« Il nous faut un pacte d’humanité ! »
Que pensez-vous des premières mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence ?
Au départ, cet état d’urgence visait surtout à rassurer nos concitoyens qui exigent plus de sûreté, une mission régalienne et légitime de l’État. Mais l’on a vite glissé vers une législation ultra-sécuritaire. En poursuivant cette escalade, le risque est réel d’atteindre les libertés individuelles et collectives, de détricoter le modèle social français. Je suis complètement opposé à une révision constitutionnelle. On ne peut pas marteler les discours affirmant « qu’il faut défendre notre République et ses valeurs » et en même temps imposer les prémices d’une société totalitaire.
Les accents ultra-sécuritaires du président et du premier ministre peuvent-ils aider le PS à franchir l’obstacle des élections régionales ?
Ils courent après les idées et les thèses de l’extrême-droite et de la droite. On voit à qui ça profite : les gens préfèrent toujours l’original à la copie. Je ne fais pas dans l’angélisme mais tout en étant effectivement dur avec les terroristes, il faut surtout s’attaquer aux racines du mal, aux discriminations, aux inégalités, aux injustices. La radicalisation de certains jeunes trouve ses causes dans des facteurs sociaux et politiques sur lesquels on peut agir.
Le pacte de stabilité, présenté comme intouchable, vient d’être balayé pour faire la guerre et ni la bourse ni l’Union européenne ne semblent s’en émouvoir…
Cela veut dire qu’hier il n’y avait pas d’argent pour la vie, pour répondre aux besoins de notre peuple, et que là, subitement, on est capable de trouver l’argent pour la guerre et la mort. Ce n’est pas un pacte de sécurité qu’il nous faut mais un pacte d’humanité !
A vos yeux, le chef de guerre François Hollande est-il toujours un président de gauche ?
François Hollande a mis quelques jours seulement pour tourner le dos aux engagements pris lors de sa campagne, aux plans économique et social. Et maintenant, il est dans une escalade grave et belliciste. Même les Américains ont tiré cet enseignement : la guerre amène la violence et le terrorisme, ce n’est pas la voie à choisir.
Auriez-vous été favorable à un report des élections régionales ?
Oui, c’est en tout cas ce que je me suis dit pendant 48 heures. Est-ce qu’on peut tenir décemment, après ces événements, des élections régionales alors que l’émotion et la passion risquent de l’emporter sur la raison et la réflexion ?
La campagne a été nationalisée après les attentats. Comment allez-vous gérer ce changement ?
Deux candidats, Estrosi et Maréchal-Le Pen, avaient déjà nationalisé le débat parce qu’ils se moquent complètement de la région. Elle n’est pour eux qu’un point d’appui pour les élections présidentielles en 2017. C’était compliqué mais on réussissait à rester sur les enjeux régionaux – l’éducation, la formation, l’emploi, les transports – et sur des compétences qui agissent dans la vie quotidienne des gens. Nous sommes maintenant obligés de prendre plus en compte le contexte national tout en montrant comment la région peut être utile pour faire vivre les valeurs de la République.
Le PS continue à vous reprocher votre aventure solitaire en pointant, face à la menace du FN, le risque d’une division à gauche. Assumez-vous votre choix d’une liste alternative fédérant Front de gauche, écologistes ?
Imaginez la confusion qu’il y aurait eu dans les prises de position si l’on s’était présenté au premier tour sur une liste commune. Quelle liberté aurions-nous eu d’exprimer une voix différente ? Excusez-nous d’exister, de nous présenter à des élections avec des idées et un projet différents de ce que proposent les socialistes ! On devrait nous remercier, avec notre liste pour une « région coopérative », d’essayer de réconcilier les gens avec la politique, de mobiliser les abstentionnistes qui se sentent trahis par la politique du gouvernement. Et tout en disant cela, je ne fais pas d’amalgame entre le PS, malgré ses dérives libérales, et la droite et l’extrême-droite.
Christophe Castaner (tête de liste PS) dit être d’accord à 80 % avec le programme de votre liste « coopérative ». C’est quoi les 20 % qui vous distinguent ?
C’est la question de l’austérité et celle du renoncement ! Si l’on veut gérer un pays comme une entreprise, il n’y a qu’à donner les clés de la France aux acteurs économiques. L’État doit par exemple 200 millions d’euros à la région Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le cadre du transfert de la compétence des formations sanitaires et sociales en 2006. C’est-à-dire les 2/3 du budget des TER, l’équivalent de la construction de 6 lycées ! Rédigeons un livre blanc pour montrer les conséquences de l’austérité, pour évaluer les besoins et pour demander justice et réparation au niveau de l’Etat.
Peut-on vraiment faire une économie régionale à coups de Scop (Sociétés coopératives et participatives) ?
Non mais il y a des situations dans lesquelles elles peuvent être très utiles. On a eu deux exemples avec Fralib qui est devenue Scop-TI et concernant la presse avec le groupe Nice Matin. Il faut développer l’économie sociale et solidaire !
La réforme territoriale qui redéfinie les compétences de la Région est-elle un handicap ou un moteur ?
Un vrai acte de décentralisation aurait été utile mais là c’est du grand n’importe quoi ! Avec les métropoles, on rajoute par exemple une nouvelle « feuille » alors qu’on prétendait vouloir en supprimer. D’un autre côté, et c’est bien, on confie l’emploi et l’économie aux régions, qui s’occupaient déjà de la formation et de l’éducation. Elles pourront donc s’attaquer au cancer du chômage. Mais aucun décret n’a suivi afin de leur donner les moyens d’assumer pleinement cette mission !
Et votre entente avec vos partenaires écologistes, c’est du 80 ou du 100 % ? Vos visions s’opposent par exemple concernant Iter, le réacteur thermonucléaire expérimental…
Je suis pour la recherche, surtout à partir du moment où l’on est en quête d’alternatives à l’énergie carbonée ! Nous, les communistes, sommes attachés à un service public de l’énergie pour faire vivre le droit à l’énergie. Mais cela fait longtemps que nous défendons un projet de société qui respecte l’humain, l’environnement et prône de nouveaux modes de consommation et de production. Tout cela nous rapproche de nos partenaires écologistes avec lesquels nous partageons les préoccupations sur le climat ou le refus du gaz de schiste.
Si les pronostics alarmistes des sondages se réalisent, et que le FN est en mesure de s’emparer de la région, quel sera votre choix au second tour ?
Quelle que soit la situation, nous sommes déjà en résistance. Notre objectif c’est d’abord de réunir plus de 10 % des suffrages [Ndlr. Seuil à partir duquel une liste peut se maintenir au second tour]. Je ne désespère pas qu’il y ait un sursaut de l’électorat de gauche. Si notre liste FdG-EELV fait moins de 10 %, le PS fera ce qu’il voudra. Il envisage déjà de se retirer pour laisser Estrosi et Maréchal-Le Pen face à face. Mais vous imaginez la région avec seulement des élus de droite et d’extrême droite ? Il faut tout faire pour qu’il y ait des élus EELV et Front de gauche, demain, dans l’hémicycle…
Propos recueillis par Michel Gairaud et Rafi Hamal, mis en forme par Corentin Mançois