« On ne peut pas plaire à tout le monde »
14h16
L’entrée du grand reporter du Ravi fige la petite salle des fêtes du village de Mimet (4500 âmes). Georges Cristiani, maire sans étiquette classé DVG comme DVD et président de l’Association des maires des Bouches-du-Rhône (AM 13) depuis cet été, mèche et barbe de trois jours poivre et sel très étudiées, le laisse s’installer tranquillement. Puis le met dehors : « Bonjour, vous êtes ? Le conseil commence à 14h30. »
14h17
Le vieux bourg est tout aussi accueillant. Perché sur un rocher, il offre une vue panoramique sur le massif de l’Etoile et… la centrale à charbon de Gardanne. Mais aucun troquet où siroter un café.
14h29
Trois personnes de plus au bout de la branche droite du U de tables qui forme l’hémicycle. Le groupe d’opposition de la liste « Minet transparence et compétence » (DVD). Certains conseillers ont encore leur manteau ou leur blouson sur les épaules, d’autres croisent les bras. La période est visiblement à l’économie des fluides.
14h30
Justement. « Je vous propose de discuter budget 2015 de la commune dans une période délicate, du fait de la baisse des dotations gouvernementales », attaquent Cristiani et sa mèche. Qui n’oublient pas de dénoncer « les augmentations de charge et la loi SRU de la loi Duflot […], ces amendent qui ne sont que des impôts déguisés ! » Plus 44 % pour 2015, soit 230 000 euros. Le prix à payer pour refuser depuis deux mandats la construction de logements sociaux.
14h39
Mais il y a pire. Le réal brésilien menace Mimet ! « Le contexte économique n’est pas favorable, ânonne le maire. La zone euro est en crise, et la croissance des pays émergents ralentie. » Finalement, le président de l’AM 13 se veut rassurant : « Malgré ça, il n’y aura pas d’augmentation d’impôt et on va tenter d’investir avec le concours des collectivités territoriales, le Pays d’Aix et le CG 13. » Et ce dernier en particulier. Guériniste convaincu et fer de lance des anti-métropoles, Georges Cristiani, qui sera candidat aux cantonales de mars sous la bannière de Jean-Noël Guérini, « La force du 13 », vient d’être récompensé de sa fidélité. En décembre, le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, multi mis en examen, notamment pour association de malfaiteurs, a fait voter par son assemblée une dotation à la commune de 4,7 millions d’euros pour les trois ans à venir (lire aussi page 8), soit trois fois plus par an que lors des six dernière années !
14h43
Triomphe de Georges Cristiani : « Un article de La Provence d’octobre 2014 nous a donné le titre de meilleur élève des prélèvements fiscaux. » Si c’est La Provence qui le dit…
14h45
Curieux. Alors que le budget est le principal acte politique d’un maire, l’opposition le vote.
14h46
Délibération 3, « Affectation du résultat 2013 ». Patrice Busca, tête de liste DVD, la trentaine et en jeans, sort de son silence en marmonnant. Cristiani et sa mèche le coupent : « Je ne vous ai pas entendu. » Tête baissée, l’opposant insiste de sa voix puissante : « Vous avez été repris pas le préfet. » Le maire surjoue : « Il n’y a pas d’erreur, on s’en fait pas ! » La délibération indique pourtant que la préfecture demande la réaffectation de 3,26 millions d’euros du budget 2013. Une paille.
14h52
A propos de la requalification de l’avenue des Magnolias, Bernard Montagna, adjoint aux transports, gronde : « Aucune personne ne s’est manifestée pour dire merci. Je suis déçu. » Le guériniste, faussement fataliste : « On ne peut pas plaire à tout le monde. »
14h59
Sourire du maire : « Je suis à l’aise, j’ai une lettre du sous-préfet concernant l’opération d’ordre dont je vous parlais. » On n’en saura pas plus.
15h03
Patrice Busca attaque sur une délibération anodine (la huit), les « tarifs de location de salle pour le personnel municipal. » Très curieux.
15h07
Nouvelle lettre brandie à la manière de maître Collard. « Je reviens sur les finances. J’ai un courrier de la part de la trésorière principale du trésor public, qui dit : "Vous portez haut les couleurs de la commune que vous administrez." » Visiblement, Cristiani et sa mèche ont des choses à se faire pardonner…
15h18
Depuis plusieurs minutes, le maire et son opposant se livrent à un dialogue de sourds à propos de la convention entre la ville et l’Ifac, qui est décidément partout (le Ravi n°123), pour l’organisation, la gestion et l’animation des nouveaux rythmes scolaires. Excédé, Georges Cristiani tacle : « Vos remarques […] sont des effets de manche d’une opposition à 23 % ! » Patrice Busca clôt la discussion d’un geste de la main : « Refus de vote. » Stupeur du président de l’AM 13.
15h23
Début d’un long plaidoyer de Bernard Duplessy, de sa barbe et de ses cheveux, « professeur émérite et historien » selon le maire, pour la rénovation du monument aux morts de la commune. Coût : 12 985 euros, dont 10 387 pris en charge par le CG13. « TTC, il n’y a pas de TVA sur les monuments aux morts », précise le guériniste.
15h30
Une conseillère de la majorité quitte la salle, pendant que le maire marmonne « on connaît le problème » à propos d’une demande de subvention à la CPA « pour la mise en place d’une protection murale de la salle polyvalente » (délibération 13). Coup bas de Michèle Boillon, une quinqua BCBG de la liste « Mimet transparence et compétence » : « Depuis que cette salle a été commencée, pratiquement à chaque conseil on ajoute des travaux. A quel moment le budget sera arrêté ? » Défense hasardeuse de Cristiani et de sa mèche : « Il faut savoir que, comme dans toute construction, des malfaçons apparaissent. » Et de conclure : « Il est certain que la salle polyvalente est à utiliser avec précaution. » Et pas qu’un peu ! Selon Michèle Boillon, personne ne l’utilise…
15h40
Nouvelle amabilité du maire à son opposition : « C’est la première fois que vous êtes présents tous les trois. C’est bien, ça nous permet de voir comment vous travaillez, comment vous écoutez, comment vous êtes avec nous. » Patrice Busca se rebelle : « On travaille ! Invitez-vous aux réunions sur le PLU ! » Georges Cristiani fait le sourd.
15h54
Au détour de la délibération 18, on apprend que la commune est en procès avec deux entreprises pour des surcoûts dans la construction de la salle polyvalente et de nouvelles « malfaçons » sur sa toiture. Décidément.
16h00
Cristiani et sa mèche papotent, visiblement satisfaits, pendant que le grand reporter du Ravi se prend un nouveau vent. La quinqua permanentée à qui il demande copie des délibérations lui souffle dans les bronches : « Je ne vais pas faire des heures sup pour vous ! »
Jean-François Poupelin