Six-fournais, Six-fournaises…
Une ville de vieux, tout simplement. Au bord de la mer. Voilà Six-Fours-les-Plages (83), cité balnéaire très étendue de l’aire métropolitaine toulonnaise, un peu plus de 30 000 habitants, et, selon l’Insee, 37 % de la population âgée de plus de 60 ans. Des cheveux blancs partout ! Seules Saint-Raphaël et Embrun font mieux dans la région. Attirés par le climat, beaucoup de retraités viennent s’y installer. Comme Yvette (84 ans), Mathilde (86), Annette et Marcelle (93 ans toutes les deux) qui jouent à la belote comme tous les après-midi au FAPR, un foyer pour seniors de 150 adhérents (la ville en compte plusieurs).
Très joviales et souriantes, elles assurent « vivre très bien ici. C’est un petit village, on n’est pas embêtées. Le soleil, la mer… On reçoit les petits enfants l’été… Et il y a un beau tissu associatif ». La ville a une réputation très calme, sans grande délinquance. Annette trouve tout de même qu’il y a « trop de constructions » pour cette « ville-dortoir qui n’est pas très animée ». Parce que si c’est génial pour les seniors, c’est compliqué pour les jeunes. Un petit groupe d’ados sort du collège : « Y a rien à faire !, réagit Lisa. On est pleins de potes mais à part s’asseoir et discuter… Notre seule activité, c’est d’aller au Macdo ! C’est mieux Sanary, juste à côté. Si vous pouvez faire passer le message au maire, une fête foraine ce serait super ! »
Si Six-Fours n’est peut-être pas une ville à fuir pour tout le monde et malgré la « carte postale », elle perd quelques centaines d’habitants par an selon l’Insee. « Environ 2 000 jeunes qui partent et 2 500 seniors qui s’installent par an », estime Erik Tamburi (divers droite), l’un des opposants principaux au maire, ex LR et ancien député, Jean-Sébastien Vialatte, élu depuis 1995. Il reçoit dans son bureau, un peu agacé par certains indicateurs et nos résultats, mais de manière cordiale. Il conteste la méthode des derniers chiffres du recensement, réalisé par sondage.
« C’est mieux qu’une carte postale ! »
Pour Jean-Sébastien Vialatte à Six-Fours, « on respire, c’est vaste, il y a des kilomètres de littoral, la moitié de la ville est en espace boisé classé, le tout à proximité de grands centres urbains. C’est mieux qu’une carte postale ! ». Le classement de la ville dans la catégorie « Joie de vivre » (environnement, cadre de vie) peut lui donner raison : 21ème sur 40. Six-Fours est aussi la 4ème ville de la région où les revenus sont les plus égalitaires (mais beaucoup de CSP+ comme l’indique lui-même le maire), le taux de mortalité prématurée est faible…
Reste de gros points noirs comme les services publics aux particuliers (« nous venons de construire deux bureaux de poste de proximité ! Et nous sommes une des rares communes à ne pas fermer de classes d’école », balaie le maire), peu de salles culturelles, 34 % des ménages ont deux voitures ou plus… L’un a retenu notre attention : le très faible taux de logements sociaux, 8,4 %. Seules trois villes font mieux. « On part de très loin, 3 % en 1995, justifie Jean-Sébastien Vialatte. On atteindra les 9 % bientôt. À chaque construction, une part est dédiée au logement social. On répartit pour ne pas concentrer. » Avant de lâcher : « Et puis les gens n’en veulent pas ! »
Cette question est très liée au bétonnage de la ville, un thème qui revient souvent dans la bouche des habitants alors que les inondations sont de plus en plus fréquentes dans le Var. « C’est un vrai problème, souligne Erik Tamburi. Le maire dit vouloir éviter les “ghettos” mais deux tiers des habitants sont éligibles au logement social ! Le maire bétonne, mais pas pour les Six-Fournais. »
Pas encore officiellement candidat à sa réélection, Jean-Sébastien Vialatte est maire depuis 25 ans, un très mauvais point dans notre palmarès. « On prend les électeurs pour de grands enfants dans notre région, mais ils votent en connaissance de cause, ils ont le choix ! » Les scores du Rassemblement national à Six-Fours sont importants, aux alentours de 30 %, avec en tête de proue Frédéric Boccaletti, secrétaire départemental et proche du clan Le Pen. « La stratégie politique ici tourne uniquement autour du RN », analyse Erik Tamburi. Pour rappel, le maire a été condamné en 2014 pour « provocation à la haine raciale » après un tweet sur « les casseurs », des « descendants d’esclaves »… Six Fours a aussi la particularité d’être une ville où résident beaucoup de pieds-noirs, ce qui peut expliquer le vote très à droite de la ville. C’est en tout cas une communauté choyée : la présidente de l’amicale des rapatriés de la ville est élue dans la majorité…
Le centre-ville se résume à une rue piétonne, où quelques vitrines de commerces abandonnés ne présagent pas d’un dynamisme flamboyant. Le taux de petits commerces par habitant est en effet faible (32ème position). « Il y a eu un petit creux c’est vrai, mais il y a une embellie, une dizaine de commerçants ont ouvert récemment », indique le maire. Océane, 27 ans est vendeuse chez un traiteur : « Cela fait 12 ans qu’on existe, on ne se plaint pas. Mais c’est particulier ici : les plages sont très loin du centre, l’été les touristes ne viennent pas. Et puis personnellement, je n’ai pas le permis. Et bien c’est très compliqué. Le soir pour sortir, il n’y a pas un bar, à peine deux restos… » Tiens, un peu plus loin, un kiosque. « Vous avez le Ravi ? » « Oui mais on ne le vend pas beaucoup, par contre Rivarol, oui ça marche bien ! », répond le kiosquier. Définitivement à fuir.