« Y en a marre de la politique spectacle ! »
Votre liste « pour une région coopérative », qui fédère EELV et le Front de Gauche, rassemblera-t-elle au-delà ?
Oui dans notre liste, il y aura des membres d’Europe Ecologie les Verts (EELV), des représentants du Front de Gauche (Parti communiste, Ensemble !, Parti de Gauche). Mais nous souhaitons également y intégrer des candidats qui n’appartiennent à aucun parti mais qui sont engagés, par exemple, dans des domaines comme la culture ou l’agriculture biologique.
A-t-il été compliqué de mettre en place une liste unitaire à la gauche du PS ? Le calendrier a pris du retard…
Nous devions en effet boucler plus tôt l’accord avec le Front de Gauche, mais ça n’a pas été si facile car c’est un mouvement traversé par beaucoup de discussions, notamment entre le PC et le PG de Jean-Luc Mélenchon. Nous ferons une campagne en binôme. L’intitulé de la liste sera « une région coopérative avec Jean-Marc Coppola (Ndlr vice-président PCF de la région) et Sophie Camard »…
Pourquoi mener aujourd’hui une liste commune, alors que pour les dernières régionales en 2010, c’était chacun pour soi avec le PCF d’un côté et EELV de l’autre ?
Aujourd’hui le contexte est beaucoup plus sombre avec la montée du Front National et de l’abstention. Nous nous sommes rapprochés car nous partageons le même diagnostic. Il faut parler aux électeurs déçus de la gauche, à ceux qui ne votent plus, à ceux qui en ont marre de la politique spectacle.
Pourquoi refusez-vous une alliance avec Christophe Castaner, le candidat du Parti socialiste ?
Nous souhaitons construire un projet régional indépendant de la conjoncture gouvernementale qui nous déplaît fortement. Et localement, je me suis aperçue que le PS régional partait perdant. C’est un choix politique pour renouer avec une gauche de conviction.
Votre liste autonome peut-elle créer une dynamique ? Sachant que EELV et le Front de Gauche, membre de la majorité sortante, assument leur bilan et qu’une alliance avec le PS au second tour est probable…
Ce qui peut créer une dynamique, c’est la nouveauté à gauche. Bien sûr nous assumons une partie du bilan de la région mais on ne va pas parler que des compétences régionales pendant ces élections. Beaucoup d’électeurs vont voter en fonction de considérations nationales et internationales.
Le PS vous accuse, en refusant de vous rallier dès le 1er tour, de semer les graines de la division ?
Notre choix n’est pas une stratégie de division, c’est une stratégie de la mobilisation. Si on compare avec 2010 lors des dernières élections régionales, la liste pour une région coopérative est clairement un rassemblement afin de créer un nouvel espace politique à gauche. Peu de régions présentent une union entre EELV, le FDG et des citoyens. Il n’y aura, en tout cas, nulle part en France d’alliance entre EELV et le PS au premier tour !
Les deux présidents des groupes parlementaires d’EELV à l’Assemblée nationale et au Sénat, Jean-Vincent Placé et François de Rugy, ont claqué la porte du parti cet été. Cela va-t-il parasiter votre campagne ?
Pour les militants d’EELV cela n’est pas une surprise. C’est plutôt dommage mais cela valide ma stratégie qui est de ne pas s’enfermer dans des débats politiques. On sait depuis plusieurs mois qu’il y avait des désaccords importants, mais cette situation est quand même très parisienne.
Pourquoi avez-vous déclaré que le bilan des écologistes à la région n’intéressait pas les gens ?
On ne fait jamais l’actualité ! En cinq ans on a envoyé 300 communiqués de presse et je tiens un blog sur lequel j’ai posté environ 200 articles mais ça perce très rarement le mur médiatique. C’est cette frustration qui m’a poussée à créer ce projet de « région coopérative ». Il faut qu’à l’avenir les citoyens contribuent directement à la politique, pour qu’à la fin du mandat nous n’ayons pas la sensation d’avoir travaillé tout seul.
