« J’adore les haricots, Maryse »
16H47
Maryse Joissains, maire UMP d’Aix-en-Provence et présidente de la communauté du Pays d’Aix (CPA), interpelle les élus de sa voix douce et mélodieuse : « Est-ce qu’on peut commencer ? » Quelques conseillers municipaux sont attablés, une bonne centaine reste à venir…
17H01
Pour caser tout ce beau monde, d’immenses tables ont été installées. Maryse Joissains trône au milieu, telle Marie Madeleine qui aurait pris la place du Christ dans la Cène… La table des journalistes, elle, est disposée loin, très loin des élus… Le public, composé essentiellement d’employés de LFoundry, arrive en masse.
17H05
Les maires de gauche se suivent… Loïc Gachon, maire PS de Vitrolles, a la classe d’un Montebourg ; Georges Cristiani, maire DVG de Mimet plutôt celle d’un Borloo.
17H12
« S’il vous plaîîît !, hurle Maryse dans son micro. Chuuuut ! C’est pas encore la récréation ! Ce soir on risque d’avoir un conseil communautaire important. » Elle souhaite la bienvenue aux deux nouvelles communes qui viennent d’intégrer la CPA, bon gré pour Gréasque et son maire Suzanne Maurel-Chordi (PS) qui souhaitait y entrer depuis 2000 ; et mal gré pour Gardanne et son maire communiste Roger Meï qui s’en serait bien passé, si le schéma départemental ne l’y avait pas contraint. Et Joissains de préciser : « Roger pour lequel j’ai dû déployer tous mes charmes ! Et ça a duré longtemps figurez-vous ! » Rires et sifflets de la salle.
17H18
Une demande de prise en charge des frais d’avocat et frais de justice pour les élus et agents est ajoutée à l’ordre du jour et sera votée à l’unanimité en fin de séance… De quoi rassurer Maryse à quelques jours de sa rencontre avec le juge (fixée au 31 janvier) dans le cadre de l’enquête sur des emplois présumés fictifs.
17H25
Son adjoint aux finances UMP, Gérard Bramoullé, revient sur la séance exceptionnelle de la CPA, le 11 janvier, durant laquelle une aide de 1,5 millions pour la société LFoundry, placée en liquidation judiciaire, a été votée à l’unanimité.
17H28
L’élu égraine à présent les Dotations de solidarité communautaire (DSC). Sentant le vent se lever du côté de Gréasque, il précise les critères : « C’est un rapport qui ne peut concerner que les communes anciennes… » Tout en insistant sur l’importance de voter le dossier à l’unanimité pour qu’il soit approuvé.
17H35
Gréasque se voit attribuer la plus faible DSC : 150 euros par habitant alors que le montant moyen est de 388 euros. « Cette dotation n’a de solidaire que le nom ! », s’énerve la maire PS.
17H45
« Suzanne, tu vas avoir les explications de Gérard [Bramoullé] et de Jacky [Gérard-maire PS de St Cannat] et tu n’as pas de souci à te faire […] », rassure Maryse Joissains, brossant Maurel-Chordi dans le sens du poil afin d’obtenir son vote. Bramoullé précise calmement : « Vous avez le droit de dire que cette solidarité ne nous convient pas mais elle est légale ! »
18H00
Jacky Gérard, maire PS de St Cannat, tente de mettre fin à la polémique : « Ça correspond aux recettes de 2013 et, en 2013, vous n’y étiez pas ! »
18H05
Jacques Bucky, maire PS de Lambesc, prend la parole. Maryse Joissains lui demande de faire vite. Lui aussi s’interroge sur la DSC, mais il fait comprendre à « Suzanne » qu’il faut quand même voter afin que la CPA « ne rentre pas dans la métropole dans de mauvaises conditions ». Et réglant ses comptes au passage, il ajoute : « Mais tu verras que la solidarité est à géométrie variable ! » Joissains s’énerve : « Jacques, là tu commences à me porter un peu sur le haricot ! Franchement ! »
18H10
