Gaudin a la mémoire très courte
Ancien prof d’histoire, le maire LR de Marseille tente depuis le 5 novembre de réécrire celle de sa politique de résorption de l’habitat indigne…
Le document est daté de février 1998. A peine trois ans après la première élection de Jean-Claude Gaudin à la mairie de Marseille. Dans une lettre d’observation sur les comptes et la gestion, entre 1991 et 1997, de la société d’économie mixte Marseille Aménagement, le bras armé de la ville en matière immobilière, la chambre régionale des comptes (CRC) s’inquiète déjà de sa politique de résorption de l’habitat indigne et de son instrument préféré, le périmètre de restauration immobilière.
En conclusion, en plus de pointer les dérives financières futures, la juridiction financière prévient : « Les garanties accordées par la ville de Marseille comportent un autre risque en ce qu’elles déresponsabilisent le propriétaire quand à la nature du bien, la qualité de ses occupants et le bon entretien de l’immeuble en cause […] La bonne conservation du logement et son entretien n’ont pour lui qu’un intérêt limité puisque Marseille Aménagement s’engage à reprendre le bien quel que soit son état. » Quinze ans plus tard, le résultat est pire qu’imaginé. Dans son rapport de 2013 sur la Sem, la CRC s’étrangle : « 40 % des logements qui devaient être réhabilités dans les PRI Centre ville et Thubaneau n’avaient toujours pas fait de travaux à la date du 31 décembre 2009. »
Une incurie de la mairie confirmée dans différents rapports mais aussi documentée par toute une littérature : universitaire (un DESS Développement local et urbanistique en 2003), associative (un bilan d’Un centre ville pour tous en 2005), un ouvrage de témoignages d’habitants et de photos en 2007 (1). Et même des documents institutionnels : en 2008, alors qu’elle signe avec l’État un nouveau plan d’éradication de l’habitant indigne, la mairie fait le bilan de celui lancé en 2002, notamment sur les hôtels meublés du centre ville. Elle note que sur 55 bâtiments sélectionnés parmi 161 repérés, plus de la moitié (28) restait encore à expertiser après 5 ans…
Difficile pour Gaudin, comme pour le sénateur Bruno Gilles et la présidente du CD13 et de la métropole, Martine Vassal, prétendants à sa succession et élus à ses côtés depuis 23 et 17 ans, de dire qu’ils portent depuis 20 ans « une ambition forte » en matière d’habitat indigne. Ou que le drame de la rue d’Aubagne est dû à la pluie…
1. De gré ou de force, Noailles à l’heure de la réhabilitation, de Marie Sengel et Franck Pourcel, Les P’tits papiers, 2007