De quoi êtes-vous la plus satisfaite dans votre bilan ?
Je suis assez fière d’avoir tenu notre programme de 2010, comme la réhabilitation thermique des logements. J’ai pu, durant mon mandat, identifier des projets innovants sur la transition écologique et énergétique qui aujourd’hui voient le jour. Telles les éoliennes flottantes à Fos-sur-Mer ou le biocarburant à base de micro-algues…
Inversement, quels sont les dossiers qui fâchent ?
Nous avons réussi à étaler et à réduire le financement d’ITER, mais ce grand projet international de recherche sur la fusion nucléaire à Cadarache, est resté. Il y a eu aussi des grosses dépenses inutiles comme la contribution au chantier de la fameuse rocade « L2 » à Marseille.
La « région coopérative », est-ce autre chose qu’un slogan de campagne ?
Ce n’est pas un gadget mais une nécessité. Nous constatons le décrochage des citoyens avec la politique. La société s’organise toute seule comme par exemple avec le mouvement Alternatiba. Il faut aujourd’hui organiser ces initiatives citoyennes pour les mettre en valeur.
Qu’est-ce qu’un « citoyen-coopérateur » ?
Tout le monde peut devenir « citoyen coopérateur » en s’inscrivant sur le site region-coopérative.org. Ils pourront candidater pour être sur la liste des régionales ou simplement rester informés de l’avancement de la campagne. Des « porte-paroles citoyens » seront désignés parmi les non-candidats, ils pourront interpeller les élus et faire connaître leur projet…
Vous prenez dont acte, avec ce dispositif « coopératif », que quelque chose ne fonctionne pas dans les partis politiques, y compris le vôtre…
Oui, bien sûr ! Nous avons besoin des partis politiques pour représenter des grandes idées mais cela ne suffit pas. Il n’y a pas assez de renouvellement dans les partis. Il y a trop de batailles d’ego. Nous ne nous tournons pas assez vers la société !
Le niveau très élevé de l’abstentionnisme et celui du vote FN, sont-ils des indices d’une faillite de notre système politique ?
La politique est devenue une espèce d’énorme show-business. C’est comme le cinéma, il y a des superproductions hollywoodiennes, avec Estrosi en Sylvester Stallone ou une saga familiale avec les Le Pen. Avant, les artistes venaient vers les politiques maintenant, ce sont les politiques qui occupent les salles de spectacles, comme le fait Sarkozy. J’ai plutôt l’impression de proposer un film d’auteur indépendant cherchant à trouver sa place au box-office.
Justement, compte-tenu de vos petits moyens, pensez-vous pouvoir être audible ?
On est la « petite fourmi ». Nous faisons de la proximité. Il faut prendre le temps de parler, de réexpliquer ce que c’est que le mode de scrutin aux régionales. Il faut mettre de côté nos petites disputes…
Comment combattre l’extrême droite et sa candidate Marion Maréchal Le Pen ?
Le fil conducteur de l’extrême droite, c’est la peur de l’autre. Notre fonction est de combattre cette peur et de réaffirmer des valeurs de solidarité. Notre campagne est positive. Nous présentons des solutions quand, en face, ils ne misent que sur la peur et la haine de l’autre.
Comment motiver les électeurs d’aller voter lors des régionales ?
La région peut agir par exemple dans le domaine de l’environnement avec les parcs naturels ou sur les transports avec les TER. L’enjeu de ce scrutin, c’est comment se déplacer mieux, comment améliorer l’enseignement dans les lycées, comment développer l’économie. Ma philosophie a toujours été « les pieds sur terre et la tête dans les étoiles. » Pour mobiliser les citoyens, il faut travailler sur des dossiers concrets.
Propos recueillis par Michel Gairaud, mis en forme par Sylvain Labaune