« Le clientélisme est difficile à extirper »
Vous sentez-vous à l’aise au PS ?
J’ai franchi le pont, mais pas le Rubicon, je suis toujours de gauche.
Au gouvernement un Valls, l’aile droite du PS, semble peser plus lourd qu’un Montebourg, l’aile gauche…
Il serait bon qu’on s’exprime autant sur les graves problèmes économiques que sur ceux liés à la sécurité. Comme beaucoup de Français, j’ai beaucoup d’attentes envers ce gouvernement. J’espère qu’il n’est pas en train de prendre un virage libéral au nom de la sacro-sainte crise.
Vous ne regrettez pas l’aventure du Front de gauche ?
J’en ai assez des gens qui ne gèrent jamais ou qui sont jusqu’au-boutistes. Le guide suprême, j’ai déjà donné. Contrairement à Mélenchon, pour moi Chavez est un dictateur…
Le gouvernement avance à reculons sur pas mal de réformes. Celle du non-cumul des mandats…
Ce non cumul a été voté par deux fois par les militants socialistes. Nos députés ont signé une lettre s’engageant à la démission de leurs mandats locaux.
Beaucoup, comme Michel Vauzelle, ne sont pas prêts à démissionner.
Il est dans l’erreur. Comme 79 % de nos élus qui cumulent chez nous…
La promesse du droit de vote local aux étrangers non communautaires est mal en point aussi…
Cette réforme devrait et pourrait s’appliquer sans aucun problème. Il ne faut pas craindre d’effrayer l’opinion publique, comme lors de l’abolition de la peine de mort. Il me tarde qu’on ouvre les grands chantiers à l’image de celui de la création d’une banque publique d’investissement.
Vous auriez voté le traité européen si vous aviez été députée ?
Oui parce qu’il y avait une ouverture, un pacte de croissance, et que l’essentiel ne se joue pas là.
En cas d’échec de Hollande, la voix ne sera-t-elle libre pour une droite décomplexée et radicalisée ?
Il y a un risque de populisme, de regain d’idées très malsaines. A Marseille, on peut imaginer qu’il y ait des secteurs, en 2014, qui tombent dans les mains du Front national.
Marseille décrétée cause nationale, c’est une bonne idée ?
On ne peut pas laisser la deuxième ville de France avec 25 % de la population qui subsiste en-dessous du seuil de pauvreté, un chômage qui flambe, l’insécurité qui galope. La loi en gestation pour faire émerger une métropole va permettre de dépasser les baronnies locales. Nous n’avons toujours pas été capables de mettre en place un véritable réseau de transports dans l’agglomération !
A Martigues ou Aubagne, vos anciens camarades conspuent avec la métropole un hold-up démocratique.
La métropole n’enlève pas la proximité. Pour éviter de bâtir une structure technocratique, il faut que les conseillers communautaires soient élus au suffrage universel.
L’armée pour sécuriser les quartiers, c’est une bonne idée ?
Non. C’est l’ultime recours. On ne doit pas marcher au bruit des bottes. L’armée, ça me fait un peu froid dans le dos.
Les policiers de la Bac nord incarcérés pour corruption supposée, c’est la confirmation du « tous pourris » ?
Marseille conjugue une crise politique, économique et éthique. Une espèce de pourrissement gagne tous les secteurs de la ville. Elle a été façonnée par le clientélisme. L’édifice est en train de s’écrouler.
Parlons de votre engagement local au PS. Pourquoi combattre Jean-Noël Guérini que vous avez d’abord soutenu ?
Lorsque je l’ai soutenu, je n’étais pas au courant de toutes les affaires. Je connaissais simplement son caractère très autoritaire. Il aurait dû laisser sa place de président du Conseil général après sa mise en examen. C’est un mandat que lui ont donné les socialistes. Il ne lui appartient pas. Lorsqu’on est mis en examen pour association de malfaiteurs, on se retire, et on revient seulement si on est blanchi.
Auprès de la commission Richard, sur les pratiques internes de la fédération, vous avez parlé de sections où les votes n’étaient pas respectés.
Oui et je peux dire encore la même chose aujourd’hui. La mise en place d’une direction plus collégiale [NDLR aujourd’hui remise en cause] a permis de mener à bien les primaires. Mais le congrès fédéral en octobre prouve que Jean-Noël Guérini, à travers Jean-David Ciot, a toujours eu la main sur cette fédération. C’est même reparti de plus belle.
Cela se traduit comment ?
Le conseil fédéral est fait aujourd’hui de 100 membres. Celles et ceux qui avaient demandé à ce que l’on revoit un peu le fonctionnement de cette fédération, se retrouvent avec dix représentants. Des miettes. Nous avons à nouveau saisi la direction nationale.
D’où vient le problème ?
Les racines du clientélisme sont difficiles à extirper.
Le clientélisme existait avant Jean-Noël Guérini. Pourquoi focaliser sur lui ?
Non, on ne focalise pas. Avant il y avait le clientélisme, aujourd’hui on a l’affairisme et peut-être même la mafia. Un cap a été franchi. C’est le clientélisme qui a permis la mise en place du système Guérini, je n’ai pas peur de le dire.
Pourquoi, selon vous, les conseillers généraux et les cadres du PS freinent la rénovation ?
Un certain nombre de collectivités ont failli perdre leurs subventions du Conseil général. Certains sont tenus parce qu’un enfant travaille au département, d’autres parce qu’un logement est en jeu…
Comment expliquez-vous le retour d’Eugène Caselli, le président de Marseille Provence Métropole, qui s’était aligné parmi les rénovateurs, dans le sillage de Jean-David Ciot ?
Il pense que Jean-David Ciot pourra devenir président de la métropole. Il a aussi très bien compris que nous étions en train de perdre le congrès.
Pourquoi la direction nationale du PS est-elle si discrète ?
Quand Jean-Noël Guérini marche dans les allées du Sénat, ce n’est pas un pestiféré. Il est toujours considéré comme un élu normal, comme s’il ne s’était rien passé. Il a la main sur 4 sièges qui pourraient compter lourd lors des sénatoriales qui vont être très serrées.
Votre espoir ?
Que l’on organise avant les municipales dans les villes de plus de 20 000 habitants des primaires citoyennes ouvertes, comme on l’a eu pour les présidentielles. J’espère aussi en l’application du non-cumul des mandats qui va permettre une respiration, comme avec la parité.
Vous êtes candidate aux municipales ?
J’y réfléchis le matin en me maquillant.