Espace vert de trouille
Il trimait, il y a encore un mois, chez des vrais Thénardier marseillais des espaces verts, des Gattaz du plein emploi : Jardin Service, une des sociétés détenues par la famille De Santi. Mais David, délégué suppléant CGT, a été viré le 6 mars. Pourquoi ? Au motif, suite à un accident de la route, qu’il a cassé un phare de camion de l’entreprise, déchiré un pneu et abîmé une portière. Son patron lui avait demandé de remplacer à ses frais le phare. Sauf que cela ne se fait pas ! Le matériel, l’outil de travail, est à la charge de l’employeur. A fortiori dans une boite qui aligne 1,7 millions de chiffre d’affaire ! « Le patron roule en voiture de luxe, explique David. Mais pour nous, quand on perd quelque chose on doit remplacer, quand on casse c’est pareil. »
Interrogée, Corinne De Santi, la patronne, se justifie : « Si vous cassez un ordinateur, vous le payez, vous aussi, si vous tapez dans l’écran ! » De son côté, Olivier, le nouveau délégué du personnel est catégorique : « L’autre fois, un gars s’est fait voler une perche à 800 euros, normal il est seul. Le patron lui a pourtant fait payer en plusieurs fois. Moi, l’autre jour en débroussaillant, un caillou a explosé un pare-brise, le patron voulait que je le paye. » Les pratiques d’intimidation à l’encontre de David auraient commencé dès son embauche en octobre 2013. Olivier, dans l’entreprise depuis 5 ans, confirme le climat : « Le patron te rabaisse, il est dédaigneux et te parle comme une merde. C’est la dictature. Si t’es pas content, tu dégages ! » David raconte une autre altercation avec le patron : « J’ai jamais tabassé un salarié, toi tu as une sale mentalité, c’est que tu réponds! (…) vous pouvez faire venir les Prudhommes, je les encule! » Ce qui en marseillais est une invitation…
Lorsque la CGT désigne un responsable syndical et demande que des élections soient tenues, Thierry De Santi devient fou. « Quand il a su que j’étais délégué, le patron a dit "Chez moi je ne veux pas de syndicats, tu dégages ! Tu ne parles pas à mon personnel !" » Les adhérents de la CGT seraient pour lui des casseurs de boite, des tueurs. N’empêche que De Santi s’est empressé d’acheter quelques extincteurs et de nouvelles échelles. « Certaines avaient perdu des barreaux ! », souligne le délégué du personnel. Sur le site de Jardin Service on peut pourtant lire la promesse « d’un service en toute sécurité conforme aux normes françaises » ! C’est que tous les salariés portent un tee shirt avec un drapeau français sur l’épaule. Le seul arabe de la boite est appelé « Toto ». Ça ne lui plait pas mais c’est comme ça…
Face à la fronde naissante, le fils du patron la joue cool avec les salariés et propose une concertation qui n’aura finalement pas lieu. Pendant ce temps, le père contraint un employé à prendre sa carte à la CFDT et tente de désigner un délégué à sa botte. Sans succès. Thierry De Santi lâche du lest et convoque les salariés pour mettre leurs salaires à niveau. Sauf pour David qui, lui, reçoit donc sa lettre de licenciement. Les salariés ont des doutes, certains ayant pris leur carte à la CGT. Une trentaine de personnes soutiennent David pendant son entretien préalable. Durant cet échange, David demande si c’est à cause de la création de la section qu’il est mis dehors. « Ça n’a rien à voir ! », lui répondent en chœur les époux De Santi. Pensez donc, un chauffard qui se cache dans un drapeau de la CGT ! Corinne De Santi, tout en affirmant ne pas souhaiter s’expliquer au téléphone, nous affirme tout de même que le salarié licencié aurait « envoyé des gens à l’hôpital » ! A Jardin Service, la grève n’a pas pris. Des élections du personnel devaient avoir lieu début avril. Mais sans David qui pointe désormais au chômage mais engage une procédure aux prud’hommes pour discrimination syndicale afin de réclamer sa réintégration…
Christophe Goby