Déchéance de la gauche ?
François Hollande semble avoir réussi son coup. Il a suffit que le mot « binationaux » soit rayé de la nouvelle version de l’article de la réforme constitutionnelle sur la déchéance de nationalité, présentée par Manuel Valls en personne mercredi 27 janvier en commission des lois de l’assemblée nationale, pour que la majorité des parlementaires socialistes se rallie à sa cause. Opposé à la proposition du président de la république fin décembre, Patrick Mennucci, député socialiste du centre ville de Marseille, la trouve aujourd’hui « convenable ».
Au moment du bouclage du Ravi, il était cependant le seul socialiste de Paca à avoir rejoint officiellement le légitimiste Christophe Castaner, député-maire de Forcalquier et candidat (très) malheureux aux dernières régionales, qui défend depuis le départ une proposition présidentielle qu’il juge « protectrice de la République » (1). Les trois autres parlementaires marseillais campent en effet toujours sur leur opposition. Marie-Arlette Carlotti, la députée de la 5eme circonscription marseillaise, comme l’Aixois Jean-David Ciot ou l’Arlésien Michel Vauzelle, attendent les débats de ce mois de février pour se positionner définitivement. Les deux socialistes des quartiers nord marseillais restent toujours, eux, vent debout contre la réforme constitutionnelle. « Tant que dans les faits les binationaux seront les seuls à pouvoir être déchus, je m’y opposerai », explique la sénatrice Samia Ghali. « Je ne veux pas donner au FN, s’il arrivait au pouvoir, un outil qui lui permettrait d’élargir la déchéance à d’autres domaines que le terrorisme », peste également le député Henri Jibrayel.
Une position partagée par les écolos et le Front de gauche ou encore par l’attaché d’un parlementaire PS qui, sous couvert d’anonymat, décrypte : « L’atteinte à la nation ne sera plus définie dans la loi organique mais dans une simple loi ordinaire. Ce qui offre une arme à une majorité de droite extrême ou d’extrême droite : ils auront la possibilité de définir eux-mêmes, et sans révision constitutionnelle, l’atteinte à la nation. » Et de dénoncer, en espérant que son patron n’approuvera pas la réforme : « C’est pire qu’avant ! »
« Une arme pour la droite extrême ! » Un attaché parlementaire
C’est finalement chez les partenaires du PS que les lignes bougent le plus. Alors que son égérie Christiane Taubira, vient de claquer la porte du gouvernement, justement pour cause d’opposition à la déchéance de nationalité, « petit à petit ça évolue », concède le député PRG des Hautes Alpes, Joël Giraud. Il préfère pourtant toujours, comme ses camarades radicaux, « la déchéance civique, plus efficace qu’une déchéance de nationalité dont un terroriste n’a plus rien à carrer. » Ca tombe bien, c’est ce qui est prévu dans la nouvelle version de l’article 2 pour les mono-nationaux ! Une concession qui pourrait cependant être encore un peu courte pour obtenir un vote d’adhésion. « Le mot "déchéance" pose problème. Mais on a toujours la possibilité de l’abstention », précise Joël Giraud.
Une abstention qui satisferait grandement « pépère », alias Hollande, qui peut de toute façon compter sur une large majorité des voix du centre et de la droite. Du côté de LR, rares sont en effet ceux qui font la fine bouche. En Paca, à part le député-maire de Six-Fours, Jean-Sébastien Vialatte, opposé à la réforme constitutionnelle en tant que telle avec 19 autres parlementaires (2), c’est l’union sacrée. « On est pas là pour faire un cours de droit, mais pour poser des actes politiques, tance Julien Aubert, député du Vaucluse. Ça fait un an qu’on réclame la déchéance de nationalité, on ne va pas voter contre ! » D’autant moins que la nouvelle version a la délicatesse d’étendre la déchéance aux délits, comme le réclament Les Républicains.
Reste à voir si « le maquillage sémantique » de la nouvelle mouture, pour reprendre l’expression de notre grand timide attaché parlementaire socialiste, sera « le sparadrap du capitaine Haddock de la gauche », comme le promet le Vauclusien Julien Aubert. « Dans ma circo, il y a peu de gens qui viennent spontanément gueuler », assure Patrick Mennucci. « Ça ne va pas améliorer l’image de Hollande dans une partie de la gauche, mais en même temps les Français oublient vite et ont la chocotte », juge de son côté Joël Giraud. De-là à dire que la déchéance de nationalité va éviter celle de Hollande et du PS…
Jean-François Poupelin
1. Lejdd.fr du 3 janvier. Christophe Castaner n’a pas répondu à nos sollicitations, pas plus que les socialistes Karine Berger, Jean-David Ciot et Michel Vauzelle et les LR Hubert Falco, Bruno Gilles et Christian Kert.
2. Lefigaro.fr du 21 janvier.