Les déchets, entre fin du monde et de mandat
« C’est pas le dernier mandat avant la fin du monde, mais un peu quand même… » lance Thibault Turchet à la salle toulonnaise. Constat inquiétant, mais ton cordial. Le juriste de l’association Zero Waste présente ce 18 octobre un livre de neuf propositions pour réduire les déchets dans les collectivités. Plus connue pour ses actions grand public, l’association issue du Centre national d’information indépendant sur les déchets veut ancrer la thématique dans les municipales. Elle s’adresse là à un parterre de 70 personnes, dont quelques élus ou candidats. Verts, LR – l’adjointe au développement durable à la ville de Toulon -, LREM.
La proposition-phare, stratégiquement, est le tri des biodéchets : « C’est un tiers des poubelles, explique en aparté le juriste, et des déchets où on trouve du sens à trier, composter… » Dans l’air du temps auprès du public, la mesure sera aussi obligatoire en 2025, en vertu de la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015 (LTECV), qui impose dans le même délai une baisse de 10 % des déchets ménagers.
De fait, les politiques ont saisi le sens de l’histoire. À Marseille, le groupe local Zero Waste a été sollicité pour sensibiliser le public par des mairies de secteur. Celui de Toulon travaille avec le Sittomat (le syndicat intercommunal de gestion des déchets de l’aire de Toulon, ndlr) depuis deux ans sur des opérations autour du compostage, la plus originale étant le don aux volontaires de poulaillers dont les occupantes mangent les biodéchets, 4000 distribués en tout.
« On a vu que le message passait mieux par les associations que par nous, donc on a continué à collaborer », explique Jean-François Fogacci, directeur général du Sittomat. Il faut dire que l’image de la structure a pâti de ses déboires judiciaires, avec la mise en examen de son président et de son directeur au sujet de l’attribution, en 2013, du marché de gestion de son incinérateur ( Voir « Pizzorno, roi des ordures », le Ravi n°121)…
« Si la poubelle est pucée, on sait qui jette quoi »
Utilisés à plein, les dispositifs de compostage du Sittomat permettent d’éviter la collecte d’environ 20 000 tonnes de biodéchets chaque année. Le chiffre, impressionnant, l’est moins rapporté aux 443 305 tonnes de déchets traités en 2018, incinérés pour plus de la moitié. « Ce n’est pas suffisant », tacle Guy Rebec, conseiller municipal d’opposition EELV à Toulon et candidat à la mairie. Il défend depuis 2014 la construction d’une usine de méthanisation pour pouvoir généraliser la collecte des biodéchets. Et veut que Toulon Provence Méditerranée mette en place une tarification incitative pour baisser la quantité de toutes les ordures : « On paie au poids des ordures soumises à la collecte, la poubelle est pucée, on sait qui jette quoi. À Besançon, dès la première année, il y a eu une baisse remarquable ! » À savoir de 26 %, selon Zero Waste, qui juge la mesure très efficace.
Dans la Métropole Aix-Marseille, les services travaillent avec l’État sur une version de cette redevance pour les professionnels. En place depuis plusieurs années sur le territoire Marseille Provence, elle était jusque là uniquement… déclarative. Résultat, « il y en a quelques uns qui sous-estiment le volume de déchets, et ça n’incite pas au tri », commente Monique Cordier, vice-présidente LR de la gestion des déchets pour ce territoire. En 2020, la rationalisation devrait se faire. Et le grand public ? « La mise en place sera plus longue, ce n’est vraiment pas simple ! s‘exclame l’élue. Il faut s’équiper, mettre en place de nouveaux matériels, changer les systèmes de collecte… » À long terme, l’idée reste dans le viseur, pour une raison simple, « c’est dans la loi ! Mais on a quelques années ».
La LTECV, encore elle, fixe en effet un but de 15 millions de Français soumis à la tarification incitative en 2020, 25 millions en 2025… Objectifs adaptés, de façon strictement proportionnelle, dans la planification régionale de prévention et de gestion des déchets mise en place cette année en Paca. Mais si la réduction des déchets fait son chemin dans les discours des élus, les financements peinent encore à suivre. Pour la métropole Aix-Marseille, selon l’association France Nature Environnement, le budget de prévention des déchets reste cantonné à 0,5% des charges liées à la question. Autant dire qu’il y a encore du boulot !