La sobriété heureuse
Pour eux, le bonheur c’est travailler la terre. Bruno Carpentier et Pauline Spatola, la trentaine, cultivent des oliviers et font du maraîchage dans la petite commune des Mées (04), au cœur de la vallée de la Durance. Une activité encore insuffisante pour pouvoir se verser un salaire. Ils vivent à l’année dans une yourte avec leurs deux têtes blondes, Erwan et Gaëlle. Sans électricité, sans eau courante. Lui est originaire de Lille. Elle a vécu à Miramas (13), « industrielle à mort ». Ils n’ont pas hérité de terres ni du savoir-faire de leur famille. Abandonner la ville pour rejoindre la campagne était une évidence. Assumer leur choix n’est pas toujours facile : « On a parfois envie de plus de facilité, de confort. Tout prend plus de temps dans un habitat nomade, comme pour faire à manger. Mais c’est une vie simple qu’on aime. »
« Quand je suis rentrée à Carmejane [lycée agricole de Digne-les-Bains, ndlr] en caprin-fromages, je pensais devenir un peu une Manon des sources, se remémore Pauline, inspirée à l’époque par sa grande sœur qui élevait 80 chèvres à Forcalquier (04). Ce n’est pas en restant dans les quartiers nord de Miramas que j’allais voir des alternatives. » Depuis, sa vision du métier a bien évolué : « Faire pousser des légumes, ça avait l’air facile. Mais c’est vraiment un travail de passionnés. On commence par 1 an de paperasse, ensuite il faut se coordonner avec les fournisseurs, créer son système de commercialisation, trouver ses clients… C’est éprouvant physiquement, mentalement et on a peu de temps pour avoir une vie sociale. »
Le couple est installé sur 1 hectare en maraîchage sur des terres louées qui avaient été cultivées en agriculture conventionnelle. Adieu les pesticides et la productivité à tout prix, Bruno et Pauline ont fait le choix du bio. Pourtant, au bord de la Durance, le couple a dû faire un forage à 90 mètres de profondeur pour être autonome en eau. Ils ont développé des Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) dans les Alpes-de-Haute-Provence. Mais la cohabitation n’est pas toujours facile avec les agriculteurs adeptes des pesticides, même si un voisin ne traite pas ses pommiers et ses pêchers quand il voit le couple travailler. « Récemment, un petit vieux pulvérisait sur ses pommiers et j’en prenais plein la figure avec le vent. J’étais en colère et je suis allée le voir. Il m’a dit qu’il n’était pas un empoisonneur, qu’il avait fait ça toute sa vie sans mourir ! »
Le couple ne se décourage pas. Et Pauline Spatola, « ouvrière dans l’âme », s’émerveille des effets immédiats du bio : « On a vu la vie reprendre dès la première année ! Des pissenlits ont repoussé… »
Nicolas Richen