Michel Amiel, maire DVG des Pennes-Mirabeau, ancien PS ayant rendu sa carte suite à ses divergences sur la métropole, tient à ajouter qu’ « on ne peut pas réduire le débat à la DSC […] Au-delà de toutes sensibilités politiques – je ne dis pas idéologies car par les temps qui courent ça ne veut plus rien dire – il y a une solidarité ! »
18H15
Aparté de Maryse Joissains qui s’excuse pour « la vivacité de son propos » envers Jacques Bucki. Ce dernier répond avec ironie : « J’adore les haricots, Maryse ! »
18h22
L’assemblée vote à bulletins secrets pour les trois nouvelles vice-présidences. Elle commence par Hélène Lhen, maire de Fuveau qui remplace Jean Bonfillon, maire DVD, décédé en décembre. Manque à l’appel deux mis en examen dans l’affaire Guérini : Medvedowsky, conseiller municipal d’opposition PS à Aix, et Jean-David Ciot, député et premier secrétaire du PS 13. Le vote s’éternise…
18H32
Gérard Bramoullé revient sur l’urgence de l’aide octroyée à LFoundry : « Nous sommes la seule collectivité à pouvoir intervenir avant la fin du mois. »
18H35
Face au désengagement de l’Etat, exprimé en séance à l’Assemblée nationale l’après-midi même, Roger Meï intervient : « Je propose que l’on aille rencontrer Montebourg, car c’est eux qui portent la responsabilité. » Applaudissements du public. Il rappelle que ceux qui ont précédé LFoundry avaient bénéficié de fortes sommes de l’Etat : « 500 millions d’euros ou de francs, je ne me souviens plus. » (NDLR Il a 79 ans). Rires dans la salle. « Tous ces fossoyeurs ont perçu du pognon pendant un paquet d’années », traduit Maryse Joissains dans un langage plus fleuri.
18H50
Gérard Venel, conseiller municipal PS de Lambesc l’interpelle : « J’ai trouvé que la décision de Monsieur Meï, vous la receviez avec timidité ! » Huées du public. « Tout, sauf timide ! », s’égosille la présidente. L’élu de Lambesc propose de créer cette délégation qui montera sur Paris. Joissains acquiesce, se voyant déjà sein à l’air, en Liberté provençale guidant le peuple !
18H57
Plusieurs élus veulent intervenir, Maryse Joissains s’impatiente : « Bon maintenant ça suffit, ça fait trois fois que je commence ma phrase, donnez-moi le vote pour cette aide à LFoundry ! » Le vote est acquis à l’unanimité. Standing ovation.
19H00
Le public quitte la salle. « Bon, on m’a dit met le Turbo ! », précise Joissains qui n’hésite pas à recadrer ses troupes par des « Oh ! Va dans la salle à côté si tu discutes ! »
19H07
« On passe au vote des finances », lance la présidente concernant le budget général 2014. « Qui est contre ? Qui s’abstient ? J’ai le plaisir… », pas le temps de terminer sa phrase qu’Agopian, conseiller municipal PS, s’abstient expliquant qu’on a « globalisé à la fois des modifications budgétaires et les aides à LFoundry ». Maryse Joissains s’agace : « Ben explique-le intelligemment alors ! » Rires dans la salle.
19H13
La maire de Gréasque tient à annoncer qu’après réflexion, finalement, elle votera la délibération. A la masse, Régis Martin, maire UMP de Saint-Marc-Jaumegarde, prend la parole pour expliquer les critères de la DSC déjà énumérés en début de séance. Joissains ne le rate pas : « Merci Régis, mais je crois que tu as du sortir un bon quart d’heure ! »
19H30
Roger Meï est déclaré vice-président à 129 voix. Le maire PCF est agréablement surpris : « Je trouve que c’est une bonne intégration que vous avez manifesté à travers un vote que je craignais moins important. »
20H00
Les conseillers se baladent, d’autres baillent et Maryse Joissains débite la fin de l’ordre du jour à vitesse grand V… Malheur à celui qui l’interrompra !
Samantha Rouchard