Aide aux communes : Guérini superstar
Le paradoxe fait bien rire le sénateur-maire UMP de Marseille. Alors que de nombreux maires des Bouches-du-Rhône craignent de perdre une part de leur indépendance avec la création de la métropole Aix-Marseille Provence, Jean-Claude Gaudin juge que les communes sont déjà « dépendantes des finances d’une autre collectivité ».
Cette collectivité, c’est le Conseil général qui dans chaque département de la région réserve une importante ligne budgétaire à « l’aide aux communes ». Dans certaines d’entre elles, c’est 70 à 80 % du budget d’investissement qui vient « du CG ». Ainsi, les routes, les salles omnisports ou des fêtes, les équipements sécuritaires, les mairies elle-mêmes peuvent faire l’objet d’une obole départementale.
« Moi j’investis à peu près un demi-million d’euros par an, explique ainsi le conseiller général et maire PS de Néoules, André Guiol. Aujourd’hui, la commune touche là-dessus environ 120 000 euros du Conseil général du Var. Mais j’ai connu des années à 300 000 euros. » « Les communes ont besoin de cette aide, renchérit le conseiller général PCF des Alpes de Haute-Provence Yannick Philipponneau. Sans elle, les petites seraient incapables d’investir. »
Nourris ou affamés
Du côté des Conseils généraux, il peut être tentant de jouer de cette dépendance. C’est le système adopté par Jean-Noël Guérini, le président (divers gauche ?) du CG 13. Maintes fois décortiqué (1), il s’appuie sur un budget colossal qui est monté jusqu’à 155 millions d’euros distribués l’an dernier, à comparer avec les 15 millions d’euros répartis dans les Hautes-Alpes ou les Alpes de Haute-Provence et les 50 millions distribués dans le Var. Et, sur deux communes de même taille, on passe d’un million à Cassis à 16 millions d’euros à Velaux.
D’anciens collaborateurs, des élus de tous bords ont dénoncé un usage clientéliste. Ainsi, dans un entretien donné à Libération (2), Rémy Bargès, directeur de cabinet de Jean-Noël Guérini de 2008 à 2012 a détaillé le fonctionnement de son ancien patron : « Les élus tremblent à l’idée d’être privés de subventions pour leur territoire. Guérini est en effet très manichéen. On est avec lui, ou contre lui. Il soigne, nourrit celui qui est avec lui ; et affame celui qui est contre lui. »
Le président du Conseil général s’est lui toujours défendu de ces petits calculs : « C’est ma philosophie personnelle : lorsqu’un maire, une équipe municipale – quelle que soit son étiquette politique – a des projets, nous devons être aux côtés de ces communes et nous le faisons. Sans le Conseil général, il n’y aurait pas de développement des communes et c’est ma fierté », avait-il lâché interrogé par nos soins lors d’une conférence de presse en septembre dernier.
Saupoudrage et coup de pouce
Mais au final, Guérini est-il une exception ? C’est la question que nous avons posée à des opposants dans l’ensemble des départements. Si personne ne décrit un système analogue aux Bouches-du-Rhône, les réponses varient. Il y a ceux qui donnent un satisfecit. C’est le cas d’André Guiol qui regrette, dans le Var, simplement « la division par deux en quelques années de l’aide aux communes », ou encore de la présidente de la fédération UMP des Hautes-Alpes et maire de Laragne-Montéglin Henriette Martinez qui donne des bons points et vante « une aide réactive et bien répartie », et il y a les autres.
« C’est partout pareil, la priorité va aux petits camarades ! » attaque ainsi le conseiller général UMP de Vaucluse Jean-Michel Ferrand. « Il y a du saupoudrage dans toutes les communes et un coup de pouce pour les communes amies, notamment dans le secteur de Pertuis », avance-t-il sans donner d’éléments plus précis. « Le département nous a aidés sur plein de petits projets comme des retables ou des fontaines, rétorque un maire du coin, le socialiste de la Tour d’Aigues Jean-François Lovisolo qui a longtemps fait partie du cabinet de Claude Haut (PS) au CG 84. Mais c’est pas un chèque en blanc du président. Tout le monde y a droit. On n’a volé la part de personne ! »
Dans les Alpes-Maritimes, l’écologiste Jean-Raymond Vinciguerra évoque un dispositif qui « fonctionne relativement bien. Le seul problème, c’est quand une commune de gauche est représentée par un conseiller général de droite ». Et l’opposant d’Eric Ciotti, le président UMP du CG 06, de citer le cas du complexe sportif de Peymeinade pour lequel le Conseil général a versé 1,4 millions d’euros soit 20 % du budget. « La maire précédente a longtemps demandé cette aide. Quand elle a été remplacée par un nouveau maire, proche du département, il n’a pas mis quinze jours avant de l’obtenir ! » Et Eric Ciotti (3) a pu tranquillement venir inaugurer en septembre les terrains de foot et le skate park, bénédiction par le curé du coin et signe de croix en prime. Et aux départementales de mars prochain, les électeurs n’auront plus qu’à dire « amen » ?
1. Voir notamment « Aides aux communes : le fait du prince à un milliard d’euros », Marsactu et Mediapart, 10 décembre 2014.
2. « Les élus tremblent à l’idée d’être privés de subventions », Libération, 10 mars 2014.
3. Le CG 06 n’a pas répondu aux sollicitations du Ravi.