Faire du logement décent un enjeu central des municipales
Le constat est sans appel : « le droit au logement est totalement bafoué à Marseille », dénonce Florent Houdmon, directeur régional de la fondation Abbé Pierre. « Aix-Marseille-Provence est l’une des pires métropoles en matière d’attribution du logement social. Seulement une demande sur huit obtient une réponse positive ! ». Les enjeux sont clairement posés, mardi 11 février, dès le début de la conférence de presse, dans les locaux du siège régional de la fondation, initiée par un regroupement de 28 organisations de la société civile (voir liste complète en encadré).
Elles ont synthétisées leurs revendications, recueillies lors d’une journée de travail le 10 octobre dernier, afin d’agir contre le mal logement dans la métropole Aix Marseille Provence. Et, à quelques semaines du premier tour des élections municipales, elles interpellent les candidats en leur demandant de se prononcer sur 14 engagements ainsi que « 60 mesures urgentes pour un logement décent pour tous ».
Ravages du « sans-abrisme »
Ségrégation spatiale, non application de la loi SRU, absence de politique sociale du logement, nombreuses sont les communes des Bouches-du-Rhône comme par exemple Carry le Rouet, Mimet ou encore Bouc-Bel-Air, qui choisissent de s’acquitter d’une taxe plutôt que d’appliquer la loi sur le logement social. Certaines allant même jusqu’à demander à être exemptées de leurs obligations en la matière, avançant entre autres le manque de transports en commun… Nombreuses sont aussi les villes du territoire à refuser de s’occuper ou de prendre en charge les plus démunis comme dans la métropole Aix-Marseille-Provence.
Et Marseille concentre les difficultés. « Le “sans-abrisme” fait des ravages à Marseille, constate Florent Houdmon. L’an dernier, on estime à 14 000 les personnes qui, à un moment ou à un autre, se sont retrouvées sans abri. Les chiffres ne cessent de grossir. Aujourd’hui des bébés naissent dans la rue et des personnes y meurent. L’âge moyen de vie dans ces conditions est seulement de 49 ans. » Le tout dans le contexte particulier qui a suivi le drame des effondrements de la rue d’Aubagne, le 5 novembre 2018, et la multiplication des arrêtés de péril pour habitant indigne. « En plus des 4 000 délogés, il faut rappeler que 100 000 marseillais, un an après le drame, vivent toujours dans des taudis, rappelle Florent Houdmon. On a notamment une grande pénurie de logements très sociaux. Et une répartition très disparate des logements sociaux : le centre-ville et les quartiers sud marseillais sont toujours non-conformes à la loi SRU »…
Les 28 organisations appellent donc tous les candidats à se prononcer sur quatre axes – la lutte contre l’Habitat indigne, le développement de l’offre aux plus démunis, la résorption durable du sans-abrisme et des bidonvilles, la garantie de l’accès et du maintien dans le logement. Elles réclament que l’habitat soit énoncé comme priorité n°1 du mandat, qu’un « plan marshall » de lutte contre l’habitat indigne soit déployé à l’échelle métropolitaine, que l’expertise de la société civile soit intégrée dans un « pilotage clair ». Elles exigent un « rééquilibrage territorial de l’offre de logement social », la production de « logements sociaux destinés aux plus faibles revenus ». Elles préconisent la « mobilisation du patrimoine communal pour les personnes les plus démunies », la « fin des expulsions locatives »…
« Il faut mettre en place un dispositif de suivi contre l’insalubrité de façon à ce que les bailleurs ne puissent plus se défausser face aux travaux et il est nécessaire d’étendre le permis de louer à l’ensemble du territoire pour éviter les marchands de sommeil », préconise Anne-Claire Bel, directrice régionale des Compagnons bâtisseurs de Provence. Face au piètre bilan, et malgré la catastrophe de la rue d’Aubagne, Kader Adia, directeur de l’Ampil (Association méditerranéenne pour l’insertion par le logement), dénonce quant à lui « le manque de police face à une organisation délinquante du logement avec des squats parfois pris en main par des marchands de sommeil mais aussi avec des évacuations scandaleuses qui entraînent souvent une double peine pour le locataire expulsé ». Invitant à la construction d’un réel projet à Marseille, dans une ville qui ne pourra évoluer que si elle « maîtrise sa mixité sociale », Florent Houdmon alerte également sur la nécessité d’ouvrir un avenir sur l’avenir du centre-ville : « aucun candidat ne s’est exprimé pour l’instant clairement à ce sujet ! »
Des candidats pas à la hauteur
« Nous demandons à tous les candidats à Marseille d’en finir avec la ségrégation qui règne dans la ville, souligne Patrick Lacoste, d’Un centre ville pour tous. Ça veut dire en terminer avec 4 % de logements sociaux à Noailles ou dans le 8ème arrondissement. » Le collectif réclame que soit respecté l’objectif de 25 % de logements sociaux pour 2025 dans le futur plan local de l’habitat. Et que chaque opération de construction de plus de dix logements réserve un pourcentage de logements sociaux en modulant ce pourcentage par arrondissements pour compenser les retards et les inégalités territoriales.
Sur le terrain, la détresse est vive. « On est obligé de créer des pansements comme en faisant circuler une “lavo-mobile” pour laver les vêtements, car on n’est plus en capacité d’offrir des solutions pour héberger. Non seulement il n’y a pas de prise en compte de la situation, mais il y a une répression », déplore Kamel Fassataoui, co-président de la communauté Emmaüs Pointe Rouge à Marseille… A Marseille, nombreuses sont les personnes et familles dormant dans les rues sans sanitaires, sans accès à l’eau. Malgré les engagements pris lors des dernières municipales, il n’y a toujours que douze douches publiques dans la capitale régionale dont quatre directement gérées par la fondation Abbé Pierre. « Il faut que cessent les expulsions. On pourrait prendre exemple sur Toulouse où il y a eu une réquisition par la municipalité des logements vacants utiles ! », réclame de son côté Caroline Godard , de Rencontres Tziganes.
Des candidats marseillais se sont déjà engagés à répondre à l’interpellation des collectifs – par ordre alphabétique, Sébastien Barles, Yvon Berland, Samia Ghali, Bruno Gilles, Michèle Rubirola. Le 11 février, lors de la conférence de presse, Martine Vassal, ne s’était toujours pas manifestée. « A quelques semaines des élections, on commence à s’inquiéter ! Pour l’instant, l’ensemble des candidats sont loin d’être à la hauteur », déplore Fathi Bouaroua, co-président d’Emmaüs Pointe rouge. Et Florent Houdmon, soulignant le caractère a-partisan de la démarche, d’appeler tous les prétendants au mandat de maire d’élaborer des réponses précises et ambitieuses. Que le collectif des 28 organisations de la société civile ne manqueront pas de communiquer. Si réponse il y a !
Les 28 organisations de la société civile à l'initiative des 60 mesures pour un logement décent pour tous
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