Mourir guéri ?
Vous connaissez le refrain : le Ravi a besoin de vous. Vous le connaissez bien. Il revient désormais presque chaque année, au moment de sortir la crèche du placard, le sapin du garage et mamie de la maison de retraite. Sauf que là, le mensuel qui ne baisse jamais les bras a plus que des crampes. On se demande si ce n’est pas la gangrène. En tout cas, ça picote méchamment.
Pourtant, comme le dirait un éminent cancérologue, on a toutes les chances de mourir guéri ! Dans un paysage médiatique en berne où même le Canard enchaîné voit son lectorat diminuer, nos ventes en kiosques bondissent de près de 50 % et les abonnements de plus de 20 % entre 2013 et 2014. La fréquentation de notre site frôle désormais les 50 000 visiteurs uniques mensuels.
Mais après onze ans d’existence, 2000 personnes au mieux, dont moins de 1000 abonnés, achètent chaque mois le Ravi. Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas suffisant pour faire vivre une petite rédaction, même chichement payée. Avec la Tchatche, l’association qui nous édite, le Ravi se déploie dans des actions éducatives et des projets de journalisme participatif. Parce que cela fait sens et parce que nous avons fait le choix, pour créer les conditions de notre indépendance, de diversifier nos ressources.
Seulement, le monde associatif est lui aussi en crise. Média inscrit dans le secteur de l’économie sociale et solidaire, nous subissons notamment de plein fouet, comme les autres, la diminution des aides publiques indispensables pour financer nos projets. En 2014, le financement du Conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur baisse par exemple de 44 %. Du côté du Conseil général des Bouches-du-Rhône, la tendance est plus nette encore : 89 % de baisse. Nous n’osons croire que cela soit lié à nos enquêtes sur cette institution présidée par le multi-mis en examen Jean-Noël Guérini. Il n’y aurait pas que le Front national qui inscrirait le Ravi sur liste noire ?
Même si nous avons conforté et augmenté de 30 % en 2014 nos ressources provenant de fondations privées, même si nous avons su mobiliser de nouvelles aides, par exemple de l’Etat avec des actions d’éducation populaire ou de l’Europe pour financer notre « recherche-action » sur la presse pas pareille et la mise en réseau de ses acteurs, malgré tout cela, notre trésorerie est à nouveau exsangue, le paiement des salaires, incertain. Nous entrons en zone de haute turbulence.
Dès la fin de ce mois, nous pouvons nous retrouver en cessation de paiement. Il va nous falloir probablement, comme d’autres associations, comme d’autres médias, réduire nos coûts. En français courant : diminuer ce qui représente les deux tiers de nos dépenses, la masse salariale. Réduire la voilure, ne pas renouveler des contrats, virer des gens. Le plus proprement possible. Virer des gens.
Parce que nous refusons de baisser les bras, nous travaillons sur des scénarii pour préserver l’ambition du Ravi, celle de faire vivre un média indépendant, irrévérencieux, dans une région où le besoin d’espace démocratique est plus que jamais nécessaire.
L’équipe du Ravi, soudée, cherche activement des solutions où, comme toujours, l’engagement, pour une large part toujours militante et bénévole de ceux qui font ce projet, sera déterminant. Peut-être nous faudra-t-il, un temps, espacer notre parution, diminuer drastiquement notre pagination, nous replier sur internet. Mais, en aucun cas, nous ne réaliserons un Ravi « low cost ». Si nous sommes contraints de freiner, ce sera pour vous, avec vous, pour nous réinventer, nous redéployer, revenir plus forts et plus déterminés encore.
Car les raisons sont nombreuses de ne toujours pas baisser les bras : les partenariats se multiplient et se renforcent, à l’image de ceux initiés avec la fondation Abbé Pierre grâce aux ateliers de journalisme participatif « Et si ! ». Nous sommes moteurs dans plusieurs initiatives tendant à fédérer la presse et les médias pas pareils, notamment avec la naissance dernièrement de l’association « médias citoyens Paca ». Sans parler d’une année 2015 où l’on « fêtera » les vingt ans d’un certain Jean-Claude Gaudin à la tête de la deuxième ville de France et où se dérouleront deux scrutins d’importance dans une région où la gauche est en déliquescence et l’extrême droite en pleine forme.
Le « Couscous Bang Bang », notre appel à don en 2013, avait permis de continuer toute une année. Mais là, c’est carrément un autre modèle qu’il nous faut inventer, tous ensemble. Nous avons plus que jamais besoin de vous pour nous réinventer. Peut-être faudra-t-il imaginer un Ravi plus gros, plus beau, plus inventif, un « Mook », ce chaînon manquant entre le livre et le magazine. En outre, le Ravi « 3.0 » sera forcément numérique, notre site internet pouvant être l’interface entre la rédaction et vous, lecteurs, contributeurs, partenaires… Un carrefour au service d’une communauté.
Pour vivre, il faut d’abord survivre. Avec votre soutien, on va faire face à l’urgence. Mais aussi et surtout repenser l’avenir. Pour faire un don, s’abonner, adhérer à l’association la Tchatche, c’est par ici…