Journalistes : tous responsables mais pas tous coupables
C’est l’éternelle histoire de l’œuf et la poule. La presse va mal, aussi mal que se porte le fonctionnement de la vie démocratique, de nos institutions politiques et des partis. Les électeurs délaissent les urnes et les lecteurs prêts à payer pour s’informer se font de plus en plus rares. Mais au même moment, l’extrême droite mobilise à plein ses troupes dans les urnes et les chaines d’information en continu battent sur la TNT des records d’audience…
Est-ce parce que notre système politique est en état de recomposition avancée (cf enquête du mensuel le Ravi ce mois d’octobre) que les journalistes qui témoignent de la situation en pâtissent en retour ? Les médias ne seraient-ils pas plutôt avant tout responsables d’un climat de défiance et de désenchantement, mis en musique sur le refrain du « tous pourris » et scénarisé selon les règles de l’info-spectacle, qu’ils contribuent activement à alimenter ?
« Responsables les journalistes ? » s’interroge à juste titre la profession réunie, les 16, 17 et 18 octobre à Metz, pour les 8ème assises internationales du journalisme et de l’information. La question est pertinente. Pour tenter d’y répondre, il faut d’emblée apporter une précision : la grande famille du journalisme n’existe pas. La responsabilité de ceux qui possèdent les autoroutes de l’information, qui déversent sur tous les supports leurs contenus uniformisés, n’est pas la même que celle des journalistes précarisés qui bataillent, souvent sur des chemins de traverse, pour faire vivre le droit d’informer et d’être informé.
Prenons un seul exemple qui fait débat. Les journalistes sont-ils responsables de la montée du Front national ? Sans aucun doute oui lorsqu’ils font audience de la démagogie xénophobe de Marine Le Pen, tour à tour banalisée ou maladroitement diabolisée. Sans aucun doute non lorsqu’ils enquêtent sur le système FN, le pseudo parti « anti-système », qu’ils analysent ses fondamentaux idéologiques, qu’ils décryptent la progression de l’extrême droite avec les reculs des autres formations politiques…
Responsable les journalistes doivent l’être, comme tous ceux qui estiment qu’une presse offensive est nécessaire pour remonter la pente alors que notre capacité à faire « société », à faire ensemble « politique », est au plus bas. Dans le manifeste pour un mensuel pas pareil lancé par le Ravi , journal qui bataille depuis onze ans en Provence-Alpes-Côte d’Azur afin de faire vivre un régional différent, nous rappelons quelques engagements que la profession devrait veiller à toujours respecter : privilégier l’enquête, se fixer un devoir permanent d’irrévérence, prendre le temps de ne pas se presser pour assurer son droit à la p(a)resse…
le Ravi, déjà membre de la coordination nationale des médias libres et de résistance, vient de créer, avec d’autres, l’association Médias citoyens Paca, regroupant la « presse pas pareille » de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, des télévisions participatives, des radios associatives… Les journalistes qui travaillent dans ces médias indépendants, qui n’appartiennent pas à des industriels du BTP, de l’armement ou de la téléphonie, s’investissent souvent dans des actions d’éducation populaire et des projets participatifs. Ce n’est pas un hasard. Pour nous, être journaliste responsable, c’est aussi faire entendre une autre expertise citoyenne, celle qui existe dans les quartiers populaires par d’autres stigmatisés…
Michel Gairaud
Michel Gairaud intervient dans la table ronde « la force du journalisme de proximité face aux préjugés et aux stéréotypes » aux Assises internationales du journalisme et de l’information à Metz. Vendredi 17 octobre à 15H15, Arsenal de Metz.