« Le revenu de base crée indépendance et autonomie »
En quoi consiste concrètement le revenu de base ?
C’est un projet assez simple qui propose que chacun, de la naissance à la mort, bénéficie d’un revenu mensuel et gratuit. Il est inconditionnel, à partir du moment où on fait partie de la communauté politique. Cette proposition n’est pas qu’une idée de gauchistes, elle est aussi portée par des libéraux. Sur le montant, deux points de vue s’opposent : certains plaident pour un revenu faible (RSA, 529 euros) mais égal pour tout le monde ; d’autres pour un revenu supérieur mais progressif de la naissance à la majorité (400 puis 800 euros par exemple). Pour moi, il doit surtout couvrir le minimum vital (payer le loyer, l’énergie, se nourrir, se vêtir et permettre une vie culturelle et sociale). Donc, il ne peut pas être inférieur au seuil de pauvreté (entre 828 euros et 993 euros).
Quel serait l’intérêt d’un revenu de base pour les jeunes ?
Aujourd’hui un étudiant n’a pas de revenu, n’a pas droit au RSA. Soit il a une aide parentale, soit une bourse, soit il est obligé de travailler. Lorsque l’on travaille en étudiant, ça peut être très contraignant. Certains abandonnent ou suspendent leurs études pour vivre. Quand on est diplômé, il y a d’autres contraintes, comme accepter un boulot que l’on ne ferait pas forcément. Avec un revenu de base, je suis disponible à moi-même. Je n’ai pas à me subordonner à un employeur, je n’ai pas de nécessité d’argent. Je suis indépendant socialement.
En quoi pourrait-il être un levier d’insertion sociale et professionnelle pour eux ?
Avec un revenu de base, un jeune va avoir son indépendance et son autonomie, donc la possibilité de réaliser ses rêves, de changer de ville. Il n’a pas de comptes à rendre pour ses dépenses, ses projets professionnels ou ses activités sociales. Parce que le revenu de base apporte une libération par rapport aux contraintes financières, parce qu’il supprime la dépendance à l’emploi, à la compétition, et recrée du lien social, de nouvelles places pour les individus. Avec lui, on ne serait pas non plus tributaire d’activités illégales, même s’il n’efface pas la nature humaine. Pour moi, le revenu de base apporte un espoir au niveau d’un changement de société, de l’organisation sociale actuelle.
Quels sont vos arguments face aux oppositions ou réticences ?
Il y a deux oppositions qui sont des vues de l’esprit. La première est que le revenu de base va créer une société de fainéants. Mais environ 80 % des gens le disent pour les autres tout en affirmant qu’eux-mêmes continueraient à travailler. Et pourquoi un jeune qui a mis tant d’efforts à faire des études serait-il fainéant ? La deuxième opposition est celle du financement.
Justement, y-a-t-il un modèle de financement ?
Cela fait partie des questionnements du MFRB. Il y a plusieurs réponses, une liste de propositions à la disposition des responsables politiques. La première, c’est que le revenu de base se substituerait aux revenus sociaux, aux allocations, aux aides, voire à une partie du salaire. Par exemple, pour une personne au RSA, le revenu de base s’y substituerait ainsi qu’aux autres allocations ou prestations qu’elle toucherait. Autres pistes : le projet ancien de taxe Tobin sur les revenus financiers et marchands (0,05 % à 0,1 % sur les transactions financières) ou encore une plus forte taxation des héritages. A cette liste (non exhaustive) de financements a priori, il existe aussi des pistes a posteriori. Par exemple, dans les zones où le revenu de base est testé, comme en Islande, les gens se sentent mieux. Il y a donc des économies sur le soutien social, sur les dépenses de santé, etc.
Pensez-vous que ce revenu doit être attribué aux jeunes migrants ?
Nous n’avons pas réponse à tout et pour répondre à cette question, il faut déjà définir qui est membre de la communauté politique. Pour moi, ce sont les résidents fiscaux. Donc les migrants ou les réfugiés n’en font pas partie à leur arrivée mais sont pris en charge par la communauté. Par contre s’ils s’installent, ils en feront partie et auront droit au revenu de base.
Propos recueillis par Dalila Aïssa, Ahmed Saïd et Lukas Giordano