La politique ? Une option facultative
Du rouge. Du noir. Un portrait rappelant Angela Davis. Un homme brandissant un drapeau palestinien. De grandes affiches placardées à l’entrée de la fac Saint-Charles à Marseille. Des autocollants appelant à « organiser [notre] colère ». Et toujours la même signature : « les jeunes communistes ». Qui semblent « tenir » le campus. Une stratégie d’occupation « visuelle » qui se double d’une présence physique avec table et pétitions pour appeler les étudiants à se mobiliser autour de « grandes » causes – la « semaine du féminisme », un jumelage avec une fac palestinienne – ou à participer aux réunions de la « JC ». Et pourtant, sur la fac Saint-Charles, les étudiants communistes sont moins d’une dizaine.
D’ailleurs, en se rendant à leur permanence, à la Belle de Mai, point de « jeune communiste » mais une jeune communiste, Irène Perrin Toinin, candidate dans le secteur pour les départementales, entourée de son équipe de campagne. A 29 ans, elle se souvient encore de son passage à la fac Schuman, à Aix : « On a beaucoup de poids là-bas, dit-elle. Bien plus que dans le monde du travail… Mais c’est parce qu’on est sur des problématiques qui concernent les étudiants, leurs droits. Et que la fac, c’est un peu un microcosme séparé du reste… »
Un microcosme qui, sur ses propres problématiques, a du mal à mobiliser ses troupes. Prenez la question des droits des étudiants. C’est le champ d’action « naturelle » des trois associations qui font office de syndicats étudiants : la liste inter-associations « Bouge ton Crous », l’Unef (plutôt classée à gauche) et l’Uni (plutôt de droite). En novembre, elles ont mené deux bonnes semaines de campagne pour les élections au conseil d’administration du Crous. Avec des slogans aussi percutants que « tu viens de passer deux heures sur Facebook, t’as bien deux minutes pour aller voter ! » Sans succès : le taux de participation sera de… 9,81 %.
L’abstention et le « désenchantement » des jeunes, c’est aussi le constat de l’association « Génération Massilia », suite aux 300 réponses à leur questionnaire dans les facs de lettres et de médecine de l’université Aix-Marseille. S’ils organisent des groupes de discussion sur « l’abstention » ou « les élus », ce petit groupe d’étudiants refuse de se positionner sur l’économie ou l’écologie : « Restons à la surface, clame son président, Jonathan Moretti, étudiant en lettres modernes. C’est cette naïveté de vouloir rassembler tout le monde qui est intéressante… » En réponse à la « crise politique », cette association entend rassembler les générations, réformer la « 5ème République » et même, au-delà, « la politique du 20ème siècle dans laquelle les jeunes ne se reconnaissent plus ». Symbolique, elle a célébré son « avis de décès » avec ballons et musique le 11 avril sur le Cours Julien. Devant une vingtaine de personnes.
Alors, si les partis n’ont pas forcément la cote sur les campus, ils n’en sont pas moins présents. Ainsi, à Aix, les jeunes UMP et l’Uni sont nettement plus visibles à la fac de droit qu’à la fac de lettres, alors que les deux établissements ne sont séparés que par un parking. Et si l’Uni se veut indépendante de toute affiliation politique – bien que qualifiée par Le Monde de « creuset de la droite et de l’extrême droite », certains de ses membres étant proches du FN ou de l’Action Française – elle a tout de même pour objectif de « proposer une alternative pour la jeunesse face à la gauche ». Et d’estimer que « la mainmise de la gauche sur la jeunesse, le monde associatif et l’éducation n’est pas une fatalité ». Emblématique : c’était la seule association étudiante présente le 11 mars dernier à la journée « portes ouvertes » à la fac d’économie-gestion sur la Canebière.
De fait, au-delà des organisations partisanes, on trouve à l’université des associations qui proposent d’autres formes d’engagement politique. Comme par exemple « Rush » – l’association étudiante de la licence « Sciences & Humanités » – qui, au début de l’année, a organisé un débat sur les événements à Charlie Hebdo. Et si l’association a du mal à dépasser le public de la licence, elle entend persévérer, histoire de réintroduire sur le campus du partage et de la confrontation d’idées. Pas simple. Depuis 2011, l’Union générale des étudiants palestiniens organise une semaine de solidarité avec la Palestine. Mais cette année, du fait de la mise en place du plan « Vigipirate », la manifestation n’aura pas lieu. Sur ordre de la direction de l’université…
Leïla Khoulalene