Les aventures de François-Michel Lambert
Gardanne, capitale de l’économie circulaire, chère à François-Michel Lambert, député écolo des Bouches-du-Rhône et patron de l’institut du même nom ? Peut-être celle du recyclage. Pas seulement parce que le maire PCF sortant, Roger Meï, a pris pour directeur de campagne l’ex-patron de La Marseillaise. Mais surtout parce que, suite à l’annulation des municipales, les Gardannais, ont renouvelé en juillet leur confiance à celui qui est maire depuis 1977 ! Avec non plus 59 mais plus de 500 de voix d’écart face à Jean-Brice Garella, son principal adversaire.
L’élu « rouge » est encore vert : quand on lui rappelle son âge, il nous met au défi de le suivre « lundi, 8 heures, à la piscine » où, à 80 ans, il fait chaque semaine ses « trois kilomètres ». Pas question de se mettre au vert. Sinon dans le discours. « Vous en connaissez beaucoup, des villes avec zéro effet de serre ? », claironne celui qui met en avant le « biogaz ». Et qui, l’an dernier, défendait ainsi dans Le Monde le projet pourtant décrié de centrale à biomasse : « Les Gardannais ne sont pas inquiets. C’est une ville industrielle. Quand ils voient les cheminées fumer, ils sont contents : ça veut dire qu’il y a du travail. »
Gardanne, capitale du « green-whasing » ? A la veille de la Cop 21, elle compte quelques dossiers qui, écologiquement parlant, font un peu tache. Comme Altéo pour laquelle une enquête publique vient de s’ouvrir. Car, si l’usine d’alumine ne rejette plus de boues rouges au cœur du parc national des calanques, elle déverse encore en mer ses eaux usées. Au grand dam du ministère de l’Ecologie.
Grosse tête et petits scores
Mais Altéo – comme Meï – peut compter sur Lambert. Elle est même partenaire de l’Institut de l’économie circulaire : « Ils sont contributeurs pour 5000 euros d’une structure au budget de 500 000, rétorque l’élu. S’ils n’étaient plus partenaires financiers, ce ne serait pas grave. Ce qui le serait, c’est qu’ils ne le soient plus d’un point de vue politique. » Car « FML » défend bec et ongles les « efforts » de l’industriel : « Je fermerais moi-même l’usine s’il y a encore trop de rejet. Mais on ne peut obtenir l’arrêt total des rejets du jour au lendemain. C’est comme l’amiante dans les freins. On n’a pas brutalement décidé d’interdire aux voitures de circuler. Et les écolos ne les ont pas en masse boycottés ! D’ailleurs, ceux qui me critiquent sur internet, sont-ils prêts à se passer de leur écran plat qui n’existerait pas sans alumine ? A moins qu’ils ne préfèrent qu’on délocalise l’usine dans un endroit qui sera, à n’en point douter, respectueux de l’environnement… »
De quoi faire bondir la députée européenne (EELV) Michèle Rivasi fustigeant celui qui « depuis qu’il a été élu, a pris la grosse tête et perdu pied. En tout cas, électoralement, ça ne paye pas ». Lors des municipales, en juillet, Lambert n’a fait que 7 % (soit 577 voix) : « C’est décevant. Mais qui, à gauche, réussit à faire le double de la droite et presque autant que le FN ? Moi, je suis d’accord avec Cécile Duflot… quand elle dit qu’en tant que parti, EELV n’a guère d’avenir », raille celui qui avait vertement critiqué la ministre de quitter le gouvernement. Et qui, pour avoir adhéré, afin de promouvoir « l’union des écologistes », à Génération écologie (d’où il vient) et au « Front démocrate » de Jean-Luc Bennahmias, a été « suspendu » d’EELV.
Trop ou pas assez écolo ?
Au-delà d’Altéo ou de son périple en voiture électrique, c’est son positionnement politique qui déroute. En 2014, Lambert était au côté du socialiste Jean-Brice Garella. En 2015, au grand dam de Garella, il part en solo… avant de militer pour la réélection de Meï ! Et ce, tout en prônant le rapprochement avec le PS, tant au national qu’aux régionales face à l’hypothèse d’une liste « pastèque » EELV-Front de Gauche. Peut-être parce que la tête de liste du PS, Christophe Castaner,, est récipiendaire, comme lui, de la « Marianne d’or », trophée dont le principal sponsor, « Eco-emballages », est membre de l’Institut de l’économie circulaire…
En 2007 déjà, alors porte-parole régional des écolos, son soutien comme suppléant au sénateur-maire PS d’Allauch, Roland Povinelli, avait fait des vagues. Les plus rancuniers lui prédisent une déroute aux prochaines législatives « alors qu’il ne doit son élection en 2012 qu’à une triangulaire ». Et les plus amers le classent, « comme Karim Zéribi », dans la catégorie de ceux qui, « peu importe l’étiquette, cherchent avant tout un marche-pied ». Ce qui pose la question, pour un membre d’EELV, « de la solidité de ceux qui, chez nous, se retrouvent à des postes qu’ils ne doivent qu’à des accords électoraux pour lesquels ils ne sont pas préparés ».
Début juillet, dans un café gardannais, François-Michel Lambert qui assure qu’il y a une vie « après la politique » – il vient de chez Ricard – se demandait : « Qui se souvient du nom des ministres sous Sarkozy ? » Alors des députés ! Mais depuis, il a repris du poil de la bête. En vacances dans le Gers pendant que les écolos se déchirent dans le nord, il professe : « Si les écolos sont capables d’avoir des relais du Parti de gauche au centre, Maud Fontenoy ou le collectif "Nouvelle écologie" du FN n’ont aucune raison d’être. Moi, en tout cas, je serais candidat à un deuxième et ultime mandat. Et si les socialistes me trouvent trop écolo et les écolos trop socialiste, c’est que mon positionnement n’aura pas été si mauvais… »
Sébastien Boistel