Il était une fois en Provence
Avec leurs grands manteaux beiges flottant au vent et leurs gueules patibulaires, les trois hommes qui poursuivent, fusils aux mains, « l’homme aux cheveux rouges » en fuite avec la belle Gina, semblent tout droit sortis d’un film de Sergio Leone. Mais c’est d’un western provençal qu’il s’agit et d’une adaptation du Chant du Monde, scénarisé et mis en image par Jacques Ferrandez. Jean Giono n’a volontairement ni daté ni situé précisément l’action de son roman. Mais les amples aquarelles qui séquencent le récit ne laissent aucun doute : la forteresse de « Villevieille » évoque bien celle de Sisteron, le « haut pays » a des allures de l’Ubaye, et le fleuve qui traverse la vallée s’écoule comme la Durance. Bien avant l’ère industrielle, avec ses usines Seveso, son site nucléaire de Cadarache pour dompter l’énergie des étoiles. Ferrandez, salué pour ses Carnets d’Orient et ses adaptions sensibles de Camus, assume son classicisme sans sombrer dans l’académisme. Il donne corps à une galerie de personnages hauts en couleur : Antonio, le taiseux pourtant nommé « bouche d’or », Matelot, le vieux bûcheron échoué dans la forêt provençale, Maudru, le bouvier régnant sans partage sur ses terres, Clara, l’aveugle si sensible à la musique et au passage des saisons… De la belle ouvrage.
Le chant du Monde, par Jacques Ferrandez, d’après l’œuvre de Jean Giono, éditions Gallimard, 160 pages, 22 euros.