On a testé pour vous le festival Off d’Avignon
Les maris ont de quoi manger et les enfants sont gardés, c’est assez rare de passer une journée sans eux, surtout un samedi ! Le bus de la Castellane est à l’heure et pas de grève SNCF… le rêve ! L’heure et demi de trajet sera bien comblée : on rigole et on met l’ambiance dans le wagon, mais on reste efficaces car on trouve quand même le temps de préparer l’interview des comédiens des Pieds Tanqués (compagnie Artscenicum), pièce que l’on va voir dans l’après-midi et qui a pour sujet la guerre d’Algérie, héritage compliqué transmis aux générations d’après. Ça parle surtout du travail de mémoire nécessaire pour vivre ensemble. Nous sommes toutes originaires d’Algérie, le thème nous touche forcément.
A peine le temps de dire ouf qu’Avignon nous ouvre ses bras. Dès la gare, on est accueillies par les affiches, plus on pénètre dans la ville et plus elles sont présentes, partout sur toutes les façades. Certaines nous parlent plus que d’autres… comme celles sur les belles-mères ! C’est fou le nombre de pièces qui parlent de ce sujet, « Le bon, la bru et la vieille bique », « L’Enfer c’est ma belle-mère » ! Et les dessins qui illustrent ne sont pas plus flatteurs : en sorcière ou en diable sur celle-ci, en bulldog à collier de perles sur celle-là… En même temps, le problème de la belle-mère c’est international ! Plus on s’enfonce dans les ruelles étroites de la vieille ville et plus on a l’impression d’être à Béjaïa ou dans la Casbah, c’est beau ! Ça manque de tours par contre ! C’est trop calme ici par rapport au quartier, et puis dans la cité, sans festival, c’est quand même l’ambiance !
A Avignon, la rue est un théâtre… Au cœur de cette ville culturelle, nous interrogeons les gens que nous croisons sur ce qui nous pose question depuis le début des ateliers : « Est-ce que la culture est vraiment accessible à tous ? » Micro à la main, nous rencontrons Mathilde et Gabrielle, étudiantes de 20 ans : « C’est trop cher et encore trop élitiste. Certaines tranches de la population sont encore mises de côté. La culture est un business à part entière. » Elles n’ont pas tort, rien que pour cette journée si on compte 42 euros de train aller-retour, 10 euros la place de théâtre (et nous ne sommes allées voir qu’une seule pièce à tarif réduit !) et 7 euros pour un sandwich et une boisson, c’est quand même un sacré budget pour une famille…
Pour Dominique, festivalière à la retraite, le frein n’est pas seulement financier : « Certains n’osent pas venir à la culture, car ils ont l’impression qu’il faut être initiés. Ça doit être la volonté de ceux qui mènent une ville que d’aller chercher ces gens-là, de leur proposer des spectacles qui ne soient pas trop rebutants. Et si la culture ce n’est pas que de l’émotion, il faut quand même que ça touche quelque chose en soi. » Catherine Le Hénan, comédienne (Les Anges meurent de nos blessures de Yasmina Khadra) partage cet avis : « La culture, ce n’est pas du luxe. Mais c’est parfois tellement un autre monde pour les gens qui ne sont pas habitués… Au théâtre, l’humour est un bon moyen de toucher le public. »
Bavardes que nous sommes, le micro-trottoir se termine bien souvent en discussion… et il ne nous reste que quelques minutes pour rejoindre le théâtre où se joue Les Pieds Tanqués. La salle est pleine. Quatre hommes sont sur une scène transformée en terrain de boules. Il y a le Pied-noir (Zé – Gérard Dubouche), le Français d’origine algérienne (Yaya – Sofiane Belmouden), le Provençal (Loule – Thierry Paul) et le Parisien (M.Blanc – Philippe Chuyen). Sans oublier l’accordéon de Jean-Louis Todisco Chacun a un lien particulier avec la guerre d’Algérie. La partie de pétanque devient rapidement le lieu de confrontations d’une histoire passée dont chaque personnage n’est finalement qu’une victime. Une heure cinq de spectacle dont on sort émues.
On retrouve les comédiens autour d’une table, on leur dit avec notre cœur, comme ça sort, tout le bien que l’on pense de leur pièce et à quel point elle nous a touchées. « Le but d’une pièce c’est que le public qu’il vienne d’un quartier ou d’un milieu plus bourgeois soit happé par l’histoire, précise le metteur en scène Philippe Chuyen. Parce que même si c’est basé sur des faits réels, c’est quand même une histoire que l’on raconte. » La pièce parle aussi du vivre ensemble et de l’accès à la culture de l’autre. « Parfois on a l’impression que notre culture est exclusive et que celle des autres n’existe pas, note très justement Sofiane Belmouden. La pièce montre que non justement, chacun a son histoire et elle se mélange avec d’autres. On apprend avec les autres et les autres apprennent de nous. »
On n’imaginait pas que des comédiens puissent être aussi accessibles et répondent à nos questions avec autant de bienveillance (lire ici l’entretien). On s’embrasse, on prend une photo souvenir de ce moment, pour montrer à nos enfants que leurs mamans sont allées en reportage à Avignon, de la cité La Castellane à celle des papes ! Sur le point de partir, on connaît nous aussi notre moment de gloire : « Excusez-moi, vous n’êtes pas les dames que j’ai vues sur France 3 hier ? » (1), nous lance un Avignonnais. Eh si, c’est bien nous ! Derniers regards sur les remparts, il est déjà temps de rentrer, on se promet de revenir l’an prochain au moins deux jours pour voir encore plus de spectacles. Maintenant qu’on a goûté à la culture, on sait qu’elle est aussi pour nous et on compte bien revenir en festivalières !
Fadila, Farida, Hayette, Samia, Sabira, Sakina
1. Sujet sur les ateliers « Et si ? » à La Castellane diffusé le 24 juillet dans le 12/13 et le 19/20 de France 3 Régions.