L’attaché de Gaudin qui fait tâche
Malgré la mise en place de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, y a encore du boulot. Prenez la « déclaration d’intérêt » de Jean-Claude Gaudin. Face à la sobriété toute sacerdotale de celle-ci, on reste sur sa faim. Notamment à propos de son attaché parlementaire, Guillaume de Thieulloy.
D’autant que, lorsqu’il est interrogé à ce sujet (1), le sénateur-maire UMP de Marseille botte en touche, expliquant que « l’activité spirituelle de Guillaume de Thieulloy est extérieure au Sénat », qu’il « n’est responsable en rien des déclarations » de ce dernier « qui porte seul la responsabilité de ses écrits et de ses propos ». Et, même s’il ne « cautionne pas », de rappeler que « tout comme chaque citoyen, il a le droit d’exercer en toute liberté, l’activité qu’il souhaite pendant son temps libre ».
Photomontage « humoristique »
Or, vu le peu d’activité de son sénateur de patron (2), ce quadra en a à revendre, du temps libre. Au point d’ailleurs d’être, dixit le spécialiste de l’extrême-droite Jean-Claude Camus, « malgré son jeune âge, à la tête d’un mini-groupe de presse » sur le créneau « catho-tradi ». Intervenant régulier sur Radio Courtoisie, cet ancien journaliste de Famille chrétienne est directeur de publication d’une noria de sites web : « Nouvelles de France », « L’observatoire de la christianophobie », « Islam Confidentiel », « Les 4 vérités » ou encore le « Salon beige » (3).
C’est avec ce blog qu’il se fait remarquer. Pierre Bergé a peu goûté d’y être présenté comme « l’homme qui finance le lobby LGBT et veut permettre la location du ventre des femmes ». Des poursuites ont même été engagées suite à la publication d’un photo-montage intitulé « le retour de la bête immonde » faisant le parallèle entre, d’un côté, un jardin d’enfants en 1942 « interdit aux juifs » et, de l’autre, un membre de la « manif pour tous » se faisant sortir par un surveillant du jardin du Luxembourg…
« Mon client ne souhaite pas communiquer sur ces affaires », nous répond son conseil, Jérôme Triomphe, l’avocat « vedette » de la « manif pour tous » (et des parents intégristes de Vincent Lambert refusant son euthanasie). Pourtant, sur la toile, celui qui se définit comme « catho », « Français de souche » et de « droite », se fait plus mordant. Même s’il appelle ses soutiens à la « prière », il estime qu’un procès serait « une tribune pour protester contre les méthodes iniques de la police politique de Manuel Valls ». Et d’assumer « entièrement » un photomontage qu’il juge « humoristique ».
Aspergé d’eau bénite
Pour Emmanuel Pierrat, le conseil de Pierre Bergé, « que le directeur de publication du Salon beige soit collaborateur de Jean-Claude Gaudin ne peut qu’interroger. Parce que là, on est au-delà de l’UMP… » Alain Escada, de Civitas (4), est lui aussi surpris. Si de Thieulloy est « quelqu’un qui tente d’influencer la vie politique avec les moyens de communication modernes », pour lui, sa collaboration avec Gaudin reste « énigmatique. Je suis loin de considérer le maire de Marseille comme l’un de nos alliés. Et si le fait d’être assistant parlementaire permet d’avoir des informations et des documents en temps réel, je ne saisis pas en quoi son travail pour Gaudin a pu avoir un effet positif pour faire circuler nos positions de défenseurs des familles ». Sur la toile, les plus virulents ne sont pas tendres avec le patron de Guillaume de Thieulloy. Y compris sur les sites de ce dernier !
Pour Jean-Yves Camus, « ce mariage entre la carpe et le lapin renvoie à la proximité de Gaudin avec un certain nombre de réseaux ». Celui qui s’est déjà défini comme une véritable « grenouille de bénitier » a déjà dit tout le bien qu’il pensait de l’Opus Dei, « une institution qui a toujours été dirigée par des scientifiques, des gens de valeur » avec laquelle il est toujours en contact et pour laquelle il reconnaît avoir donné des cours dans sa jeunesse (5)…
Alors, parfois, le masque tombe. Comme lorsque, sur Public Sénat, Gaudin dira de Jean-Luc Bennahmias : « Celui-là n’a jamais été aspergé d’eau bénite. Moi j’ai grandi dans les sacristies. C’est mieux… » Soupir du fondateur du « Front démocrate » : « Même si on sentait que cela venait de loin, Gaudin s’est depuis excusé. Quant à son assistant, je ne le connais pas. Mais, à l’UMP, il n’y a pas que Gaudin. Il y a aussi Hervé Mariton (député de la Drôme), avec son assistante qui vient de passer au FN… »
Entre la chèvre et le chou, Gaudin sait composer. Comme lorsqu’il nomme adjointe à la famille Catherine Giner, la pasionaria de la « manif pour tous » dans le « 13 ». Le patronat du département – dont nombre de représentants figurent parmi les soutiens de Gaudin pour les sénatoriales – l’a bien compris. Début septembre, l’UPE 13 (le Medef local) a invité Frigide Barjot à son « forum des entrepreneurs » dont le mot d’ordre est, cette année, « du courage ».
Sébastien Boistel