La presse « pas pareille » underground
Comme le chante le groupe Lunch, « l’échange est une drôle de notion ». C’est l’impression laissée par le colloque sur le punk en janvier à l’Alcazar. Mais, pour y assister, il fallait s’enfoncer dans les entrailles de la bibliothèque marseillaise. De quoi rappeler, à l’heure où la patronne de Zibeline, magazine culturel du Sud-Est, est porte-drapeau du Printemps marseillais (Ndlr gauche, écologistes et citoyens) et alors que le rédacteur en chef de Nouvelle Vague, le mensuel gratuit dédié à l’actu musicale, s’engage à Vence sur une liste divers droite, qu’un pluralisme insoupçonné se trouve… dans nos sous-sols !
Le sésame, succinctement évoqué lors du colloque, c’est le Vortex, un guide mensuel qui liste les concerts punk à Marseille et porte depuis 5 ans un regard acerbe sur la ville. Distribué, comme l’a expliqué Séphane Raffi au colloque, à « 1500 exemplaires », il a, note Olivier Crapoulet, fait des petits puisqu’« on trouve son équivalent à Paris, Lyon, Clermont… ».
Avant ce colloque, avait eu lieu à la Salle Gueule un débat sur « l’auto-édition ». Avec, comme support, un « Appel aux armes » qui commence ainsi : « La presse indépendante est considérée comme inférieure aux médias dominants et c’est peut-être justifié, étant donné la surabondance de trucs auto-publiés mal écrits, assemblés à la hâte et sans le moindre but et passion. » Pourtant, écrit Aaron Cometbus, l’auteur de cette charge « contre la médiocrité et l’auto-marginalisation » distribuée au Chicago Zine Fest de 2011, « les petits journaux devraient présenter une véritable alternative aux gros magazines et maisons d’édition et ça devrait être facile étant donné que la majorité de ce qui est débité par ces organes de presse est une merde suffisante sans vie ni âme ».
Fanzines not dead
À l’origine de la discussion ? Giz, de Bus Stop Press, un label qui distribue autant de la musique que des fanzines. Avec, derrière, l’envie de répondre au récent « salon du fanzine » qui s’est tenu au Frac Paca. Car si le mot est apparu dans les « années 30 pour parler de la production de fans de SF ou de fantastique qui, face aux refus d’éditeurs, ont décidé de publier leur propre production », le vocable désigne parfois « des brochures très belles graphiquement mais sans véritable contenu, vendues 10 euros et qui ne sont là que pour montrer le savoir-faire de leurs auteurs en attendant qu’ils puissent vivre de leur travail sur le marché de l’art ».
C’est peu dire que le genre est protéiforme : « La dimension “fan” s’est peu à peu effacée et l’on parle désormais plus de zine. Avec des productions parfois éphémères parce que liées à une actualité ou parce qu’elles font office d’exutoire. Et l’on trouve autant l’expression d’une personne que de collectifs. Même si, derrière un “nous”, il arrive qu’il n’y ait qu’une personne », détaille Giz très attaché, lui, au « je ».
Et de préciser : « C’est un genre souvent associé au punk parce qu’il se distingue par le côté “faire par soi-même”. À la base, il y a un besoin d’expression. Mais aussi des moyens pour le faire. La liberté de la presse, ça commence souvent par avoir une presse. D’où le développement des fanzines avec les photocopieuses. » Pour lui, « la thématique importe peu. Derrière la chronique d’un concert, vous pouvez raconter une époque. C’est comme une manif. Ça ne saurait se réduire au nombre de participants. Ce dont se contentent pourtant bien des médias… »
Ce qui distingue aussi les fanzines, ce sont les modes de diffusion : « On peut trouver des fanzines en concert, sur des tables de presse. En librairies, quand elles acceptent les dépôts. Il y a aussi des info-kiosques, parfois mobiles ou éphémères », liste Giz. Qui cite au passage le travail de recueil que fait la Fanzinothèque à Poitiers. Et lors de la discussion à la Salle Gueule, Adrien, qui participe à Lille à La Grande Guif’, expliquera : « Notre gazette, on l’affiche sur les murs. Ça permet de toucher pas mal de monde… »
Car si la diffusion est souvent modeste et si le net a bouleversé la donne, comme le rappelle Giz, le fanzine américain Maximum Rock’n Roll, lancé en 1981 était encore diffusé l’an dernier « à des milliers d’exemplaires. Un mensuel d’une centaine de pages ! » D’ailleurs, comme il l’explique dans le hors-série de son fanzine Cheaptoys (qui recense 10 ans de production !), c’est suite à la disparition de cette « institution » qu’il a lancé, avec l’ambition de combler un vide, un fanzine en anglais (pour l’heure tiré à 200 exemplaires), Papercore. Et qui reviendra sur l’étrange colloque de l’Alcazar sur le punk…
Plus d’info : busstoppress.weebly.com