"La société est encore plus violente et en faillite"
Thierry Mariani, cofondateur de la droite populaire, fait la une de Minute, hebdomadaire d’extrême droite, pour lancer votre pétition contre le droit de vote des étrangers. Un ministre républicain a-t-il sa place dans ce type de presse ?
Nous ne sommes pas partisans du Front national. Ce n’est pas parce que le FN pose les mêmes questions que nous qu’elles ne doivent pas être abordées. Et, à ce que je sache, Minute n’a pas l’interdiction d’exister. Aujourd’hui, le PS fait du droit de vote pour les étrangers une priorité. C’est une erreur, car il n’y aurait plus alors de différence entre les Français et les étrangers. J’ai l’intime conviction que les Français ne veulent pas de cette mesure.
Au lieu de parler de la crise, n’êtes-vous pas simplement en train de draguer l’électorat frontiste ou de plaider une alliance avec un FN rénové ?
Je le répète, je ne suis pas membre ni partisan du Front national. Je suis l’un des héritiers de la Révolution française, je suis un républicain, mes ancêtres se sont battus pour défendre notre patrie. Si les étrangers veulent voter, ils n’ont qu’à demander la nationalité qui se délivre paraît-il facilement. En tous cas, elle doit se mériter.
L’élection présidentielle doit-elle, pour l’UMP, se gagner à droite plutôt qu’au centre ?
Je pense en effet que cette élection se gagnera à droite. Rien n’est joué. Si on revient six mois en arrière, les sondages donnaient DSK président. Les choses vont très vite. Notre pays a un endettement « au taquet ». On doit revenir sur le déficit.
Vous préconisez une austérité dont les services publics seront les premières victimes…
La vraie question est la suivante : peut-on continuer comme aujourd’hui ? Nous vivons au détriment de nos petits-enfants, qui payent notre confort. Le système va vers la faillite. Regardez ce qui se passe en Grèce ! La France pour l’instant se porte bien, mais il faut remettre certaines choses à niveau.
L’UMP n’est-elle pas bien frileuse lorsqu’il s’agit de taxer les hauts revenus ?
On n’est pas frileux à l’UMP. On vient de voter à l’Assemblée nationale la contribution exceptionnelle qui va taxer à hauteur de 4 % ceux qui perçoivent un revenu supérieur à 500 000 euros. Le salaire et le patrimoine seront aussi taxés. Certes, il y a de la marge mais on a évolué sur ce sujet. Il ne faut pas faire fuir les plus riches. Bruxelles n’est qu’à une heure de Paris en Thalys : beaucoup de gens peuvent déménager facilement !
N’est-ce pas trop tard pour rectifier l’image de Nicolas Sarkozy qui, avec le bouclier fiscal, reste perçu comme le président des riches ?
Nicolas Sarkozy a été élu sur ce projet de bouclier fiscal, il l’a donc mis en place. Depuis, il y a eu la crise de 2008 puis celle de l’euro. Il y a trois ans on pensait que c’était réglé, mais on se rend compte seulement aujourd’hui que ce n’est pas fini, on doit donc vite réagir et convaincre. C’est ce que Nicolas Sarkozy est capable de faire. Il a créé le G20 (NDLR : façon de parler !) et a convaincu Barack Obama et les autres chefs d’État de ne pas laisser les BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) en dehors de la discussion.
Défaite de la droite au Sénat, triomphe du processus des primaires socialistes, Nicolas Sarkozy au plus bas dans les sondages, les mauvaises séquences se multiplient à l’UMP. Comment pouvez-vous renverser la tendance ?
Les primaires ont résolu le problème de leadership au PS, c’est très bien. Mais on n’a parlé que de cela pendant des mois ! Les primaires sont incontestables sauf que nous, nous avons un sortant légitime s’il veut se représenter. En revanche, je voudrais souligner une petite chose. Les socialistes vont pouvoir appeler les gens qui ont voté aux primaires. Même si on nous dit que la liste officielle a été détruite, une autre liste a pu être faite !
Comment pouvez-vous faire de l’insécurité un thème de campagne alors qu’elle n’a toujours pas baissé depuis les nombreuses années que la droite est au pouvoir ?
Je suis en tout cas sûr que si on avait eu Jospin en 2002, on aurait eu un niveau d’insécurité phénoménal, car entre 1997 et 2002, la délinquance a augmenté fortement ! Dix ans après, la société est encore plus violente et en faillite. L’autre problème, c’est l’application de la loi : les nouveaux textes ne sont pas appliqués systématiquement. À Draguignan, un dealer étranger a été remis en liberté à cause d’une virgule !
Jean-Noël Guérini, mis en examen pour « association de malfaiteurs », doit-il démissionner du conseil général des Bouches-du-Rhône ?
Je suis un peu gêné car je me dis que c’est le peuple qui l’a élu. Affirmer qu’il doit partir apporterait de l’eau au moulin des antiparlementaires. Bien sûr, quand un élu est pris les doigts dans la confiture, il doit être inéligible à vie. Quand on lit aujourd’hui dans les journaux qu’il y aurait association de malfaiteurs, c’est inquiétant. Mais aujourd’hui, je ne peux pas avoir hurlé contre ceux qui ont tapé sur Éric Woerth, et faire le contraire avec Jean-Noël Guérini. La justice doit simplement se dépêcher de faire son travail.
Vous êtes à l’origine de la loi qui autorise, en le règlementant, le travail le dimanche. Vous affirmez que les salariés ont le choix. N’avez-vous pas peur d’ouvrir, une fois de plus, les vannes de la dérèglementation et de la précarité ?
Non. J’ai vu des gens qui me disaient : « Tenez bon, j’en ai besoin. » Grâce à mon texte, certains gagnent en deux jours ce que l’on peut obtenir en un mois entier. Alors qu’on arrête de sortir les mouchoirs ! Je n’ai personnellement jamais vu une manifestation contre cette loi à Plan-de-Campagne par exemple. La CGT a essayé d’en faire, mais il n’y a eu qu’une double poignée à chaque fois.
L’industrie est malmenée dans la région : menaces sur l’usine Fralib, inquiétudes à Rio Tinto à Gardanne…
En ce qui concerne Rio Tinto, il s’agit d’une cession. L’entreprise est bénéficiaire, mais le propriétaire veut s’en débarrasser. Quelqu’un va investir. C’est sûr qu’il y a 460 personnes dans l’inquiétude, mais on cherche un acheteur…
Nicolas Sarkozy élu en 2007 sur les options très libérales du « travailler plus pour gagner plus », va-t-il pouvoir répondre au besoin de protection qui s’exprime avec la crise ?
Aujourd’hui, les Français ont en effet besoin de protections. J’ai toujours été un libéral de profession et d’éducation, mais je me rends compte avec la mondialisation que le libéralisme a des limites. Il faut réagir au niveau de l’Europe. 350 millions d’habitants représentent quelque chose alors que la France pèse seulement 1 % de la population mondiale.
Des mouvements comme celui des indignés vous inquiètent-ils ?
Je comprends ces gens. Ce qui nous inquiète, et on va y travailler, c’est la fraude fiscale et sociale. La démocratie c’est très bien, mais quand certains profitent du système à tort, cela suffit. C’est un problème inconstatable et incontesté de 21 milliards d’euros.
Pourquoi, malgré votre réputation de député très actif, votre nom n’est-il jamais avancé pour diriger un ministère ?
Je suis bien sur le terrain. Je ne me sens pas ignoré, je ne veux simplement pas aller plus haut. Je me suis rendu compte qu’au gouvernement on avait peu de pouvoir. Je continuerai à me battre pour mes électeurs.