" Ils ont fait quoi ? Ils sont allés au cocktail ?"
Où en êtes-vous avec le Nouveau Centre ? Suspendu ? Exclu ?
Je n’ai pas l’impression d’avoir une bande de courageux en face de moi. Qu’ils m’excluent ou pas, qu’ils me gardent en suspension ou en lévitation, peu m’importe. Je fais mon travail, je suis proche de la population. J’essaye même de démontrer que « Thor » est toujours présent sur les grands dossiers marseillais.
Votre mise à l’écart, cette guerre fratricide. Comment en est-on arrivé là ?
De déception en déception. De promesses non tenues, en manipulations. Mon malaise a commencé en 2005, c’était très interne. Lors des dernières élections régionales, j’ai fait un coup de colère car Jean-Claude Gaudin nous avait promis des places éligibles et, à la suite de l’intervention de caciques marseillais, nous nous sommes retrouvés en fin de listes.
Vous avez des mots durs contre Roland Blum dont vous êtes pourtant le suppléant à l’Assemblée nationale et qui vous a laissé lui succéder à la mairie d’arrondissement. Pourquoi ?
Roland Blum m’a donné la mairie car il en avait marre, il ne voulait plus rencontrer la population. Cela le fatiguait beaucoup, c’était pour lui une douleur de tous les jours alors que pour moi, c’est un plaisir. Et puis il avait pris l’engagement formel de ne plus renouveler son mandat de député, considérant qu’il avait fait son parcours. Lui qui est un homme de principe et de moralité, il a donné sa parole à plusieurs reprises et, pourtant, il ne la tient pas.
Pour quelles raisons vous opposez-vous au projet d’un « village des marques » à la Valentine, dans votre secteur ?
On parle de 130 millions d’investissements sur dix hectares et j’ai découvert un projet ficelé alors que rien n’est prévu pour la voirie, que le métro et le tramway ne sont pas prolongés, que la sortie d’autoroute que je réclame près d’Ikea n’est pas programmée.
Qui vous a « squeezé » dans cette histoire ?
Tout le monde à la mairie centrale : le maire, le premier adjoint, le service urbanisme. Aujourd’hui, je me sens comme quelqu’un qu’on ne consulte pas, qu’on n’écoute pas et que l’on ne veut plus avoir dans la famille. Avec ce « village des marques », se révèle un système de concentration du pouvoir. On a pris l’habitude de monter des gros dossiers comme cela, pendant des mois et des mois. Quand cela arrive à maturité, tout le monde doit applaudir. Cette forme de gouvernance n’est plus adaptée au développement de la ville.
Qui gère aujourd’hui la ville ?
Gaudin, Muselier, Bertrand [le directeur de cabinet, NDLR], Gondard [le directeur général des services, NDLR], comme toujours. Mais parmi les élus, l’effervescence des débuts a disparu. Ils se gèrent en petits barons de leurs délégations respectives. Il n’y a plus cette dynamique, cette volonté d’y aller. Quand quelqu’un tient une idée, il la garde bien longtemps pour qu’on ne puisse pas la lui enlever.
Assiste-t-on à une crise de succession à Marseille ?
C’est la fin d’une époque, peut-être celle d’un homme, et cela laisse de l’espace à ceux qui pensent plus à leur avenir qu’à un projet commun. Lorsqu’on a eu une aussi belle carrière que Jean-Claude Gaudin, qu’on a fait gagner la droite, la ville de Marseille, qu’on a ouvert l’espérance, il faut savoir gérer sa sortie, savoir dire à un moment donné « je passe la main, je laisse les choses en ordre et je permets aux uns et aux autres de se positionner ». L’héritage est somptueux et je n’en ferai pas l’inventaire ! Mais est-ce que Jean-Claude Gaudin a compris qu’il devait accepter que quelqu’un d’autre puisse assumer ses responsabilités ? Je ne suis pas sûr. C’est un peu troublant.
Vous payez le fait de ne pas faire partie de l’éternel cercle intime de Gaudin, les Blum, Roatta, Vlasto, Tian ?
Oui, c’est exact. Pour des raisons que j’ignore. C’est quelque chose qui m’a toujours blessé car j’ai toujours fait un travail énorme. J’ai sacrifié beaucoup de choses de ma vie. Et je n’ai jamais été accepté dans ce cercle de privilégiés. J’ai toujours été considéré comme étant – c’est sans doute vrai – un petit « sorti des rangs », né dans une cité.
Décrivez-vous un fonctionnement clanique ?
Non. Plutôt celui d’une équipe de foot avec des titulaires et d’autres joueurs brillants que l’on couche sur la feuille de match mais qui ne rentrent sur le terrain que de temps en temps. Le fond du problème, c’est que même quand cette équipe est vieillissante, on ne fait toujours pas jouer les jeunes talents, ceux qui en veulent toujours. Je ne crois pas avoir démérité. Tous les dossiers difficiles, compliqués ou pourris, on me les a refilés alors que d’autres étaient dans des situations plus préservées. Mais c’est toujours eux que l’on met en avant.
Selon vous, les parlementaires UMP de Marseille ne sont pas à la hauteur. Pouvez-vous préciser ?
Je les sens très modestes à Paris, très effacés, très en retrait. Un exemple : la L2 [future rocade marseillaise, NDLR]. Pouvez-vous me dire quand les travaux seront finis ? En 2012 ? En 2015 ? Qu’est-ce que c’est que ce scandale ? Qu’ont fait les parlementaires à Paris ? Est-ce qu’ils sont allés demander 200 millions d’euros supplémentaires à l’État pour finir ce chantier dans les délais ? Ils ont fait quoi là-haut ? Ils sont allés au cocktail ?
Un mot sur le rôle prépondérant du syndicat FO dans la gouvernance de la ville…
Nous n’avons pas su couper le cordon entre la mairie et MPM où Force ouvrière exerce une forme de tutelle sur les personnels. Ce système a été mis en place sous Defferre. Faut-il le faire perdurer ? Comment faire en sorte que les féodalités tombent ? Est-il normal que seul FO soit reçu pour négocier ? C’est comme si on disait en France que le président de la République ne doit recevoir que l’UMP car les autres sont minoritaires. Tout en reconnaissant à Force ouvrière que c’est lui qui gagne les élections internes et qu’il est majoritaire, il y a une gouvernance à changer. C’est une évidence.
Que pensez-vous de l’enquête du juge Duchaine sur la gestion des déchets dans le « 13 »… ?
Il n’y a pas de fumée sans feu.
…Et du rapport de Montebourg sur la fédération PS des Bouches-du-Rhône ?
Ce que dit Montebourg n’est pas nouveau même s’il a eu le courage de l’exprimer avec force. Comment Martine Aubry peut-elle être candidate aux présidentielles et ne pas oser dire à Jean-Noël Guérini : « tu ne peux pas te présenter à la présidence du conseil général compte tenu de tout ce qui t’entoure, de tout ce qu’il y a à la fédé » ? Si elle n’a pas ce courage, comment voulez-vous qu’elle ait celui de gérer le pays ? Les socialistes dans le « 13 » ont un véritable problème de démocratie et de gestion. C’est une évidence pour tout le monde.
Serez-vous candidat aux municipales en 2014 ?
Je ne le suis pas aujourd’hui. Mais à force de me poser la question et de réfléchir à l’avenir de Marseille, certains vont finir par me dire que je pourrais l’être et apporter quelque chose au débat. Si c’est le cas, je le ferai.