Le musée de la pauvreté et des sans-abris
« Il y a bien un musée de la pétanque, de la lavande… Alors pourquoi pas un musée des clochards, con ! » Denis Elgueta a le verbe haut. Le cinquantenaire aux faux airs de Julian Assange est à l’origine d’une initiative qu’elle est bonne, « le musée de la pauvreté et des sans-abri », « le premier du genre », se plaît-il à rappeler. Installé au premier étage du Tri postal à Avignon, une friche qui a vocation à devenir un lieu d’ouverture socioculturel, il rassemble non pas des objets mais « des fragments de vie » que lui ont donné plusieurs sans domiciles avignonnais lors de maraudes effectuées avec l’association HAS Vaucluse. « Ces gens sont encore capables de donner, ils ne sont pas au bout de tout, c’est formidable ! », s’exclame-t-il.
Lumière chatoyante, tapis rouge de récup’, comme un pied de nez au luxe, et fragments de vie donc, installés sur des stèles vertes « que je suis allé récupérer à Sète », insiste Denis Elgueta. Le tout sans subventions, « seulement 11 euros pour les agrandissements A3 ». Ici, une vieille balle de tennis fendue « qui servait de planque pour cacher un peu de monnaie ». Plus loin, une flasque de whisky et une boîte de subutex dénommées sobrement « nature morte » ou encore une casserole… vide. Les objets sont habillés de poèmes de Denis Elgueta, de textes écrits soit par des sans-abris, des membres du groupe d’entraide mutuelle d’Avignon ou d’écrits sur la pauvreté repris à des personnalités de renom.
« Je suis arrivé à Avignon en 1987 d’un petit village d’Ardèche où la solidarité veut dire quelque chose. La ville, c’est la jungle. Et ce qui m’a le plus choqué c’est de voir des ados, des mecs de 18, 19 ans, dans la rue. Depuis, avec les moyens qui sont les miens, j’ai toujours voulu faire quelque chose pour eux. » Cette idée lui vient petit à petit en venant trainer sa grolle au tri postal, « le lieu rêvé pour ce musée ». Le matin même, il a vu « Yvon… euh Pierre Gattaz, pardon » à la télé. Qu’il ne peut plus encadrer, tout comme « ces élus de mes deux qui me courent sur le haricot » qui font de l’assistanat leur fonds de commerce. « On estime les précaires à environ 15 millions de personnes en France. Dans le même temps, 10 millions d’euros ne sont pas réclamés par des bénéficiaires RSA et la fraude fiscale représente 40 millions d’euros ! » Cherchez l’erreur.
Clément Chassot
Musée de la pauvreté et des sans-abri. Au Tri postal à Avignon, 5, avenue du Blanchissage du mardi au vendredi de 14h à 17h avec la visite guidée de Denis Elgueta.