Tous à l’affût des départements
Créé sous la Révolution, récemment menacé de disparition, le département est l’une des plus vieilles collectivités locales françaises. Cette année, les élections qu’il ne faut plus appeler cantonales mais départementales s’offrent un lifting. D’abord féminin : toutes les candidatures doivent se faire en binôme mixte. Ce qui inscrira de fait une parité au sein des assemblées. « Jusqu’à présent, les femmes représentaient 13,8 % des conseillers généraux », fait remarquer Marie-Ange Grégory, docteure en sciences politiques, enseignante à l’université de Nice et spécialiste des départements. En Paca, ce chiffre est un peu plus élevé, environ 15 %, avec mention spéciale pour le Conseil général (CG) des Bouches-du-Rhône (24,5 % de femmes) quand celui des Alpes de Haute-Provence est le plus masculinisé (12 % de femmes).
Avec un redécoupage des cantons élargi, Marie-Ange Grégory estime que « les conseillers ruraux prendront moins de place. Les élus seront plus urbains ». Enfin, et cela n’a pas changé, il faudra pour se qualifier au second tour faire plus de 12,5 % des électeurs inscrits. Avec une abstention qui devrait dépasser les 50 %, il sera ainsi nécessaire de réaliser un score d’environ 25 % pour se qualifier. Il n’y aura donc que très peu de triangulaires.
La gauche perdue
Selon des sondages nationaux, le PS pourrait perdre une vingtaine de départements sur la cinquantaine qu’il dirige. En Paca, trois sur six sont gérés par la gauche : le Vaucluse, les Alpes de Haute-Provence et les Bouches-du-Rhône, dirigées par le multi mis en examen Jean-Noël Guérini depuis 1998. Elu avec l’étiquette du PS, il est maintenant à la tête d’un parti hybride, la Force du 13. En passe de tuer le PS local, qui s’oppose à lui mollement, il va peiner à tirer son épingle du jeu, face à l’UMP, lors du troisième tour au moment du vote pour le président, mais tentera, une fois de plus, d’obtenir le soutien de certains socialistes, communistes et élus de droite (1).
Le double jeu des communistes est d’ailleurs pointé du doigt, coupables selon certains d’avoir signé un « pacte de non-agression » avec Guérini, la Force du 13 ne présentant pas de candidats face aux sortants communistes. Des membres du Parti de gauche ont même récemment rédigé un communiqué intitulé « Les accords pourris entre Guérini et le PCF ont tué le Front de gauche (FDG) ». « Cela n’engage qu’eux », commente Claude Jorda, candidat sortant à Gardanne. « Je suis le plus bel exemple de la non-existence de ce pacte : j’ai face à moi un binôme Force du 13 », insiste-t-il. Ce qui n’est par exemple pas le cas à Arles. « La priorité est de faire barrage à la droite et à l’extrême droite », indique-t-il. Il n’y a pas plus limpide…
Dans ce bourbier, les Verts ont tout de même fait alliance avec le Front de gauche dans quelques cantons et ont procédé « à des alliances conjoncturelles » avec des socialistes fréquentables dans le centre-ville de Marseille indique l’un des leaders écologistes du département, Sébastien Barles (NDLR éliminé au 1er tour, le 22 mars). C’est le cas dans le premier canton de Marseille où le jeune socialiste Benoît Payan est associé à l’écologiste Michèle Rubirola. Il peste contre les élus socialistes à la ligne tendancieuse : « Ils sont irresponsables. Il y a une manipulation politique qu’on n’avait pas vu depuis les années 80, on fait tout pour que rien ne change. Mais le PS ne leur appartient pas. »
Un contexte qui donne une occasion historique à la droite de rafler le CG. Martine Vassal, élue UMP à la mairie de Marseille, qui pourrait être à la tête de l’institution en cas de victoire de la droite, fait campagne sur les valeurs politiques et contre Guérini. « Notre pire ennemi reste l’abstention, explique-t-elle. C’est pour ça qu’il faut expliquer notre vision du département, dire comment on va gérer ce budget de 2,6 milliards d’euros. Et ma priorité c’est l’emploi. » Et Martine Vassal de pester aussi contre le gouvernement qui organise des élections avant même de définir clairement les compétences des départements, une loi devant être votée en juin : « une escroquerie intellectuelle ! »
Tripartisme
En Vaucluse, où l’extrême droite s’écharpe, la formation d’une majorité semble compliquée. Trois blocs (gauche, droite et extrême droite) devraient se partager les 34 sièges de l’assemblée et le socialiste Claude Haut pourrait garder le pouvoir à la faveur d’une alliance avec certains élus de droite. « Je ne crois pas beaucoup à la cogestion mais il y a une réalité politique et certains élus devront prendre leurs responsabilités et dire non à l’extrême droite », estime le secrétaire départemental du PS Jean-François Lovisolo, confiant. Dans le 04, où la droite est pourtant divisée, la gauche a été soumise à forte pression lors du 1er tour.
Sauf surprise, le reste de la région devrait rester à droite puisque dans le Var, où le FN nourrissait beaucoup d’espoirs, l’UMP a su garder ses positions. Enfin dans les Hautes Alpes, après la mort du président Jean-Yves Dussere en décembre dernier, la droite s’écharpe également pour une guerre de succession. Mais la gauche y reste faible, aucun accord départemental global n’a été passé. « C’est une élection compliquée pour nous et la gauche y va divisée, explique Jean-Claude Eyraud, élu à la mairie de Gap et figure locale d’Ensemble 05, une des composantes du Front de gauche. Mais on ne peut pas cautionner la politique gouvernementale. Et les socialistes locaux sont bien souvent des fidèles de la ligne Valls. » Avec une extrême droite plus en forme que jamais, une droite divisée ici et là, une gauche qui ne peut plus s’entendre et un grand désintérêt des électeurs, les élections départementales vont peut-être confirmer l’émergence d’un tripartisme en France…
Clément Chassot