Tousse ensemble...
Avant le jour d’après, les gamines de six ans jouent les « choufs », les attestations passent de main en main et, faute de défilés, les banderoles au balcon prennent le relais, avec des slogans se mêlant aux applaudissements. Avant le jour d’après, les bourses du travail sont fermées. À la place, des affichettes pour contacter les syndicats par téléphone.
Au bout du fil, Emmanuel Roux, patron de la CGT à Marseille : « L’activité est réduite. D’ordinaire, il y a 40 personnes à chaque permanence. Là, c’est 10-15. Parce que, par téléphone, tout est plus compliqué. » Les motifs d’appel ? « Le chômage partiel, le droit de retrait et, évidemment, la santé, la sécurité, les protections… Avec les entreprises de la honte comme cette Poste qui, pour jouer les vigiles, a embauché au noir des personnes sans-papier ni protection. » Et d’ajouter : « Comme on ne peut se rassembler ni vraiment intervenir sur place, on a moins de moyen de pression ». Le syndicaliste se prépare à un « 1er mai au balcon ». Quid du dialogue intersyndical ? « On est déjà noyés sous les mails en interne ! »
À Solidaires aussi, on ne chôme pas. Notamment à Sud-Educ 13 : « Que ce soit pour l’accueil des enfants des soignants ou le maintien des lien avec nos élèves, on se démène, assure Sophie Noël. Même si, de notre côté aussi, il y a des problèmes d’équipement. D’autant que les plates-formes comme celle du CNED n’étaient pas faites pour autant de monde. » La prof prépare déjà l’après : « Il y a plus de 800 élèves dans mon collège de 500 places. Le retour ne pourra qu’être progressif. Et puis, si les écoles rouvrent, c’est pour que les gens retournent au travail. On n’a plus le droit de manifester, juste celui de travailler, de consommer et de rentrer chez nous après… »
Pas question pour Frédéric Michel, de Sud Rail, de ne penser qu’au « jour d’après : cette crise a montré les risques que fait courir le capitalisme. Et on a fait la démonstration qu’on pouvait faire autrement. Rien qu’à la SNCF, avec l’encadrement aux abonnés absents, on a vu des collègues qui n’étaient pas des tenants de l’autogestion faire tourner la boutique. Et, face aux carences de l’État, ce sont des collectifs qui ont pris le relais. Comme au Mc Do de St-Barthélémy avec des syndicalistes, des associatifs, des citoyens… Des alliances qu’il faut, face à la crise économique et sociale qui se profile, prolonger. »
Mais ce n’est pas du goût de tous. Comme à Aix-en-Provence avec l’évacuation, rapportée par Marsactu, de l’école désaffectée Giono où étaient confinés plusieurs gilets jaunes. Ou l’intervention musclée de la police lors d’une distribution de colis alimentaires au Manba, un centre d’aide aux migrants à Marseille. Et un parent d’élève de nous rapporter un contrôle de police dans une école à l’occasion d’une distribution alimentaire ! A Gap circule un appel à braver l’interdit pour se rassembler le 1er mai. Mais, quand on ne peut plus défiler, les murs prennent le relais. Au coin d’une place, en haut d’un immeuble, un graf aux allures de coup d’éclat : « Le virus, c’est l’État. » Tousse ensemble, tousse ensemble…