« Libéralisation, ce n’est pas un gros mot ! »
Vous êtes l’un des rares députés de la majorité à avoir regretté que la France n’accueille pas les migrants naufragés de L’Aquarius. Pourquoi ?
La France aurait dû accueillir, le plus tôt possible, ces hommes, ces femmes, ces enfants qui étaient dans L’Aquarius. Au côté du droit international, vous avez aussi les valeurs de la France, reconnues depuis des siècles. Nous sommes le pays des droits de l’Homme, des Lumières.
En même temps, vous faites partie des 197 « marcheurs » à avoir voté la loi asile et immigration pourtant décriée jusque dans vos rangs…
Cette loi est à l’image des problèmes rencontrés cette première année. Il nous faut faire beaucoup plus de pédagogie, expliquer le rôle du Parlement, les amendements que notre majorité a apporté. Un objectif a particulièrement été bien pris en compte avec la loi asile et immigration : l’apprentissage de la langue pour ces femmes et ces hommes.
Le défenseur des droits, Jacques Toubon (ex RPR puis UMP), a pourtant dénoncé avec cette loi une « atteinte aux libertés ». Et ce n’est pas un gauchiste…
C’est simple de donner des leçons. Je ne dis pas ça pour vous – attention ! – mais pour Jacques Toubon et les autres qui viennent dire ce qu’il faut faire alors que quand ces gens-là étaient au pouvoir, ils n’ont rien fait.
Les aides sociales coûtent, selon le président de la République, « un pognon de dingue ». Ça signifie quoi « responsabiliser les pauvres » ?
Il faut absolument que notre société aide les plus démunis, mais avec efficacité. Car aujourd’hui on distribue de l’argent, à juste titre, mais cet argent rend-il les gens plus vertueux ?
Quand on est pauvre, on n’est pas vertueux ?
Non, mais est-ce que ces gens-là retrouvent du travail ? L’idée, c’est de pouvoir mettre en place des aides efficaces, pour qu’ils puissent retrouver leur place dans la société en s’y émancipant. N’allez pas me faire dire qu’on fait une chasse aux pauvres !
Emmanuel Macron, élu pour mener une politique « et de droite et de gauche » ne penche-t-il pas trop à droite comme avec la suppression de l’impôt sur la fortune ?
La transformation de l’ISF a coûté 3,2 milliards d’euros. La suppression de la taxe d’habitation, dès le mois d’octobre, s’élève à 4,5 milliards d’euros. Vous voyez bien que l’équilibre va plutôt dans le sens de nos concitoyens.
L’économiste Hervé Guéry a calculé qu’avec la suppression de l’ISF, les 3821 familles marseillaises les plus riches gagnent chaque année 38 millions d’euros, et que le cadeau pour les 1872 foyers privilégiés à Aix-en-Provence s’élève par an à 20 millions d’euros… N’est-ce pas là un « pognon de dingue » ?
Je ne crois pas, car j’ai l’intime conviction que cet argent-là va profiter à l’économie, à l’investissement dans nos start-up, dans nos PME. Donc, forcément, par voie de conséquence, à l’emploi.
Qu’amène concrètement la loi Pacte pour les entreprises ?
Une libéralisation – je n’ai pas honte, ce n’est pas un gros mot – de notre économie. Cela va donner beaucoup plus d’oxygène à nos PME, nos start-up et donner cette capacité à faire participer les salariés à leur entreprise…
En tant que membre à l’Assemblée nationale du Haut Comité de transport ferroviaire, quel regard portez-vous sur la réforme de la SNCF contestée avec force par le mouvement social ?
La loi acte un volet de restructuration pour travailler sur l’efficacité de la SNCF, pour qu’elle marche mieux. Avec l’ouverture à la concurrence – qui n’est pas une privatisation de la SNCF, j’insiste ! – il s’agit de favoriser des offres plus régulières à des coûts moins onéreux. Et un deuxième volet a aussi été acté, un plan d’investissement sur ce qu’on appelle, à tort, des « petites lignes ». Elles ont en fait, selon moi, un rôle très important.
Croyez-vous que l’ouverture à la concurrence souhaitée par le président du Conseil régional, dès 2019, permettra réellement d’améliorer l’offre des TER ?
Il faut arrêter de penser que l’ouverture à la concurrence soit l’alpha et l’oméga. À partir du moment où on aura investi dans les infrastructures pour les rénover, nos trains marcheront mieux. Renaud Muselier a eu cette volonté de poser la région en vitrine. Je lui laisse cette responsabilité. On sera là pour faire remonter les problématiques…
Le contribuable ne risque-t-il pas de payer la rénovation des infrastructures dont des opérateurs privés récolteront ensuite les bénéfices ?
Ne soyez pas caricatural (rire). La SNCF restera sur nos lignes.
Mais pas toujours ! En Paca, des opérateurs allemands, italiens et britanniques ont déjà répondu à l’appel à projet pour les TER lancé par Muselier…
Mais la SNCF sera toujours présente : il lui suffira de gagner des marchés…
La métropole Aix-Marseille-Provence monte en puissance. Quel regard portez-vous sur sa gouvernance souvent décriée ?
Tout le problème, c’est que cette métropole a absorbé trop de compétences trop tôt. C’est la raison pour laquelle il faut redonner un maximum de compétences à nos élus locaux. Beaucoup de ceux que je reçois dans ma permanence ne savent pas à quoi sert la métropole. A l’heure où on a fait des grandes marches pour préparer les élections présidentielles et européennes, on pourrait en faire une afin d’aller à la rencontre de nos concitoyens et pour construire une métropole qui leur ressemble.
Sur le dossier métropolitain des transports, n’y a-t-il pas beaucoup plus d’ambitions que de réalisations ?
Je suis aux côtés de Jean-Pierre Serrus (le vice-président LREM en charge du dossier, Ndlr) pour porter un agenda métropolitain de la mobilité dont nous exposons toute la pertinence à Élisabeth Borne, ministre des Transports. Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Il faut que l’État soit au rendez-vous des promesses faites lors de la précédente mandature.
Vous défendez une requalification du site industriel de Lyondelbasell pour favoriser le développement durable. Quel regard portez-vous sur la reconversion de Total La Mède en bioraffinerie ? Des écolos aux agriculteurs de la FNSEA, l’importation d’huile de palme suscite beaucoup d’hostilité…
Ce n’est pas avec gaieté de cœur mais cette reconversion me semble la moins mauvaise solution. Dans les biocarburants il y a parfois jusqu’à 75 % d’huile de palme. Ici nous avons eu l’engagement qu’on ne dépasserait pas 50 %. Cela va donc dans le bon sens, même si ce n’est pas encore assez…
Selon un sociologue du CNRS de Strasbourg, Étienne Ollion, l’Assemblée nationale où vous siégez est plus jeune, plus féminine, renouvelée, mais c’est « l’une des plus socialement élitistes depuis la fin du XIXe siècle ». Votre réaction ?
Non, elle n’est pas élitiste mais elle est au plus proche de nos concitoyens. J’ai un seul mot à vous dire : venez me rencontrer en circonscription, vous verrez. On est proches.
Il n’est pas question ici de proximité géographique, mais sociale !
Socialement, on est proches aussi. Vous savez, j’ai financé mes études en étant déménageur aux Déménagements Robert à Salon-de-Provence. Donc je sais de quoi je parle !
Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal et mis en forme par Raphaëlle Denis