« Je suis le plus à gauche des maires de droite »
le Ravi : Pourquoi vouloir devenir maire de Marseille ?
Bruno Gilles : Le 1er décembre 2017, j’ai subi une greffe de cœur. Ce long moment de convalescence m’a fait beaucoup réfléchir. J’ai ainsi pris cette décision importante d’être candidat à l’élection de mars 2020. J’ai envie de faire une campagne différente. D’où l’idée d’un projet participatif pour mettre plus de démocratie tout au long d’un mandat. Ce n’est pas parce qu’on est élu sur un programme qu’on doit ensuite systématiquement dire que tout ce qu’on fait est bien. Il y a même des fois où il faut savoir revoir des projets en cours.
Depuis l’annonce de votre candidature, il y a eu le drame de la rue d’Aubagne qui vous confronte au bilan controversé de votre majorité.
Dans la majorité municipale, je suis le seul qui dit « j’assume et je m’excuse ». Concernant les huit morts de la rue d’Aubagne, tout le monde – la mairie, le département, la région, l’État – est coupable : pas de n’avoir rien fait, mais d’avoir travaillé « en silo et en solo », sans se regarder ni s’écouter. Les responsabilités seront mises en avant par la justice. Mais même si l’émotion doit rester intacte dans notre souvenir, il faut essayer d’aller plus loin. J’ai déposé une proposition de loi qui va passer au Sénat, le 6 mars. L’objectif est d’aller plus vite quand un signalement nous est fait. Ce qui permettra au préfet de prendre des mesures plus rapidement, de sanctionner plus fortement les marchands de sommeil. Elle autorisera les associations, qui le demandent avec force, de pouvoir se substituer aux locataires pour aller en justice.
Bernard Jacquier, Xavier Cachard et Thierry Santelli : trois élus LR propriétaires de logements indignes. Les retrouvera-t-on sur vos listes ?
Je vous donne ma garantie qu’ils ne seront pas sur mes listes. Très clairement. Après je veux aussi avoir beaucoup de compassion et attendre, bien évidemment, les résultats des enquêtes judiciaires.
La ville est-elle à la hauteur pour reloger les habitants sous le coup d’un arrêté de péril ?
La municipalité, les fonctionnaires, le maire et ses adjoints, font un travail remarquable. Mais bien sûr ce n’est pas parfait ! Quand on rentre chez soi, le soir, et que son logement est fermé avec une chaîne, avec tout à l’intérieur, lorsqu’on se retrouve à l’hôtel sans rien, alors oui, c’est dur. Nous recherchons pour tous des solutions.
Vous êtes au pouvoir, au côté de Jean-Claude Gaudin, depuis près d’un quart de siècle. Comment assumer le bilan et défendre « une nouvelle vision » ?
Des choses magnifiques ont été faites durant vingt ans. Marseille s’est transformée. On ne peut pas le nier. Et ce n’est pas parce qu’il y a aujourd’hui des événements dramatiques que l’on doit tout jeter. Mais ma candidature m’oblige à avoir un regard sans complaisance sur le passé.
Êtes-vous favorable au recours à des PPP, des partenariats publics privés ?
Il faut trouver de l’argent. Mais mon groupe d’experts économiques travaille sur des nouveaux modes de financement qui ne sont pas obligatoirement du partenariat privé public. Pour l’Assistance publique des hôpitaux, par exemple, nous pourrions faire appel à des fondations comme dans de nombreuses capitales européennes. Aujourd’hui, après la PPP, le stade Vélodrome appartient-il toujours aux Marseillais ? Pour voir un match, un concert, ou pour y organiser la fête des écoles publiques, il faut payer ! Je ne suis pas à 100 % pour la vente du stade mais la question se pose. Concernant la rénovation des écoles, il faut revoir les conditions de la première série programmée et je suis plutôt défavorable de continuer sur la voie des PPP. Je ne suis pas non plus très chaud d’y recourir pour les piscines.
Que dire de la requalification de la place de la Plaine ceinturée par un mur en béton ?
J’ai fait partie du jury de la Soléam qui a choisi ce qui me paraissait être le plus beau projet. Il sera à la sortie, franchement, une très belle réussite. Je donne rendez-vous à tout le monde. Après je n’assume pas la manière dont la concertation s’est déroulée. C’était la période où j’étais hospitalisé mais je prends ma part de responsabilité. Les élus, dont les trois maires de secteur impliqués, auraient dû avoir le courage de mieux vendre ce projet plutôt que de s’enfermer en attendant que les travaux passent. Et on en est quand même arrivé à ce mur !
Votre majorité cherche-t-elle à chasser les pauvres du centre ville à coup d’opérations immobilières ?
Je n’y crois pas. Mais certains disent que Bruno Gilles est le plus à gauche des maires de droite. Dès 1995, j’ai assumé de construire des logements sociaux dans les 4ème et 5ème arrondissements. Si je suis maire de Marseille, mon idée est de faire du logement social partout. Cela ne veut pas dire construire des barres HLM de 300 appartements dans le 8ème arrondissement. Cela veut dire négocier avec les promoteurs pour, à petite dose, prévoir des logements sociaux un peu partout lors de chaque programme immobilier.
Votre promesse d’une « nouvelle méthode » passe-t-elle par la fin de la cogestion avec le syndicat Force Ouvrière ? Et par une nouvelle gestion du temps de travail sur laquelle enquête le parquet national financier ?
Personne ne sait ce que pensent les gendarmes de leur investigation. Leur présence n’est pas naturelle, je l’avoue. Mais ce n’est pas parce que le parquet national financier a été saisi qu’on va se prendre une série de recommandations. Et cela nous a permis de mettre déjà en place un nouveau cycle d’horaires avec les employés municipaux… Concernant les relations avec le syndicat majoritaire, il est logique quand une organisation gagne les élections de travailler avec elle. Mais pendant ma campagne électorale je rencontrerai tout le monde.
Existe-t-il un risque de vassalisation du maire de Marseille avec la grande métropole ?
Cette fusion va créer l’une des plus fortes institutions de France. Mais le maire de Marseille restera encore celui de la deuxième ville de France avec sa puissance médiatique et des compétences spécifiques. Ce sera à lui de coordonner, de donner une vision, le patron de la mairie.
A droite, beaucoup affirment que Martine Vassal est la meilleure candidate pour gagner la mairie…
Je suis de tout cœur avec Martine Vassal qui doit s’occuper de la gestion de la métropole, du département et de leur fusion. C’est un travail pharaonique. Il faudra la soutenir. Mais une mairie en plus cela ferait beaucoup ! Il faut un maire à plein temps. On ne peut pas imaginer que quelqu’un puisse être élu maire en 2020 et, en mars 2021, qu’il s’en aille diriger la métropole.
Pourriez-vous renoncer à votre candidature ?
J’ai des discussions en tête à tête avec Martine Vassal. Je ne veux pas être maire par procuration. Confucius disait qu’il vaut mieux un bon duo qu’un mauvais duel. Mais pourquoi ne pas imaginer un numéro 2 dans le cadre d’un ticket ? Comme il y a eu Gaudin-Muselier, demain, il peut y avoir Vassal-Gilles mais avec elle pour la métropole et le département et avec moi pour la mairie. Unis nous ne sommes pas sûrs de gagner mais désunis nous le sommes de perdre.
Propos recueillis par Michel Gairaud, Rafi Hamal avec l’aide de Djaouade Mahadali et Célia Garby