"Y a trop de texte dans ce dessin !"
Les dessins commencent à défiler sur le tableau interactif, et soudain la parole se libère. « Ce dessin-là, il est plus drôle parce qu’on le comprend tout de suite !« , « Celui-là, il est moins satirique, il est beau, on a envie de le regarder mais on sait pas trop ce qu’il veut dire…« , « Y a trop de texte !« , « Y en pas assez !« . La vingtaine de filles et garçons monte au créneau, donne de la voix dans un joyeux chahut.
Depuis un mois, le Ravi intervient un jour par semaine en CM1 et CM2 à l’école Robert Desnos de Martigues, dans le quartier populaire de Canto Perdrix. Des ateliers pour à la fois sensibiliser à la fabrique de l’information, à la satire, mais aussi faire produire aux deux classes un journal consacré à l’étang de Berre tout proche.
Une classe s’occupe de l’histoire de l’étang, l’autre des mesures à prendre pour mieux le protéger de la pollution. Équipés de tablettes dernier cri, les élèves se mettent en quête de l’information, passent du site du Gipreb, l’organisme qui gère l’étang, aux sites de presse relatant la mission Tara, venue faire une campagne de relevés de micro-plastiques dans l’étang. Le journaleux du Ravi jette un coup d’œil par-dessus les épaules sur les cahiers de notes : pas question de recopier une info qu’on n’a pas comprise. Sinon, comment la transmettre correctement aux futurs lecteurs ?
Macron en maillot
Une fois listées toutes les informations recueillies, on les regroupe pour constituer des ébauches d’articles. Remue-méninges sur l’illustration la plus adaptée à chaque sujet : une carte ? Mais a-t-on toutes les infos nécessaires ? Un dessin ? Oui mais pour montrer quoi ? Les futurs collégiens dégainent leurs feutres et crayons de couleur. Inspection : « J’ai mis Emmanuel Macron et sa femme qui jettent des déchets dans l’étang depuis un bateau, ils sont en train de bronzer ! » « C’est vrai que c’est drôle, mais présenté comme ça on dirait que toute la pollution c’est de la faute du président, ou de l’État. Alors que nous les habitants, on pollue un peu aussi non ? »
A l’autre bout de la classe, on opte pour l’humour noir : un désespéré a décidé d’en finir en se jetant dans l’étang. « C’est triste, pas vraiment drôle« , tranchent les copains. Et puis on ne voit pas directement le lien avec la pollution. Tous retournent à la planche à dessin. Prochaine étape : mettre en page articles et dessins dans un journal commun aux deux classes. Et lui trouver un titre !