Surprendre, et frapper
Les géants de l’agroalimentaire cherchent à m’engraisser comme une volaille industrielle. Voilà un constat froid, difficile, mais objectif : ils sont partout, dans mes placards, dans mon frigo, ils interviennent à l’école dans l’éducation nutritionnelle de ma fille, ils sont sur tous les menus de restaurant, dans mon magasin bio, dans les marques de mon enfance… Je vais arrêter tout de suite cette liste qui n’en finirait pas car la bonne question est : quand l’ennemi est partout, qu’il est beaucoup plus fort que moi et déterminé à me bouffer, comment se battre ?
Ma réponse tient en un seul mot : guérilla ! J’enfile mes rangers et mon battledress, je visse sur ma tête une toque en imprimé camouflage et entre mes dents mon couteau de chef, à mon bras un joli petit panier d’osier et me voilà parti pour le maquis de Provence. Les sentiers sentent bon le thym en ce matin d’hiver mais le soleil frappant sur les coteaux humides fait danser dans les airs des parfums plus subtils. Le chasseur-cueilleur en moi se réveille d’abord par le bout du nez mais s’ébroue rapidement dans tout mon être, vers des organes plus mystérieux, à l’endroit de l’instinct. Je quitte alors rapidement le sentier pour m’enfoncer comme une bête sauvage sous les chênes kermès, et en ressort quelques heures plus tard, avec sous le coude de belles noisettes, une branche de thym et un joli petit paquet de chanterelles.
Mais ça c’est la partie facile, car une fois revenu en ville l’étau se resserre. Comme je l’ai dit plus haut l’ennemi est partout et nous sommes ici à un endroit particulièrement délicat de la guérilla : le ravitaillement. En ville comme à la campagne l’équation est simple : où tu fais tes courses au marché, où tu engraisses l’ennemi. En l’occurence aujourd’hui ce n’est pas jour de marché alors…Eh bien j’engraisse l’ennemi. La guérilla c’est aussi ça : ne pas attaquer de front, être furtif, surprendre, et frapper !