Moi Christophe Maé, la main à la pâte
Eguilles (13) : une jolie villa de pierre de taille perdue au milieu des vignes (1). Demeure du chanteur Christophe Maé (de son vrai nom Martichon) et de son épouse la danseuse Nadège Sarron. Lui sur les routes, entre Paris et le bout du monde, elle dans le Sud à s’occuper de leurs deux fils Jules et Marcel (2), ce n’était plus possible. La famille a donc décidé d’investir dans un food-truck musical pour allier les trois passions du chanteur : la musique, la route et les gâteaux. En effet, il aurait dû reprendre la pâtisserie familiale de Carpentras (3) mais il a préféré la musique. Derniers préparatifs avant le départ. Les parents, Guy et Christine (3), sont venus mettre la main à la pâte pour confectionner quelques douceurs avant le départ. Le camion est stationné devant la demeure. Sur la carrosserie du food-truck sont dessinés des attrape-rêves amérindiens surplombés d’une enseigne lumineuse qui rappelle une célèbre chanson de l’artiste : Il est où le bonheur ? (4).
Vé, il est beau mon food-truck maman, il sonne comme une invitation ! Heureux, Christophe vient enlacer Christine qui s’agite aux fourneaux. Il fredonne : « Quand je la regarde faire, j’ai les larmes aux yeux / Mais ce n’est qu’une mère qui voudrait être le bon Dieu / Pour ne jamais voir l’enfer dans le vert de mes yeux / Alors je danse vers des jours heureux / Maman, maman / Je t’aime passionnément » (5).
Christine s’agace : Si tu pouvais me lâcher que je n’en mette pas partout ! Elle nappe de chocolat son Maé. Pas son fils, mais sa pâtisserie éponyme, un fondant au chocolat fourré à la crème de vanille. Christine a, quant à elle, une brioche au sucre à son nom dans laquelle son petit-fils Marcel mord à pleines dents. Son grand-père Guy le soulève : Tu feras pas le chanteur comme papa hein, toi ! Tu feras des gâteaux comme papi ! Christophe sourit :
Tu te souviens quand on roulait les croissants à trois heures et demi du mat alors que mes potes étaient en boîte et que je t’ai dit : « Je le passe pas le CAP, je veux faire de la scène. » (6) Après ça, « j’ai fait 10 ans de piano bar, mais ça a toujours été de la bonne galère » (7). « J’ai eu un parcours de vie différent. La musique m’a offert un but. Je m’y suis accroché. Je sais que je suis chanceux. Combien de potes talentueux ne s’en sont pas sortis ? » (8) « La vie c’est juste ça, la conviction à un moment donné » (7).
« Combien de potes talentueux ne s’en sont pas sortis ? »
Occupe-toi de Marcel, il nous met le bazar là !, lance la grand-mère qui essaie de terminer ses Castelnaudary et Chardons du Ventoux, spécialités de la maison Martichon (3). Maman, « faut pas compter sur moi pour les règles à la maison. Quand j’arrive je suis un troisième gosse » (9). Au lieu de gérer Marcel, le visage couvert de chocolat et qui met la cuisine sans dessus-dessous, Christophe attrape sa guitare et commence à enchaîner les morceaux au milieu du chaos.
« Moi, je suis comme Marcel / Un éternel enfant / Allez, joue gamin, joue gamin » (10). Marcel rit aux éclats, la grand-mère beaucoup moins ! Tu es un dingue mon fils, lance Christine. Christophe entonne : « Dingue, dingue, dingue, dingue / Ça me rend fou, dis-moi où je vais avec toi / Dingue, dingue, dingue / Car je suis raide dingue, dingue de toi » (11). Guy en train de pétrir une pâte à tarte s’exaspère devant le petit-fils qui vient de renverser l’huile sur le sol, il lève ses mains au ciel en signe de désespoir et lance un « Mais pourquoi ?! ». Christophe du tac au tac : « Parce qu’on sait jamais / On regarde vers le haut / S’il y a un après » (12). Christine glisse sur l’huile que Marcel a renversée. « Ça fait mal de vivre sans toi / Elle a mal et tu ne t’imagines même pas / Comme ça fait mal de rire sans toi / Elle a mal et tu ne reviendras pas » (13), poursuit son fils. Marcel applaudit son papa, tandis que Christine se relève difficilement.
Alertée par des bruits de casseroles venant de la cuisine, Nadège déboule en demi-pointes, juste-au-corps et tutu rose : C’est quoi ce bordel Christophe ?! T’es jamais là, je te laisse l’après-midi avec les gosses et regarde ! Tu crois sincèrement que j’ai envie d’aller m’enfermer dans un food-truck avec toi et ta guitare ?! Hein ? Christophe la regarde les yeux embués de larmes : « Je suis une éponge, un capteur d’émotion » (7). Il lâche sa guitare, s’approche d’elle, l’enlace et lui murmure à l’oreille le refrain de la chanson qu’il a écrite pour elle : « Ce soir je m’incline / Sous la lune qui dessine / Un beau sourire / Pour ta ballerine, ma ballerine » (14).
Mais Nadège reste sourde aux paroles d’amour de son Christophe. Et tourne les demi-pointes, énervée. Il se jette alors dans les bras de sa mère en pleurs : « Elle n’accroche pas du tout [à mes chansons]. Ça m’a foutu un coup, bien plus dur à encaisser que la plupart des critiques. » (15) Mais « notre couple est fort ». « Elle m’apaise. […] Elle arrive à me faire croire que je suis libre. C’est sa force » (16). Ça va aller mon fils, le console Guy. Merci de m’avoir appris papa que « la persévérance est mère de la réussite », lance Christophe avant de reprendre sa guitare. Et d’entonner : « C’est une bougie, le bonheur / Ris pas trop fort d’ailleurs / Tu risques de l’éteindre / Il est où le bonheur, il est où ? / Il est où ? / Il est où le bonheur, il est où ? / Il est où ? » (4)
Au loin, on entend le bruit des demi-pointes de Nadège qui court sur le gravier, elle les appelle, toute haletante : Venez-voir, vite, le camion… vite… La petite famille se précipite à l’extérieur. Le food-truck est recouvert de tags obscènes. Sous l’enseigne lumineuse, bombé en rouge, on peut lire… « Dans ton cul ». Et Christophe, attristé, de gratter ces dernières notes : « Essayant de le noyer, mais il flotte / Ce putain de chagrin / Alors, je me chaaaante mes plus belles nooootes et / Ça ira mieux demain… » (4).