Oh c’qu’ils sont blêmes nos HLM !
Avec 12 % de logement social, Paca fait partie des derniers de la classe. Et, alors que deux tiers des habitants de la région pourraient y avoir droit, avec presque 150 000 demandes et à peine 15 000 attributions, le délai moyen d’attribution frôle les deux ans. Autant dire que, si l’on regarde commune par commune, les cancres sont légions en matière de respect de la loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain), celle qui impose aux villes de plus de 3500 habitants de disposer d’au moins 20 % de logements sociaux (et bientôt 25 %).
le Ravi a réalisé un palmarès « à l’envers », en dressant, dans chaque département, le « top 5 » des communes allergiques au logement social, celles qui se font le plus lourdement taper sur les doigts (et au portefeuille), la palme revenant à Ventraben dans les Bouches-du-Rhône, à Lorgues dans le Var, à Saint-Saturnin dans le Vaucluse et, dans les Alpes-Maritimes, à Pegomas.
C’est peu dire que les maires ne goûtent guère cette distinction. Comme à Pegomas : « Une amende multipliée par 5 ! Et pourquoi pas par 25 ? Vous croyez que ça me fait peur ? Pas du tout !, tonne Gilbert Pibou (UMP). Quand je ne pourrai plus payer, j’irai donner les clés de la mairie au préfet pour qu’il gère la commune. Depuis quatre ans, il a le droit de préemption. Et il n’a rien fait ! Parce qu’il n’y a pas de terrain. Il n’a qu’à venir avec des bulldozers et raser des villas pour faire du logement social. 20 %, c’est impossible. Et demain, 25 % ? Pourquoi pas 100 % ! » Un maire qui, face à la menace d’une amende de « 300 000 euros », assure qu’il va attaquer la décision en justice, ayant, dit-il, une « trentaine » de logements sociaux en préparation.
Doublement « carencées »
Mais se contenter de dresser la liste des villes qui sont à l’amende, certaines, comme Pegomas, voyant la leur multipliée par cinq, serait trop expéditif. Et puis un palmarès n’a d’intérêt que si on en livre les clés. Dans la région, sur la période 2011-2013, 146 communes étaient soumises à la loi SRU. Sur cette période, 110 n’ont pas atteint leur objectif triennal, parmi lesquelles une vingtaine a été exemptée (comme Nice) au regard, notamment, des efforts qu’elles ont pu faire.
Sur les 90 communes « carencées » (la moitié dans le « 13 »), les services de l’Etat ont particulièrement été attentifs au bilan sur l’année 2013, pour voir si certains « mauvais élèves » n’ont pas tenté, malgré tout, d’en mettre un coup dans la dernière ligne droite. Un moyen parfois d’échapper aux sanctions. Or, en Paca, on compte une soixantaine de villes « doublement carencées » et donc susceptibles de voir les pénalités qui pourraient leur être appliquées multipliées par 5 ! Avec une dizaine de villes dont le taux de réalisation est nul.
Mais ce ne sont pas forcément celles qui se sont fait le plus lourdement taper sur les doigts puisque fin 2014, chaque ville a pu, lors de commissions, s’expliquer. Avec, d’une préfecture à une autre, plus ou moins de mansuétude. Voilà pourquoi, si, dans le Vaucluse, on est clément, c’est dans le Var et les Alpes-Maritimes que les représentants de l’Etat ont eu la main lourde, les Bouches-du-Rhône faisant preuve de compréhension. Avec, si cela ne suffit pas, la possibilité d’aller toquer chez le supérieur…
De droite mais « humain »
Ainsi, Ventabren aurait dû écoper de l’amende maximale. Ce qui ne surprend guère l’opposition. Mais le maire UMP, Claude Filippi, a de la ressource. Et pas seulement parce qu’il s’est occupé du foncier chez l’Ecureuil : « La sous-préfecture a voulu faire un exemple. Je suis allé voir le préfet de Région et il a été attentif parce que j’ai bien un projet d’éco-quartier avec des logements sociaux, mais il est bloqué par les recours de l’opposition. J’ai pourtant engagé des travaux. Ce n’est pas parce que je suis de droite que je ne suis pas humain. Je sais qu’il faut du logement social. Mais trouvez-moi une personne qui préférerait céder une partie de son terrain pour du logement social plutôt que pour que ses enfants puissent construire et se loger… »
Alors, certes, les préfectures se sont fait les crocs sur un certain nombre d’allergiques aux HLM, – comme au Cannet dans le « 06 » (1). Mais d’autres crient à l’injustice. Comme René Jourdan, le maire PCF de La Cadière d’Azur (83) : « Je suis tout sauf opposé au logement social. Mais La Cadière, c’est un piton au milieu des vignes. Entre les zones agricoles protégées, le plan de prévention du risque incendie, il est impossible de trouver du foncier. Sauf à raser des vignes en AOC Bandol ou des maisons moyenâgeuses. Quand j’ai transformé tous les logements communaux en logements sociaux, la moitié des personnes qui devaient venir dans le cadre du Dalo ont refusé. Parce qu’ici, il n’y a pas de transports en commun. » (2)
Si à l’Elysée comme au ministère du Logement, on prône la fermeté, sur le terrain, c’est plus nuancé, d’autant que les objectifs de construction – près de 20 000 logements – ont été quasi tenus. Reste que, si les pénalités maximales étaient appliquées, cela rapporterait, en atteste un document du comité régional d’habitat, « près de 60 millions d’euros, sourit un spécialiste de la question. On pourrait en construire, des logements sociaux… »
Sébastien Boistel
1. Le Monde (9/2/15)
2. Dalo : Droit au logement opposable
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