprentis d’Auteuil. Organisme catholique reconnu d’utilité publique qui, comme le précisent ses statuts, a pour but de « donner une formation spirituelle, morale et physique pour préparer à une insertion sociale et professionnelle » à des jeunes « en situation de grande difficulté ».
A ce titre, l’école Saint-François-de-Sales accueille, depuis 7 ans, des jeunes en rupture avec le système scolaire traditionnel et des primo-arrivants. Chaque promotion compte 30 élèves. Ils ont le choix entre deux filières : restauration et maintenance des bâtiments et collectivités. La particularité de cette école de production est qu’elle permet à ses élèves de travailler pour de vrais clients. Les jeunes formés à la restauration y étaient jusqu’il y a peu en charge de 500 couverts, 5 jours par semaine, pour 11 sites de la Fondation d’Auteuil ou d’entreprises privées. Avec des résultats à la clé. « En 2015, nous avons présenté 13 jeunes au CAP, dont 12 qui ont obtenu le diplôme », se félicite Serge Martinez.
Un modèle économique entreprenarial
Malheureusement, l’efficacité pédagogique ne semble pas être la priorité de la Fondation d’Auteuil. Comme l’explique d’ailleurs Bruno Galy, directeur de territoire Paca, le projet de l’école Saint-François-de-Sales est de « permettre la formation de jeunes en difficulté dans le cadre d’un dispositif au modèle économique pérenne, proche de celui d’une entreprise s’adressant à de vrais clients ».
Même s’il assure que la « Fondation n’a jamais envisagé sa mission en termes de rentabilité », le directeur précise qu’ « Apprentis d’Auteuil évolue dans un environnement de plus en plus contraint » et subit « un tiraillement entre la mission que nous nous sommes assignée et les ressources qui nous sont octroyées ».
C’est dans ce cadre que l’école doit fermer ses portes. Une décision qui touche 14 employés. Parmi eux, deux sont reclassés sur un autre site marseillais de la Fondation, un autre a été licencié et 11 suivront en juillet.
100 000 € les 1 000 m²
Mais l’établissement serait sacrifié sur l’autel de la spéculation immobilière, à en croire ses salariés. Il y a 5 ans, ils ont vu une équipe de Nexity visiter le site pour évaluer sa valeur. Légué à la Fondation d’Auteuil par les sœurs de la Visitation, il s’étend sur 6,5 hectares sur les hauteurs de Saint-Jérôme. Le terrain accueille également un internat et deux foyers pour jeunes en difficulté. On y trouve un cloître qui était jadis occupé par les religieuses. Celui-ci n’a pas de valeur architecturale ou historique. Il peut être vendu. Dans un quartier où un terrain de 1 000 m² se négocie actuellement autour de 100 000 euros…
« Cette étude devait nous éclairer sur un usage optimal du cloître au service des activités existantes sur le site, assure le directeur territorial de la Fondation d’Auteuil qui nie tout projet de vente. Les résultats n’ayant pas été concluants, il n’y a pas eu de suite. » Pourtant, quelques semaines plus tard, les équipes de l’école de production ont appris que des groupes de travail allaient être créés pour « réfléchir à l’avenir de l’établissement ». Une technique éprouvée des professionnels du management pour préparer le terrain avant d’annoncer la fermeture d’une structure à son personnel.
Quand il a appris la disparition de l’école, Serge Martinez, qui dispose d’une longue expérience dans la restauration collective, a proposé de reprendre les cuisines pour continuer d’y former des jeunes. « On m’a répondu que cela était impossible. J’ai insisté et on ne m’a proposé qu’un bail d’un an. »
Il a, par conséquent, dû se résigner comme l’ensemble de ses collègues et refuser l’inscription de 30 jeunes en première année de CAP, l’été dernier. Des adolescents qui ont désormais tout le temps de s’adonner aux joies de l’accrobranche puisque la Fondation d’Auteuil loue une partie du terrain à Ecopark Adventure, une société qui y propose plusieurs parcours dans les arbres…
Pierre Coronas
L’école de production Saint-François de Sales de la Fondation d’Auteuil dans le 13e arrondissement de Marseille, était vouée à la fermeture (Cf le Ravi N° 138 de mars 2016) depuis plusieurs mois. C’est chose faite depuis le 5 juillet 2016. Dans l’indifférence quasi-totale des pouvoirs publiques et des médias.
Terminée la formation, chaque année, de 30 élèves, souvent des jeunes en rupture avec le système scolaire ou des mineurs isolés, aux métiers de la restauration et de la maintenance de bâtiment.
Personne, à l’heure actuelle, n’est en mesure de prédire l’avenir du site. Il couvre tout de même 6,5 hectares dans un quartier où les 1 000 m² se négocient à 100 000 €… La Fondation d’Auteuil assure que le site ne sera pas vendu à un promoteur immobilier. Ce que ses anciens salariés ont du mal à croire.
Affaire à suivre…
P. C.