2016, Paca sous le règne des Le Pen
Septembre 2016 (1). La Belgique a gagné l’Euro de football disputé en France. Mais il y a pire. Depuis presque un an déjà, en décembre 2015, Jean-Marie Le Pen est aux commandes de la Provence-Alpes-Côte d’Azur, l’une des treize régions françaises. Et l’actu de cette rentrée, c’est la passation de pouvoir entre le patriarche et l’étoile qui n’en finit plus de monter du parti, la députée de Vaucluse, Marion Maréchal-Le Pen. Même si le suspens a longtemps duré, le subterfuge était prévisible. Jean-Marie Le Pen voulait conduire son dernier pugilat électoral. Le 11 janvier 2015 à Tarascon (13), au moment même où la France défilait pour honorer la mémoire de dessinateurs de Charlie Hebdo, il le qualifiait « de journal anarcho-trotskyste parfaitement dissolvant de la moralité politique » (AFP, le 10/01/2015). Et il annonçait officiellement qu’il serait tête de liste du FN en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Mais à l’époque, la personnalité du grand-père faisait encore office de repoussoir pour l’état-major du parti, d’où l’idée d’un « ticket » pour mettre la benjamine de l’Assemblée nationale, très compatible avec l’électorat droitier régional, sous les feux des projecteurs.
Le patriarche exulte
Avec 38 % au premier tour puis 35 % dans une quadrangulaire explosive (60 % d’abstention de moyenne sur les deux tours), le triste pari était rempli et le slogan « Avec les Le Pen, pour une région à notre couleur » plébiscité (2). A gauche ce fut la Bérézina. Après la claque des élections cantonales et la réélection de Jean-Noël Guérini à la tête du Conseil général des Bouches-du-Rhône, le PS local n’avait jamais été aussi éclaté. Le sénateur multi-mis en examen, montant des listes dans tous les départements, attirant vers lui des socialistes et des communistes, a provoqué un éclatement de la gauche. Mais son mouvement, rebaptisé pour l’occasion « la force est avec vous » (2), n’a pu franchir la barre requise des 10 % afin de passer au second tour. Avec 19 % des voix, les Verts, alliés à Nouvelle donne et une partie du Front de gauche ont pu se qualifier. Comme l’UMP d’Eric Ciotti (30 %) et donc le Parti socialiste (12 %), emmené par un Michel Vauzelle, usé, qui n’en avait pas vraiment envie, mais qui a fini par succomber à la pression de son entourage. Le soutien apporté au PS de Jean-Luc Bennahmias et de son Parti démocrate n’a rien changé à l’issue du scrutin.
Vainqueur au deuxième tour avec 35 % des voix – et donc avec une prime de 25 % d’élus directement allouée – le FN, pour un élu, dispose alors de la majorité absolue. Glaçant. Qui ne se souvient pas du sourire carnassier et suffisant du patriarche, affalé à la tribune du Conseil régional lors de son intronisation, satisfait d’avoir enfin remporté sa première élection à 88 ans ? Les propos d’Elsa Di Méo avant la campagne, lorsqu’elle était encore l’une des leaders de la cellule anti FN du PS, semblent bien loin : « Je n’imagine pas une victoire du FN. Je vis dans une ville frontiste, Fréjus, et nous sommes des combattants politiques. C’est une chose que je ne peux envisager. » Manifestations de joie dans plusieurs villes de la région. Quelques gros rassemblements de protestation, parfois violents, mais pas d’émeutes. Le peuple a l’air de s’en foutre.
Le masque tombe
Pourtant le masque tombe bel et bien. Une des premières mesures votées concerne le financement des « associations communautaires » comme l’Asti (3), « une structure qui vient en aide à des clandestins grâce à nos impôts », comme la décrivait le Varois Frédéric Boccaletti fin 2014. D’autres mesures plus ou moins symboliques et légales ont été prises. En voilà en vrac pour toi, ô lecteur du passé. En aidant les associations contribuant au patrimoine provençal, les subventions aux structures de danses folkloriques se sont multipliées, la maison de Charles Maurras à Martigues a été rachetée et transformée en musée, une motion assurant qu’il n’y aurait jamais de viande halal dans les cantines des lycées a été votée, une patrouille ferroviaire régionale créée, tous les programmes de coopération avec l’étranger stoppés… La région a pu enfin trouver un point de chute à Dieudonné, finalement viré du théâtre parisien de la Main d’or, et les subventions à la culture clairement orientées.
La carte Zou, pour les trains régionaux, n’a jamais aussi bien porté son nom : même si l’affaire a été portée au Conseil d’Etat, elle n’est plus délivrée qu’aux « français ». Concernant l’une des principales attributions de la région, le développement économique, le dispositif phare concerne le « patriotisme alimentaire » et donc les agriculteurs locaux. Beaucoup plus grave, Mediapart révèle aujourd’hui que des contacts ont été noués entre la ville de Marseille et la région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon pour transférer les Ferries venus du Maghreb sur un nouveau port à Montpellier. Mais la collectivité souffre également d’un manque de cadres administratifs, l’incompétence des 62 élus est criante et le management du personnel, violent. Enfin, L’institution est toujours aussi endettée : plus de 2,5 milliards d’euros.
Ah, et pour ceux qui s’intéressent aux médias. TV Libertés, à la ligne ouvertement lepéniste, et le site Fdesouche, largement subventionnés, se sont tous deux délocalisés à Marseille. Tapie détient toujours La Provence et une myriade d’autres entreprises médiatiques mais son empire est sur le point d’être liquidé, criblé de dettes. Par contre, rassurez-vous, le Ravi, qui compte aujourd’hui 5000 abonnés et un site Internet dernier cri a toujours les bras levés.
Clément Chassot
1. Cet article est une fiction, à part les citations qui sont elles bien réelles. Le reste, provient de notre imagination, interprétant très librement des informations communiquées par Frédéric Boccaletti (FN), Nicolas Bay (FN), Elsa Di Meo (PS), Sophie Camard (EELV) et de Joël Gombin, universitaire spécialiste du FN.
2. Pure invention bien sûr.
3. Association de Solidarité avec Tou-te-s les Immigré-e-s