La culture sur la scène identitaire
Tout le monde est partant pour organiser une journée dans la rue qui mettrait à l’honneur telle ou telle culture, pays. Même de les mélanger : « Je verrais bien un grand souk, des magasins de tissus provençaux avec des cigales qui côtoieraient babouches ou djellabas. Pour manger, on aurait le choix entre salade niçoise ou tchouktchouka et des makrouts ou une tropézienne en dessert », rêve Akila, Franco-marocaine qui se définit comme une arabo-méditerranéenne, une transméditerranéenne. « En France, je passe pour une Marocaine, là-bas, pour une Française… »
Organiser une journée pour mettre en avant les « cultures du monde », c’est ce que fait chaque année en mai depuis 2000 la ville de Gardanne à travers le festival Arts et festins du monde : gastronomie, artisanat, spectacles multiculturels avec comme objectif « de montrer que malgré les différences, on peut se réunir, qu’on mange tous différents mais qu’on mange tous quand même… », explique Jérôme Sainati. Et le directeur du service culture et de la vie associative de préciser : « Quelque chose de difficile à mener mais d’autant plus important aujourd’hui et dont l’impact est difficile à mesurer même si j’ose espérer qu’il existe ! »
Célia, encadrante au Village, se définit aussi comme euro-méditerranéenne, tout en appuyant sur le fait que sa culture dépend des autres, qu’elle se construit pas à pas. Un processus que met en avant Chala Beski-Chafiq, sociologue et fondatrice en 2003 de l’Ardic (Agence de développement des relations interculturelles pour la citoyenneté) : « L’identité culturelle change au cours de la vie, c’est une notion dynamique, notamment il est vrai, pour les émigrés. Le problème aujourd’hui est que des notions figées font leur retour parallèlement avec la montée de l’extrême droite : "je suis un tel ou un tel et ça ne peut pas changer". » La sociologue insiste sur le concept de transculturalité : « quelque chose qui traverse toutes les cultures. L’amour, la haine nous unissent tous. On est tous capables de comprendre le message d’un film chinois. Si on reconnaît cela, on reconnaît que l’interculturalité est possible. »
Est-ce facile de vivre sa culture, de la faire partager, de s’imprégner de l’autre ? Pour les participants d’origine maghrébine, il y a bien sûr les préjugés, un « dialogue difficile », la nécessité de parfois devoir « se justifier », mais pour Omar et Mohamed, il est tout de même facile d’exprimer sa culture en France, « ce qui est le plus important », et ils trouvent même qu’il y a plus d’échanges ici qu’en Italie ou en Espagne, des pays plus « autocentrés ». Ils insistent surtout sur la notion de respect, à l’heure où des concepts belliqueux comme celui de la « remigration » pointent le bout de leur nez : « Il faut être discipliné, respectueux. Grâce à cela on peut se faire accepter soi et sa culture. » « Avec le respect j’ai gagné beaucoup de choses, des amitiés, même avec des gens qui votent FN à qui je demande pourquoi ils n’aiment pas les étrangers et qui me répondent que, moi, je suis différent… Mais ça m’est égal, je respecte toutes les opinions s’il n’y a pas de violence », témoigne humblement Omar.
« On peut quand même facilement vivre sa religion en France, où il y a plus de libertés que dans certains pays musulmans. Bon peut être plus à Marseille qu’à Cavaillon, où les gens sont plus méfiants », tance Mohamed, Algérien de 30 ans arrivé en France en 1997, croisé en ville. « On est peut être un pays trop ouvert à l’autre, avance peu après Jean-Noël, assureur cavaillonnais. Ce matin c’était la rupture du jeune du ramadan, tous déguisés dans la rue… J’ai l’impression qu’on nous impose certaines pratiques religieuses. » Le bonheur des micros-trottoirs…
Clément Chassot & le groupe de Cavaillon participant au projet « Et si ? »