Bienvenue à Cogolin-Perret !
En ce matin de février, le centre ville de Cogolin (83) est plutôt calme. « Trop calme », se plaint un commerçant installé place de la République. Comme d’autres qui ont déjà fermé boutique, dans un mois lui aussi sera parti : « A l’image de 80 % des commerçants, j’ai voté Front national. Mais notre Parisien de maire se fout des Cogolinois, son seul objectif c’est un ministère pour 2017 ! » Lui et ses amis reprochent au protégé de Marion Maréchal (nous voilà)-Le Pen, Marc-Etienne Lansade, d’avoir tué le centre-ville. Le dernier projet du maire de parking enterré de 160 places, alors que les 67 actuelles devenues payantes ne sont quasiment plus occupées, a mis un peu plus d’huile sur le feu qui crépitait déjà pas mal depuis la « re-provençalisation » du marché. Après l’application de « la préférence cogolinoise » en début de mandat, la plupart des vendeurs sont partis et les clients avec. Et l’association des commerçants a déposé les armes.
« Oui enfin bon à les écouter, ils ont tous voté pour moi », lance Lansade avachi sur sa chaise, entre deux coups de canines acérées dans une pomme. Il est fidèle à son personnage, savant mélange de suffisance et de désinvolture… Dans son bureau, le visage de Marion Maréchal (nous voilà)-Le Pen est partout. Sur le mur, la collection de pipes de Cogolin de son défunt père. Par la fenêtre, le drapeau tricolore est malmené par le vent… Au vu de son score aux régionales sur la commune (57 %), Lansade est plutôt content. « J’ai une ville propre, sûre [ndlr : il a doublé les effectifs de la police municipale] et animée [ndlr : Emile et image en clôture de la Fête du Coq…]. Ce que je fais en urbanisme est à plus long terme. Mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation », se targue l’édile en triturant ses maquettes de gros bateaux.
On aborde le projet du Yotel, « de l’Hippodrome, nous reprend-t-il, Yotel, c’est le terme des Cocos ». 13 hectares en zone bleue PPRI (1) qu’il souhaite urbaniser, dont 80 % d’espace naturel. Et sur lesquels se trouve actuellement un camping – dont le locataire est la société « Marina Paradise », créée pour l’occasion – ce qui a nécessité une modification de PLU, attaquée au tribunal administratif par l’association citoyenne Place Publique. Lansade explique vouloir remettre à sa place initiale un cours d’eau pour construire ce qu’il appelle un « village » afin de « rétablir l’équilibre territorial ». Et la partie boisée ? « Vous croyez que l’écosystème est en péril parce qu’il y a 500 arbres là-dedans ? C’est complètement débile ! » Ah l’écologie version FN !
Pour bosser sur tous ces projets, Lansade a pris un conseiller « spécial » en urbanisme : Jean-Marc Smadja, proche des Balkany (cousin d’Isabelle) et à la manœuvre à Levallois-Perret, ville où Lansade, marchand de biens, a vécu. Le statut réel de Smadja n’est pas très clair mais une chose est sûre : il est là « pour faire du pognon », dixit Lansade en conseil municipal. L’édile ne voit pas en quoi sa présence pose problème car, en substance, Smadja ne fréquente plus les Balkany et lui-même il les exècre. « Quand je vivais à Levallois, j’ai même voté PS pour ne pas qu’ils passent ! » Et d’oser : « C’est peut-être que Smajda soit juif qui dérange… »
« Lansade et Rachline ne sont pas des gestionnaires de communes mais des agents immobiliers », lance Anthony Giraud, conseiller municipal FN dissident, faisant allusion à la SPLA (Société publique locale d’aménagement) qui associe Cogolin et Fréjus et permet une grande souplesse dans la passation des marchés. En deux ans, de nombreux conseillers de la majorité ont quitté le navire, le dernier en date étant l’adjoint aux sports. Depuis, ils balancent tout dans la presse locale : mauvaise gestion, projets mégalos, etc.
Si Lansade dit vouloir « renflouer les caisses de la ville », sa méconnaissance des chiffres tient du comique de répétition d’un conseil municipal à l’autre. Notamment lorsqu’il mélange 250 milliards et 250 millions concernant ce que devrait rapporter la fin de la délégation de service public du port. « Le maire semble confondre chiffre d’affaire et recettes, explique Francis José-Maria, président de Place Publique. Il faut que cette gestion soit examinée ! » Lors du conseil municipal de décembre 2015, Lansade comme son premier adjoint aux finances, étaient déjà incapables de justifier auprès de Michel Dallari (opposition DVD) à quoi avaient servi les 5 millions d’euros d’emprunt de 2015… Aujourd’hui le maire a retrouvé la mémoire : les taux étaient avantageux, du coup il a emprunté plus que ce dont il avait besoin en 2015 en prévision des baisses de dotations de l’Etat. « Cette cavalerie financière est inquiétante, souligne Francis José-Maria. Il s’agit d’investissements incorporels. Les comptes peuvent être excédentaires mais si c’est grâce à de l’emprunt, ça n’a pas de réalité. » Et de conclure : « L’exemple c’est Levallois-Perret et on en prend le chemin… »
Samantha Rouchard
1. Plan de prévention des risques d’inondations. Zone constructible sous conditions.
Article publié dans le Ravi n°138, daté mars 2016