Martine soigne sa com'
Avant-dernier conseil municipal de Gaudin. Après sa tirade contre la Chambre régionale des comptes, celle qu’il a adoubée prend la parole : Martine Vassal. Qui serre les dents quand le frontiste Stéphane Ravier la surnomme « Madame Pizza ». Avant d’être en culottes courtes sur son site de campagne et en col roulé sur ses affiches électorales, la patronne du département (CD 13) et de la métropole Aix-Marseille-Provence n’aime pas qu’on rappelle qu’elle a été jusqu’à sponsoriser les cartons de pizza et les sacs à baguette.
Martine soigne sa com : fin 2018, appel d’offre du CD 13 pour la « réalisation de sondages, d’enquêtes et d’analyses de la perception des politiques publiques mises en œuvre par le département ». Un marché de 140 000 euros remporté par BVA. Un an plus tard, à l’occasion du forum de La Tribune au Pharo, le titre la place en tête d’un sondage publié juste avant un meeting de son adversaire, Bruno Gilles (dissident divers droite). Lequel tousse en voyant Gaudin et ses proches faire de la retape pour Vassal.
Une stratégie qui confine à l’overdose, en témoigne le retrait fin août, dixit Marsactu, d’Accents, de peur que le magazine de l’institution ne soit taxé de propagande électorale. Peu après, Mediapart rappellera les aides au quotidien de Bernard Tapie – 1 million d’euros en 2018 – et la proximité entre les dirigeants de La Provence et la garde rapprochée de l’élue. En tête, un vieux slogan : « Quand le Département s’engage, c’est la Provence qui gagne »…
À deux mois du scrutin, plus question de demi-mesure : « Madame Pizza » est devenue « Madame banderole ». La plus emblématique étant celle monumentale sur la façade de l’église des Réformés : « Ensemble pour la rénovation de nos églises ». Des militants facétieux l’ont détournée mi-janvier : « Ensemble pour la rénovation de nos logements ». Avec un slogan vite effacé : « Ni seigneurs, ni Vassal ». Ce quelques jours après un vrai-faux tract : « Moi, Martine Vassal reconnais avoir failli à ma mission concernant la prise en charge des mineurs isolés. C’est pourquoi je m’engage à soutenir en 2020 la lutte contre les frontières et le mal-logement. » D’autres détourneront la « sculpture » sur le Vieux Port clamant « Ici, Marseille change » pour rappeler qu’à deux pas de la rue d’Aubagne, « Marseille s’effondre ».
« Ni seigneurs, ni Vassal »
Jeu dangereux. Car l’édile n’a que moyennement le sens de l’humour. Comme nous l’avions raconté (cf le Ravi n°177), l’élue, adepte du marketing territorial, a lancé cet été la marque « One Provence », une sorte de bannière pour unifier les acteurs économiques, mais sans réserver le nom de domaine sur internet. Un informaticien l’a prise de vitesse pour faire de OneProvence.com un site satirique mettant en avant le bilan peu amène de la droite. D’où un procès le 21 janvier qui a été reporté au 13 mars ! S’il n’est guère surpris par la procédure, son avocat, Alexandre Chrétien, l’est un peu plus de voir la métropole choisir une juridiction parisienne : « Peut-être ne veulent-ils pas que ça fasse trop de bruit localement ? » Et de noter qu’il n’y a ni poursuite pour diffamation ni demande de dommages et intérêts : « Le ton du site est sarcastique. C’est comme Les Guignols. De l’extérieur, ça fait sourire. Mais grincer quand on est visé. »
L’avocat de la métropole parle toutefois de propos « offensants » voire « injurieux », estimant qu’il y a « abus » de la « liberté d’expression » et même « trouble à l’ordre public » ! En revanche, pas de procédure à l’encontre de l’avocat macroniste Gérard Blanc, propriétaire, lui, de toutes les autres extensions (.fr, .org…) : « Ça ne m’a coûté que quelques euros. Et je suis prêt à leur restituer. Mais la base, avant de lancer une marque, c’est de la protéger, sourit ce spécialiste en droit des affaires. Là, ils ont voulu faire avant tout de la com sans prendre les précautions élémentaires. Du fini/parti. »
Souvenir d’Anissa, alias « Britney Hammerson », égérie du « comité des touristes en colère » lorsqu’elle et le collectif du 5 novembre s’invitent au lancement de la saison touristique par la patronne de la métropole : « Dès que j’ai commencé à me faire critique, on m’a coupé la parole et des proches de Vassal m’ont entourée. Même si, en sortant, elle a tenté de faire de l’humour en disant « Do it in english », elle était vraiment agacée. Et je ne l’ai plus jamais croisée ! » En revanche, sur le web, elle ne compte plus les « trolls qui viennent dire à quel point Marseille est formidable dès qu’on publie quoi que ce soit ».
En témoigne la bataille souterraine qui se joue sur la fiche Wikipédia consacrée à Martine Vassal : avec, depuis l’an dernier, des dizaines de modifications, une machine de guerre est en place. Alors, face à la « charte éthique » que propose le macroniste Yvon Berland, Vassal ironise lors de ses vœux à la presse : « C’est ce qu’on propose quand on n’a jamais fait de campagne. » À la métropole, même si « on ne va pas se cacher pour continuer à travailler », on laisse entendre être plus ou moins au chômage technique. Mais, au département, nous dit-on, « ça embauche à la com’ ». Et, pour sa campagne, Vassal a recruté en guise d’attachée de presse une ancienne de France Info, Karine Duchochois. Qui, pour la petite histoire, fit partie des accusés d’Outreau avant d’être innocentée et a présenté une émission intitulée « Engrenage infernal ». Dans la série « vu à la télé », pour affronter Samia Ghali, l’édile vient de dégainer l’acteur Moussa Masskri (les Déguns, Taxi 5…). Et si, au Printemps marseillais, on se plaint de recevoir des SMS des soutiens de Martine, le Ravi passe largement sous ses radars : pour recevoir communiqués et invitations, il faut faire des pieds et des mains. Un peu comme avec le RN. Rassurant, non ?