Voter ?
Pour
Après une décennie d’enquêtes et de reportages en Provence-Alpes-Côte d’Azur, il n’y a pour moi aucun doute : tous les hommes politiques ne sont pas pourris, tous ne se valent pas, tous les programmes et les équipes ne sont pas identiques, tous les bilans ne se ressemblent pas.
Se mobiliser pour sanctionner les plus fainéants, les plus démagogues, les plus malhonnêtes, les plus asservis aux intérêts privés, a du sens. Le palmarès des cumulards que nous publions ce mois-ci nous rappelle aussi que la concentration du pouvoir est l’une des caractéristiques du dysfonctionnement de notre démocratie locale.
Mais comment espérer un renouvellement quelconque en allant à la pêche les jours de vote ? Un fait, systématique, est intéressant à observer : l’abstention est toujours plus forte au 1er tour, lorsque le choix entre les candidats est pourtant multiple, qu’au second, où il ne reste souvent que deux ou trois postulants. La diversité des propositions mobilise donc moins que la personnification à l’extrême des enjeux.Le second tour de l’élection présidentielle, avec sa caricaturale opposition de deux hommes (en attendant les femmes), bat les records de participation.
L’abstentionnisme témoigne donc tout autant d’une crise de la demande que de l’offre. L’abstention est plurielle mais en dehors de quelques personnes sensibles, à juste titre, aux limites de la démocratie représentative et de son personnel, elle exprime surtout de l’indifférence et du renoncement. Elle laisse le champ libre, c’est indéniable, aux scores de l’extrême droite. Il y a pire : elle participe avant tout à la reconduction de l’ordre en place. Votons !
Michel Gairaud
Contre
Je pourrais citer Octave Mirbeau. Mais si je ne suis même plus inscrit sur les listes électorales, c’est parce que, dans ma courte vie d’électeur, j’ai déjà sauvé la démocratie une fois. Or, j’ai immédiatement regretté de l’avoir fait. Ce soir-là, celui qui fut jadis gêné par le bruit et l’odeur terrassa la bête immonde et toute envie chez moi de retourner aux urnes.
A l’époque déjà, à bosser pour des communistes à l’Huma, j’avais déjà compris que ni la carte ni le drapeau ne faisait le camarade. Or, depuis, être payé pour suivre l’actualité ne peut que me conforter dans mes choix. Certes, il y a toujours l’envie sinon de choisir du moins d’éliminer. Heureusement, assister à la discussion d’un simple conseil municipal suffit comme piqûre de rappel. D’autant que Marseille, où j’habite, est une ville tellement « 2.0 » qu’en décembre, l’inscription en ligne a été… impossible.
Alors, si l’homme est un animal politique, je préfère commenter la vie des bêtes depuis les gradins qu’entrer dans l’arène. Agir au lieu d’élire ? Bof. J’aime mieux, avec la neutralité qui sied à l’articlier, en prenant des notes, en donner. In fine, si j’ai du mal à saisir la nécessité de se désigner un maître, je comprends encore moins – ou trop bien – ce qui pousse à vouloir en devenir un. Et puis c’est tellement jouissif de faire chier tant de monde en ne faisant rien que je ne vais pas me priver de ce droit inaliénable – pour lequel certains sont morts – qu’est celui de ne pas aller à l’école le dimanche.
Comme quoi, comme le disait Desproges, sont pas si cons, les mômes : « L’enfant croit au Père Noël. L’adulte non. L’adulte ne croit pas au Père Noël. Il vote. »
Sébastien Boistel