Au pays de l’Etoile, l’Empire contre-attaque…
C’était il n’y a pas très longtemps, dans une galaxie pas si lointaine. Au cœur du pays de l’Etoile, à Aubagne, dans les Bouches-du-Rhône : aux dernières municipales, après cinquante ans de règne de la gauche, la droite l’a emporté. Bon, Gérard Gazay n’est ni l’Empereur ni Dark Vador. Il y a plutôt, chez le maire (LR) d’Aubagne, du Madelin. Et pas que physiquement. Dernier fait d’arme ? La volonté de « privatiser » la restauration scolaire. Au moment même où les minots marseillais goûtent aux « repas de substitution » de la Sodexo en grève.
Pour ce faire, l’édile s’appuie sur un audit de Poivre & Sel – un cabinet dont le patron a bossé des années durant pour Sodexo, Eurest… – dont la mairie n’a diffusé qu’une version de 41 pages… alors qu’on a pu se procurer sans peine les pages 49 et 50 ! Où l’on apprend que si un repas revient à « 9,62 euros », grâce au privé, ce sera « 8,73 ». Pour l’écolo Denis Grandjean : « C’est l’étincelle qui a mis le feu aux poudres ». S’en est suivi une grève de plus de deux semaines, allant au-delà de la cuisine centrale, soutenue par les parents d’élèves et les services techniques, avec blocages, rassemblements et non-ramassage des ordures. « Du jamais vu ici ! », note l’ancien maire (PCF) Daniel Fontaine.
Une volonté de détruire ?
« Jamais il n’avait été question de privatisation, souligne Isabelle Laussine, responsable CGT à la cuisine centrale. On nous a même rassurés quand on a appris pour l’audit. Bien sûr qu’il y a des choses à améliorer. Comme le gaspillage… » Elle n’en dénonce pas moins un audit réalisé « en juin, un des mois les plus compliqués dans les cantines ». Par un cabinet qui, note-t-elle, a préconisé peu auparavant le passage au privé à Cuges-les-Pins. Ce qui a choqué, c’est la brutalité de la méthode. Comme nous le dit Grandjean d’Aubagne alternative citoyenne et écologiste : « Lors du conseil municipal fin novembre, on n’a même pas eu l’audit complet. On a saisi le préfet et la justice. » Faut-il s’en étonner de la part d’un maire qui, dès son arrivée, en refusant d’approuver les comptes de son prédécesseur, a failli compromettre l’adoption de son propre budget ? Le 9 décembre, ce n’est que sous la pression de la foule lors d’un comité technique paritaire que Gazay acceptera enfin le dialogue, conduisant à la levée du mouvement de grève.
Ambiance lourde au conseil municipal du 16 décembre, avec un public fourni et remonté. Malgré la mise en place d’une commission ad hoc qui a trois mois pour examiner les alternatives au passage au privé, Gazay n’en a pas moins fait adopter, au nom de la « souplesse » et de la « qualité », une gestion en « délégation de service public » d’ici la rentrée prochaine. Pour Fontaine, « au-delà de la volonté de s’en prendre au service public communal, il y a chez Gazay celle de détruire tout ce qui a été mis en place. Au nom d’un seul impératif : désendetter la ville. A Aubagne, il n’y a plus d’argent. Sauf pour les banques. » Il est clair que la situation financière d’Aubagne – une des villes les plus endettées et dont les emprunts toxiques lui ont valu les foudres de la Chambre régionale des comptes – est loin d’être confortable.
Mais, à l’aune du protocole de sortie de grève du 9 décembre, on peut lire en creux la gestion Gazay. Par exemple la situation de la MJC qui a vu son budget amputé de 20 %. Dès son arrivée, le maire s’est illustré en supprimant plus de 120 000 euros de subventions aux associations, principalement culturelles et sociales. Une rigueur, d’après l’opposition, à géométrie variable puisque la ville s’est dotée d’un « chef de protocole » (un proche de Bruno Gilles) et a recruté, entre autres, un « DGS » venant de MPM payé, selon l’opposition, « 8000 euros par mois ».
Bénédiction du curé
Autre tour de passe-passe ? Le transfert de projets à l’agglo : « Quand on sait le peu de dotation qu’aura la Métropole, cela en dit long de leur faisabilité », soupire Grandjean. Une gestion « au cordeau » et une chasse au « gaspi » qui n’est, pour ce dernier, pas sans aberration. Comme avec le tram : « Gazay a mis fin au développement du tram à Aubagne voulu par l’ancienne majorité, lui préférant le projet "Val’tram" de l’agglo. Mais, en attendant sa réalisation, on se retrouve avec huit rames alors que la moitié suffirait ! »
Une « orthodoxie » qui cache mal de vrais choix : menace sur le bail de la bourse du travail, non-renouvellement du CDD de la responsable de la FSU… Et, côté culture, après l’annulation du Festival des arts singuliers suite à la censure de deux œuvres jugées « pornographiques », il y aura, entre autres, l’annulation de la « fête de la paix » ou celle de la tournée d’été de la Marseillaise. Mais le paquet est mis sur « l’année Pagnol ». Avec, pour les fêtes, le marché aux santons. Avec, en prime, la bénédiction du curé !
Au pays de la Légion, l’Empire contre-attaque. Mais, suite à la « Rébellion », d’aucuns veulent croire au « réveil de la Force ». En attendant, lors du conseil municipal, la frontiste Joëlle Mélin est venue rappeler le poids dans la ville du « côté obscur » (Le FN à 39 % au 1er tour et 45.5 % au 2ème) à celui qui s’est félicité de l’élection de Christian Estrosi. Elle aurait pu lui glisser que le nouveau président de la Région a mis en avant, durant sa campagne, la re-municipalisation des cantines à Nice. A moins que ce ne soit que de la tambouille politique…
Sébastien Boistel
N. B. : Malgré nos multiples sollicitations, ni le maire ni son entourage n’ont donné suite aux demandes d’entretien du Ravi.